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Parfois, mieux vaut être street-smart que smart. Pierre-Alain de Malleray, Santiane.

Publié le 02 janvier 2023 à 11:43 par Magazine En-Contact
Parfois, mieux vaut être street-smart que smart. Pierre-Alain de Malleray, Santiane.

Dans les pizzini* dePierre-Alain De Malleray, Santiane  - épisode 2

Dans les pizzini de... est une rencontre dans laquelle un entrepreneur, une personnalité ou un “artiste” dans son domaine accepte de nous partager et décrypter quelques petits papiers (pizzini) avec lesquels il dirige son organisation, transmet ses messages. Il doit également accepter de répondre à quelques questions, sans possibilité de joker ! Les pizzini et leurs vertus ont été découverts à l'occasion de l'arrestation de Bernardo Provenzano (cf fin de cet article)

Dans le monde du courtage en assurances, on a croisé longtemps des « cow-boys » sympathiques, pas forcément passionnés par le respect des règlementations mais par le démarchage téléphonique, oui. On y croise désormais des passionnés du digital mais également des fonds d’investissement, soucieux d’aider à quelques mariages. La rencontre et l’interview du mois est celle du co-propriétaire du 1er courtier digital de France, leader en santé directe, leader en santé grossiste dont il n’a pas hérité mais qu’il a redressé après y être arrivé pensant y trouver une licorne de l’assurance. Ce qui ne s’est pas avéré. On lui a demandé s’il avait aimé Armageddon Time (de James Gray) qu’il découvrit à Cannes, s’il se sent plus à sa place sur un plateau de télé-vente en appels entrants que lorsqu’il fut conseiller de ministre, et accessoirement si Tessi, Intelcia et hipto sont d’efficaces partenaires dans le business ? Il adore Glenn Gould, rédige des pizzini stratégiques, à la vitesse de l’éclair, a compris tout le bénéfice du web-call-back. 

 

CEC : Street smart, ça signifie quoi ? 

PAM : Que l’intelligence des situations importe autant que la rationalité et les connaissances. Aucun espoir de faire passer une idée, un projet de réforme à ton ministre, le matin où tu pressens qu’il est obsédé par un autre sujet. Mieux vaut le remiser à un autre moment. Ce qu’on apprend sur le terrain, ce qui aide à s’en sortir dans la rue, voilà ce que j’appelle être street smart. Dans les ministères, j’ai vite compris qu’on a assez peu d’impact en réalité sur le cours des choses. Or je suis impatient... 

 

CEC : "Le génie n'est que l'enfance retrouvée à volonté". Que t'inspire cette phrase de Baudelaire ? 

PAM : Je ne pense pas être bien placé pour parler du génie, mais je dois dire que les quelques personnes croisées dans ma vie que j’ai trouvées géniales me semblaient toutes animées par cet émerveillement propre à l’enfance. Et ce, quels que soient l’âge, les accomplissements professionnels, la richesse, le bagage académique… Le génie, je pense, est celui qui conserve cette capacité à s’émerveiller et y puise l’énergie pour poursuivre ses objectifs (intellectuels, artistiques, business). 

Pierre-Alain de Malleray, président du groupe Santiane - crédit © Edouard Jacquinet

CEC : Télétravail et organisation de la journée. Comment est organisée ta journée type, cette organisation a-t-elle été modifiée par la Covid, est-elle aidée par certaines technologies ? 

PAM : Au risque de paraître réactionnaire, je ne suis pas un grand fan du télétravail. Bien sûr, il faut s’adapter aux possibilités immenses d’interactions permises par la technologie et à la demande sociale qui s’ensuit. Difficile par exemple aujourd’hui de recruter un développeur sans lui permettre au moins trois jours de télétravail. Nous avons conclu un accord de télétravail chez Santiane comme dans de nombreuses entreprises, qui cherche à trouver un équilibre entre le « remote » et les échanges informels et riches de la vie au bureau. Pour être clair, je trouve que l’essentiel de la mayonnaise qui soude les équipes autour d’un projet doit se faire au bureau. Tu as déjà fait de la mayonnaise sur Zoom ? Ma journée type ? Lorsque je ne suis pas en déplacements : lever 7h, première partie de matinée consacrée au hors Santiane (demi-heure de sport quotidien, presse, piano, pas de petit déj, jeûne intermittent !), puis journée Santiane jusqu’à 20h (points internes, comités de direction ou projets, rencontres de partenaires, parfois un déjeuner business). A 20h30, autant que possible, c’est le moment de la lecture d'une histoire avec les enfants et sinon, c’est soirée à l’extérieur avec ma femme (dîner, expositions, concerts, opéras) même si elle trouve qu’on en fait un peu trop ! 

