Assurance santé Alan. "A fuir service d'amateurs" ?
Irrité hier par un énième bug sur le site web de Generali (l'assureur et la mutuelle de la petite entreprise que je dirige) et une énième impossibilité d'accéder à mon espace client, j'ai cliqué. Sur le site d'Alan, la licorne française du domaine, valorisée 2,7 milliards d'euros. Prêt à quitter l'ancien monde pour le nouveau. J'allais ne rien raconter mais j'ai lu Les Echos ce matin, et l'interview de Jean-Charles Samuelian-Werve, co-fondateur d'Alan.
Que j'ai tenté de joindre, par téléphone, comme un gros looser. Le téléphone est devenu has-been, semble-t-il, dans la tech, à Station F, dans les start-up, chez ManoMano, BackMarket… tous ces endroits où souffle la brise de la disruption, où tout est DIGITALISE. On se demande parfois à quoi servent les millions d'euros levés, en 2023, si on ne les consacre pas un peu à acquérir un téléphone et à y faire répondre au prospect, à l'assuré par un customer care, un vendeur, un stagiaire ? Dans la vraie vie, lorsqu'on n'a pas trouvé la réponse adéquate, dans les formulaires, les FAQ, pour les sujets complexes ou après avoir flirté sans conclure avec le tchat, le robot, on appelle non ?
J'ai laissé mon mail et téléphone sur le site d'Alan Mutuelle pour être re-contacté, quand ils seront disponibles, à partir de 9h, si j'ai bien lu. J'ai consulté alors les avis clients, un sujet passionnant (sur lequel je viens de travailler depuis un mois, pour notre magazine), et je suis tombé sur l'avis de LDG “ A fuir ! un service d'amateurs. Il y a quelques années, ils étaient au top, tout se déroulait de manière fluide et automatique. Mais dernièrement, une catastrophe. Des mois que j'essaye d'obtenir un remboursement. Il manque toujours un document (..). Pas de service client téléphonique, uniquement des interminables échanges de mails, où l'on n'arrive à rien, avec différents interlocuteurs qui reprennent le dossier sans tout lire avant. Pour être précis, LDG n'est pas la seule personne à émettre ce point de vue. Bien que les avis clients au sujet d'Alan soient majoritairement positifs, deux points communs se dégagent de ceux qui expriment de l'insatisfaction: l'impossibilité de joindre l'entreprise par téléphone, la difficulté à comparer les tarifs, avant la souscription ou l'augmentation récente de ces derniers.
Alan compétitive sur les tarifs ? On désirait savoir si l'offre Alan Green était très chère au regard des couvertures proposées, comme on le lit sur Coover. Et l'on a donc tenté de joindre Marie Hardel, la directrice du Service Clients. Et Jean-Charles Samuelian-Werve, dont les propos nous ont passionné, ce matin, dans Les Echos. Il y déclare : “ Le monde médical s'est standardisé, industrialisé. On est passé d'une approche dans laquelle le médecin s'adaptait aux besoins du patient à un univers dans lequel c'est au patient de s'adapter”. Si on change et remplace deux mots, patient par assuré, monde médical par mutuelle ou assurance, ça donne quoi ?
La seule et vraie bonne question qui surgit alors : comment grandir vite et conserver l'agilité et la qualité de service, ainsi que l'attention aux clients, patients, qu'on rêvait de bien servir ? Dans cette optique, est-ce que l'IA peut tout réaliser ? Peut-on vraiment se passer du téléphone ? Comment gérer les pics d'activité sans back-office sous traité, externalisé ? Les réponses à lire et à découvrir dans les Cahiers de l'Expérience Client, numéro 7, sortie fin Mai. Le fact-checking, c'est passionnant !
Réponses et réactions. Depuis la parution de cet article, ce matin, une communauté de fans d'Alan et de clients satisfaits de l'entreprise me dézinguent*, très irrités que j'aie osé parler d'Alan et de son président, aussi sacré que Maradona à Naples ? L'entreprise sert très bien une grande majorité de ses clients, parfait. On n'aurait pas le droit pour autant de questionner, de poser par exemple deux questions simples et qu'on va répéter:
- dans un pays qui compte quantité de personnes âgées, et d'autres, éloignées du numérique, penser et imposer un modèle de relation exclusivement fondé sur des canaux tels que les canaux digitaux, est-il pertinent ? Que cette option soit moins onéreuse, on en convient, c'est d'ailleurs celle choisie par quantité des licornes: tout automatiser, supprimer tout échange et possibilité de conversation entre deux personnes.
- question 2: la mutuelle Alan est-elle compétitive d'un point de vue tarifaire ?
- La cliente déçue par Alan a désiré qu'on ôte son nom au sein de cet article, pour différentes raisons qui lui sont propres.
Pour échanger sur ces sujets, j'ai transmis mes coordonnées et n'ai été rappelé par aucun des interlocuteurs sollicités, dont le co-fondateur, qui ont affiché des réponses via des posts. Mener une conversation avec un journaliste qui n'est ni pour ni contre Alan, mais a simplement besoin de compléter ses informations pour achever une enquête, ne semble pas possible.
*Pour ceux qui parlent d'un petit journal (sic) qui aurait désiré se faire un petit coup de pub grâce à un bad buzz, je préfère, comme dans un célèbre poème, ma petite flache (flaque) à quantité d'océans, d'incroyables Florides. So long !
Manuel Jacquinet
Photo: About Kim Sohee, film passionnant sur les ravages d'un service client déshumanisé, où l'on tente à tout prix de conserver des clients (anti-churn), en Corée. Lire ici notre critique.