Le courtier qui adore le Web Call Back
Dans les pizzini* de… Pierre-Alain De Malleray, Santiane - épisode 1
Dans les pizzini de... est une rencontre dans laquelle un entrepreneur, une personnalité ou un “artiste” dans son domaine accepte de nous partager et décrypter quelques petits papiers (pizzini) avec lesquels il dirige son organisation, transmet ses messages. Il doit également accepter de répondre à quelques questions, sans possibilité de joker ! Les pizzini et leurs vertus ont été découverts à l'occasion de l'arrestation de Bernardo Provenzano (cf fin de cet article)
Dans le monde du courtage en assurances, on a croisé longtemps des « cow-boys » sympathiques, pas forcément passionnés par le respect des règlementations mais par le démarchage téléphonique, oui. On y croise désormais des passionnés du digital mais également des fonds d’investissement, soucieux d’aider à quelques mariages. La rencontre et l’interview du mois est celle du co-propriétaire du 1er courtier digital de France, leader en santé directe, leader en santé grossiste dont il n’a pas hérité mais qu’il a redressé après y être arrivé pensant y trouver une licorne de l’assurance. Ce qui ne s’est pas avéré. On lui a demandé s’il avait aimé Armageddon Time (de James Gray) qu’il découvrit à Cannes, s’il se sent plus à sa place sur un plateau de télé-vente en appels entrants que lorsqu’il fut conseiller de ministre, et accessoirement si Tessi, Intelcia et hipto sont d’efficaces partenaires dans le business ? Il adore Glenn Gould, rédige des pizzini stratégiques, à la vitesse de l’éclair, a compris tout le bénéfice du web-call-back.
CEC : Quelle est ton actualité, dans un monde du courtage qui bouge à grande vitesse et va devoir intégrer par exemple le nouveau plan de numérotation et les dispositions encore plus restrictives sur le démarchage téléphonique ?
Pierre-Alain de Malleray : Mon équipe et moi sommes fiers d’avoir construit une entreprise aujourd’hui leader sur ses deux marchés : la distribution d'assurance santé aux particuliers via le Web (marque Santiane) et à travers un réseau de courtiers indépendants (marque Néoliane). Nos deux activités continuent à se développer cette année, même s’il s’agit d’une année particulière en raison d’un ralentissement de la croissance des demandes venant d’internet, qui affecte d’ailleurs l’ensemble des secteurs. La fédération du e-commerce, la FEVAD, constate même une baisse de 17% des ventes en ligne au deuxième trimestre. Malgré tout, nous parvenons à faire la différence grâce à nos facteurs de différenciation qui nous distinguent de nos concurrents : la qualité de nos produits d’assurance, de nos outils informatiques et du conseil dispensé par nos conseillers experts. Ces derniers, triés sur le volet, ne comptent pas leur temps et peuvent consacrer en moyenne une heure et quart au téléphone avant de conclure une vente ! Par ailleurs, nous accélérons sur un métier plutôt nouveau pour nous, celui de la gestion des contrats d’assurance une fois souscrits. Ainsi, nous pouvons améliorer l’expérience du client sur toute la chaîne : la vente, le service après-vente, l’indemnisation et les services médicaux telle la télé-consultation. Mon actualité à moi est difficile à dissocier de celle de Santiane : je vis à travers l’entreprise que j’ai reprise à son fondateur depuis bientôt dix ans avec l’aide de fonds d’investissements successifs. Je parviens toutefois à m’accorder quelques espaces de liberté pour ma famille et pour des activités culturelles dans lesquelles je m’engage, qui sont à la fois une passion et une source de respiration. Dernièrement, j’ai pu passer du temps, en tant qu’administrateur du Théâtre des Champs-Elysées, pour aider cette magnifique maison à définir sa stratégie pour les années à venir. Je suis aussi heureux d’avoir pu donner au nouveau musée de Deauville, les Franciscaines, une oeuvre de Pierre et Gilles au nom de l’Association des Amis que je préside. Allez voir ce nouveau lieu de culture en Normandie, c’est sublime !
CEC : Les courtiers vendent massivement par téléphone et via le web et doivent se soucier d’élargir ou de trouver les bons canaux de distribution. Parmi tes partenaires, on trouve plutôt des grands spécialistes dans leur métier, tels Tessi, Intelcia mais également des acteurs plus originaux : Santiane collabore par exemple avec hipto, un spécialiste du lead intentionniste. J’ai l’impression que les rencontres, que tu multiplies, sont décisives dans ton approche du business.