 

CEC : Tu as pu visionner Armageddon Time, avant sa sortie, lors du au Festival de Cannes. Qu'as-tu apprécié dans le film et dans le propos de James Gray ? Cannes, en matière d'expérience festivalier, est-il quelque chose de particulier, d'unique ? 

PAM : Oui, il se trouve que j’ai la chance d’avoir assisté à la projection à Cannes (près de nos bureaux niçois) d’Armageddon Time, un film très touchant car il parle de l’enfance et de l’éclosion d’une vocation qui n’est autre que celle du cinéaste James Gray. Il parle aussi de sujets d’actualité, le racisme, la profonde division de la société américaine, le péril nucléaire (d’où le titre). Le propos autobiographique, l’immersion dans le Queens des années 1980, le jeu des acteurs (tous des stars), tout cela fait que je m’attendais à ce que le film remporte la palme d’or, mais mon pronostic s’est révélé faux puisque le film est reparti bredouille... Pour ce qui est de l’expérience festivalière, à Cannes, elle est intéressante à voir, même fascinante parfois. Tout le monde connaît la montée des marches. C’est un temps fort du cinéma mondial en même temps qu’un moment où la France joue sa marque (cf. la patrouille de France accueillant Tom Cruise cette année ou l’intervention en direct de Zelenski lors de la cérémonie d’ouverture). C’est aussi un marché où les grandes maisons de production ou de distribution sont chacune dans leur couloir et organisent leurs propres événements. Je ne peux m’empêcher de remarquer qu’en ce qui concerne les réservations, les invitations, etc, tout cela mériterait d’être digitalisé ! 

Chez Comdata, l'endroit où s'est faite la rencontre entre Kilian et Pierre-Alain De Malleray. 

“Voici quelques années, j’étais courtier en assurances, indique Kilian Le Menestrel, co-fondateur de hipto. Je vendais par téléphone les contrats d’assurance conçus par Néoliane Santé et Prévoyance. Pierre-Alain, qui devait à l’époque chercher de nouvelles idées pour commercialiser son offre, est venu sur le plateau et nous a entendus vendre, tenter de vendre. On a sympathisé. De tous les gens que j’ai rencontrés dans les affaires, c’est l’un de ceux qui va le plus vite, c’est un Pentium 4 ; parallèlement, il aborde toujours un problème avec le désir de trouver des solutions, c'est stimulant et efficace” 

« J’ai appris qu’il y avait un endroit où les meilleurs du pays se retrouvaient, j’ai pensé que si jamais ils m’acceptaient, je serais heureux d’être dans ce monde-là » PAM, évoquant les raisons qui l’ont incité à intégrer le lycée Henri IV

* Dans les pizzini de... est une rencontre dans laquelle un entrepreneur, une personnalité ou un “artiste” dans son domaine accepte de nous partager et décrypter quelques petits papiers (pizzini) avec lesquels il dirige son organisation, transmet ses messages. Il doit également accepter de répondre à quelques questions, sans possibilité de joker ! Les pizzini et leurs vertus ont été découverts à l'occasion de l'arrestation de Bernardo Provenzano.

L’histoire des pizzini

À l’occasion de l’arrestation de Bernardo Provenzano, le chef suprême de la Mafia, le 11 avril 2006, on a découvert ce qui avait permis à ce chef de donner et transmettre ses ordres à ses caporaux, dans une organisation attachée à la discrétion. Provenzano donnait ses ordres par le biais de pizzini, des petits messages roulés en boule, de la taille d’une boulette de mie de pain. Grâce à la découverte de centaines de ceux-ci, la police et les juges anti-mafia vont remonter jusqu’à des dizaines de sous-chefs, mais le plus passionnant, expliquait au Figaro Deborah Puccio-Den, anthropologue et chercheuse associée de l’EHESS, spécialiste de l’étude de ce mode de communication, est la découverte du vocabulaire et des raisons qui ont amené à utiliser ces petits papiers. Pour éviter l’écoute des téléphones portables, échapper aux micros posés par la police, Provenzano avait systématisé ce moyen de communication qui peut sembler archaique. Les pizzini étaient toujours tapés à la machine par Provenzano, les interlocuteurs identifiés non par leur nom. A la fin du message, on trouvait toujours : Dieu vous bénisse et vous protège.

 

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