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Rebaptisée, la SFAM continuerait d’abonner des clients, à l’insu de leur plein gré

Publié le 31 mars 2021 à 12:42 par Magazine En-Contact
Rebaptisée, la SFAM continuerait d’abonner des clients, à l’insu de leur plein gré

Le parquet de Paris demande la liquidation judiciaire d'Indexia et de tout l'empire fondé par Sadri Fegaier, le plus jeune milliardaire de France. Quelques médias commencent à qualifier ce dernier de “Madoff français”, parvenu à valoriser son empire plus de 1,7 milliard, lorsque le fonds Ardian et la BPI sont entrés au capital.

En-Contact publiera à la rentrée 2024 un numéro spécial, consacré à la SFAM et à son fondateur, héros balzacien que rien n'a arrêté, pas même la première condamnation de ses pratiques trompeuses en 2019. Il avait dû alors s'acquitter d'une amende de 10 millions d'euros.

En 2016, En-Contact, intrigué par le rachat du call-center de B2S à Roanne, s'intéresse de plus près aux techniques de rétention très “innovantes” qu'a imaginées Sadri Fegaier. Les assurés ont beau joindre le service client de la SFAM et des autres marques, ils ne parviennent jamais à faire entériner leur demande. Peu comprennent l'intérêt alors d'envoyer un courrier recommandé, avec AR, à ce courtier et à leur banque. En 2018, c'est un second centre d'appels que Sadri acquiert, celui d'Armatis, à Roanne. Jeune Rastignac du courtage en assurances, l'ex-propriétaire de boutiques de téléphonie à l'enseigne SFR est lancé. Rien ne va l'arrêter. Il est véloce, n'est d'aucun réseau, et sur son chemin, contrairement à Xavier Niel, il ne trouvera pas de juge Van Ruymbeke.. Ce dernier, décédé ces derniers jours, aurait donné un bon conseil au fondateur d'Iliad, celui de mordre éventuellement la ligne jaune, mais de ne jamais la dépasser franchement. 

 Extension du domaine des prélèvements, en Belgique. 

En Belgique, chez Switch. Celside insurance, Cyrana, Hubside Store, les différentes marques commerciales sous lesquelles le groupe -dirigé par Sadri Fegaier et que ce dernier a récemment rebaptisé Indexia Group- opère semblent bien n’avoir abandonné aucune des pratiques qui l’ont amené à être condamné par la répression des fraudes en 2019.

La Belgique, nouveau terrain de jeu, chez Switch

Racheté en avril 2020, le réseau de magasins Switch, qui commercialise des téléphones portables, des coques et des iPhone (il était avant sa reprise l’un des plus importants Apple Premium Reseller dans ce pays) est depuis cette date dans le giron du groupe SFAM. De nombreux médias belges ont relaté que, depuis cette prise de participation, les mêmes méthodes de vente d’abonnements forcés ou réalisés sans un accord explicite du client final se sont multipliés dans le réseau de magasins. Au magasin Switch de Liège, comme le raconte Christophe au micro de RTL, lors de son achat d’un iPhone le 17 décembre dernier. « Des vendeurs m’ont manipulé pendant 20 minutes de telle sorte qu’au final, j’ai signé trois contrats de manière numérique, sur une tablette non désinfectée et trois domiciliations ont été créées sans que je ne puisse relire quoi que ce soit », décrit Christophe. Il a signé de ce fait des contrats pour une assurance (Celside), pour une carte privilège (Cyrana) et pour un site internet (Hubside). Après les premiers mois offerts, c’est un total de 115 euros par mois qui est prélevé sur ses comptes bancaires.

L’enquête fouillée qu’a menée le média belge démontre que la subtilité des méthodes de vente de la SFAM, que certains qualifient « d’arnaque ou d’escroquerie » dans quelques vidéos, n’a en rien été modifiée depuis leur qualification en France, par la DGCRRF, de pratiques trompeuses. Elles consistent à emporter la décision et l’assentiment d’un client, à un moment clé du parcours client, celui de l’achat en magasin. Des commerciaux habiles et dûment motivés créent le besoin ou l’urgence : « Madame, un iPhone coûte cher et il est donc préférable de l’assurer », séduisent avec une offre de cash back ou de gratuité, « ça ne vous coûte rien pendant X mois et après vous pouvez cesser d’être abonné sur un simple coup de téléphone ». Reste à créer ensuite une forme de complexité dans le processus de désabonnement (on vous répond que l’on a perdu la trace de votre courrier de résiliation, de votre appel). Mais en attendant, muni de votre RIB et de l’autorisation que vous avez donnée via une signature ou parfois, par un simple accord oral, vous voilà prélevé chaque mois. Et parfois pour des services que vous n’aviez pas demandés. Pour les plus teigneux, les plus procéduriers, les plus célèbres, « l’arnaque » telle qu’ils la décrivent peut cesser. C’est ce qu’est parvenu à faire un animateur célèbre d’une émission belge, confronté aux mêmes prélèvements et qui est parvenu à se faire rembourser.

Thibaut Roland, de l’émission On n’est pas des pigeons a pu ainsi obtenir le remboursement des sommes prélevées sur son compte, lui aussi après l’achat d’un iPhone. Pour d’autres, ce sera plus compliqué, car des équipes d’animateurs des ventes de la SFAM sont envoyées en renfort, comme le raconte le Canard Réfractaire ici. 

 

Publication prochaine d’un essai de Sadri Fegaier

Avisé, résilient, l’entrepreneur de Valence tente donc en Belgique (après un changement de nom dont il assurait hier à une journaliste des Echos qu’il n’avait rien à voir avec sa précédente condamnation à une amende de 10 millions d’euros) de dupliquer ses méthodes de growth hacking de RIB ou domiciliations (le nom donné en Belgique à l’accord de prélèvement bancaire). La question qui nait assez vite lorsqu’on suit le parcours du fondateur du groupe- et que nous posent de nombreux lecteurs qui nous racontent leurs mésaventures avec la SFAM est : « Comment peut-il continuer à pratiquer ainsi, alors que la DGCRRF a déjà condamné les pratiques commerciales du groupe ? »

On a notre avis sur la question mais motus et bouche cousue*: les réponses seront à découvrir très bientôt dans un ouvrage passionnant et bourré de schémas et de chiffres, Le consentement (Comment l’obtenir, en boutiques de téléphonie et ailleurs) 

Pour découvrir tous les ouvrages passionnants que nous publions au sein de notre maison d’édition, c’est ici. 

Par Manuel Jacquinet

*Dupond et Dupont, dans l’Affaire Tournesol. 

 

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