PADM : J’aime beaucoup hipto et je remarque au fil des numéros que c’est aussi le cas de la rédaction d'En-Contact ! J’ai d’abord rencontré Kilian (Le Menestrel) il y a huit ans, lors de mes premiers voyages exploratoires au Maroc, où j’allais pour développer nos canaux de distribution. Il était courtier d’assurance à l’époque et m’a frappé par son énergie ainsi que par son côté hyperactif et hyper-inventif. C’est le seul patron de plateforme de vente que j’ai vu jeter des billets de banque sur une table pour motiver les conseillers ! Je connais Léo (Hauet) depuis moins longtemps mais je suis admiratif du tandem qu’ils forment tous les deux pour créer un nouveau modèle marketing de génération de leads intentionnistes.
CEC : Il est rare, en France, de voir des élèves passés par les meilleures écoles, parvenus aux voies royales que peuvent constituer l’X et l’Inspection des Finances, après l’ENA, à la tête d’un courtier en assurances au sein duquel d’ailleurs ils ont choisi ou dû investir une partie de leurs économies. Qu’est-ce-qui s’est passé, en vrai ? Tu as fait de grosses bêtises ? Qu’est-ce qui t’a construit, après cette éducation scolaire parfaite ?
PADM : Je ne m’identifie pas vraiment à « l’homme déconstruit » mis en avant par certains responsables politiques ! Je dirais plutôt que je me suis construit du mieux que j’ai pu, à travers des défis, des projets, des rencontres et aussi, parfois, des surprises. Mon père était entrepreneur, plutôt iconoclaste, je l’ai peu connu puisqu’il est décédé peu après ma naissance, dans un accident d’hélicoptère. Pour les bonnes études, je n’ai pas vraiment de "mérite" : j’aime apprendre et j’ai aimé étudier et ce qui va avec. De ma formation, je retiens le sens du travail et l’amour des raisonnements efficaces. De mes premières années de vie professionnelle dans les ministères, je retiens que les raisonnements ne servent à rien si on n’est pas capable de convaincre et qu’il vaut parfois mieux être « street smart » que smart. De mon expérience dans l’entrepreneuriat, je retiens que les choses se passent rarement comme on avait imaginé, que les épreuves les plus dures peuvent constituer aussi parfois des opportunités extraordinaires si on sait les voir et, surtout, si on se concentre sur l’exécution des projets. Chez Santiane, je suis arrivé en 2013 dans une entreprise qui disposait d’une belle promesse mais dont la situation financière était tellement dégradée que nous nous sommes parfois demandés… si nous allions passer l’année. Depuis, avec l’équipe formidable que j'anime toujours aujourd’hui, nous avons réinventé le modèle, ce qui a conduit à multiplier le chiffre d’affaires par quatre (sans acquisition) et à créer un modèle dont la rentabilité est solide.
* Dans les pizzini de... est une rencontre dans laquelle un entrepreneur, une personnalité ou un “artiste” dans son domaine accepte de nous partager et décrypter quelques petits papiers (pizzini) avec lesquels il dirige son organisation, transmet ses messages. Il doit également accepter de répondre à quelques questions, sans possibilité de joker ! Les pizzini et leurs vertus ont été découverts à l'occasion de l'arrestation de Bernardo Provenzano.
L’histoire des pizzini
À l’occasion de l’arrestation de Bernardo Provenzano, le chef suprême de la Mafia, le 11 avril 2006, on a découvert ce qui avait permis à ce chef de donner et transmettre ses ordres à ses caporaux, dans une organisation attachée à la discrétion. Provenzano donnait ses ordres par le biais de pizzini, des petits messages roulés en boule, de la taille d’une boulette de mie de pain. Grâce à la découverte de centaines de ceux-ci, la police et les juges anti-mafia vont remonter jusqu’à des dizaines de sous-chefs, mais le plus passionnant, expliquait au Figaro Deborah Puccio-Den, anthropologue et chercheuse associée de l’EHESS, spécialiste de l’étude de ce mode de communication, est la découverte du vocabulaire et des raisons qui ont amené à utiliser ces petits papiers. Pour éviter l’écoute des téléphones portables, échapper aux micros posés par la police, Provenzano avait systématisé ce moyen de communication qui peut sembler archaique. Les pizzini étaient toujours tapés à la machine par Provenzano, les interlocuteurs identifiés non par leur nom. A la fin du message, on trouvait toujours : Dieu vous bénisse et vous protège.