Made.com: in France, customers waiting for delivery or refund
Made.com se lance dans une dernière vente flash, celle confiée normalement au UK à PwC, PricewaterhouseCoopers, et concernant la société ou les actifs de celle-ci qui trouveront preneurs. Les milliers de clients qui ont récemment commandé* ont peu de chances de récupérer leur canapé, sofas et autres meubles design, en raison de l'article 8 des CGV, de la rétention demandée des colis chez le transporteur Vir by JP. Et d'une impossibilité d'annuler les commandes, décidée de façon soudaine par les dirigeants actuels de Made.com : Nicola Thompson qui y a remplacé Philippe Chainieux, en Février 2022.
Wismo (où est mon colis ?) la complainte de plus de 12000 clients en Europe.
Ce dernier y a occupé des fonctions de direction pendant presque 9 ans et est membre et administrateur de la FEVAD. La fédération, sollicitée par nos soins, n'a jusque-là pas réagi pour donner son point de vue sur ces pratiques étonnantes dans l'univers de la vente à distance. Made.com, créée par une équipe d'associés majoritairement français (Ning Li et Julien Callede, notamment) est membre de la FEVAD, avait ouvert des showrooms dont un à Paris, est équipée de Zendesk, un logiciel SaaS renommé mais bien impuissant désormais à répondre à la question bien connue: Wismo ( où est mon colis ?)
Kirsten Vangsgaard est la cliente qui a lancé en France le groupe Facebook des clients lésés par Made.com. Son interview, ici.
Des centaines de clients français de Made.com, quasi en faillite, attendent leur colis, leur canapés, payés, jamais livrés. Vir by Jp, l'un des transporteurs qui collabore avec l'entreprise, dispose parfois des marchandises sur ses entrepôts mais ne livre plus. Oney, qui a financé certains achats en mode fractionné, veut être payé par son client français, qu'il ait ou non reçu sa commande. Et les clients, nombreux, de Made.com deviennent fous. C'est peut-être l'entreprise Reclameici.fr qui sera leur bienfaiteur ou sauveur, un site qui officie pour résoudre les parcours clients ou expériences client devenues kafkaïennes, quand on ne sait plus trop à quel saint se vouer. Ce qui arrive, unfortunately:)
*Made.com PLC Group a sollicité PwC au Royaume-Uni, pour une mission express de cession ce qui peut l'être. Rachael Wilkinson, Zelf Hussain et Peter David Dickens ont dix jours pour tenter de vendre les actifs de l'entreprise. PwC était déjà le cabinet mandaté depuis cet été pour le chantier de “restructuring " de la dette. Selon nos estimations, 12538 clients de Made.com ont réalisé un achat sur le site web de l'entreprise, qu'ils ne recevront probablement jamais. Lire ici.
Alice Hagger a malheureusement un bullshit job, aurait dit David Graeber : la jeune femme a beau disposer d'un joli titre et d'une fonction prestigieuse - directrice de la marque Made.com en France - elle ne peut rien faire ni dire, nous confirme-t-elle par SMS, ni prendre la parole. Elle était plus loquace lors d'une conférence de Paris Retail Week, consacrée aux parcours clients agiles, comme on le verra ici. C'est fort dommage : depuis la semaine passée, Made.com, qui valait plus de 775 millions de livres à la Bourse de Londres, a vu son titre décoté au point que l'entreprise ne vaut plus que 2 millions. En France, des centaines de clients, attirés par les promotions qui étaient encore proposées sur le site en octobre, ont passé commande, ont reçu parfois, comme Kirsten Vangsgaard, un SMS du transporteur qui leur annonçait la prochaine livraison. Et le lendemain, un appel pour leur signifier que la commande, qu'ils ont pourtant payée, ne serait pas livrée. “Depuis, je passe mon temps au téléphone, par mail à solliciter la marque, qui ne répond pas, le transporteur, qui renvoie à des consignes de son client, et Oney, le partenaire de Made.com, auprès duquel j'avais conclu un paiement fractionné. Oney me répond que tant que la commande n'est pas annulée, je dois la somme totale. Mais Made.com indique depuis quelques jours que plus aucune commande n'est prise, ni annulable." Désireuse de porter plainte pour ces faits qui pour elle s'apparentent à une quasi escroquerie, la cliente infortunée de l'entreprise (créée par Ning Li, Julien Callède, Chloé Macintosh et Brent Hoberman) s'est vue renvoyer vers le Tribunal de Commerce par les gendarmes. Elle a depuis créé un groupe de clients mécontents sur Facebook, dont l'audience commence à grandir. “J'avais été rassurée après m'être rendue à leur showroom, et en raison de leur notoriété. Je sais maintenant que les dirigeants de l'entreprise savaient déjà à l'époque de mon achat, le 16 octobre, que l'entreprise était en grande difficulté. Un autre membre du groupe a fait des achats de 3700 euros."
De Oney à Vir by JP* en passant par Made.com, personne n'est responsable.
Oney, joint par nos soins, confirme que tant que les commandes ne sont pas annulées par Made.com, le client doit le montant total de l'achat. Made.com est aux abonnés absents. Les cadres français qui ont été aux commandes de l'entreprise, telle Jessica Delpirou ( dirigeante de la filiale France entre 2017 et mars 2021) ou Alice Hagger renvoient à l'agence de presse, Brunswickgroup ou indiquent que c'est en Angleterre que tout est décidé, etc, etc. Mondial Relay et DPD sont en charge des autres modes de livraison pour les colis ou marchandises plus petites.
Des difficultés dans l'expérience client, qui ne sont pas nouvelles.
Passablement irritée, A.P l'était, il y a quelques semaines, comme de nombreux clients de Made.com qui, depuis des mois déjà, ont vu leur commande chez Made.com repoussée, parfois de deux fois 3 mois: “j'ai commandé en mai, on m'a annoncé juin puis août et en août, on m'a sans plus de précisions indiqué que je serais livrée en décembre? J'ai annulé, je vois que j'ai bien fait” indique cette directrice commerciale surprise qu'on puisse pratiquer ainsi sans être jamais rattrapée par la patrouille. Moins supervisé et “caviardé” que d'autres sites d'avis clients, Google My Business révèle ces parcours clients chaotiques, qui tiennent en fait au business model de l'entreprise: faire fabriquer dans des usines en situées en Asie, au Vietnam, en Chine, des meubles et canapés, communiquer largement en digital afin d'attirer les clients, soigner l'UX du site web; mais réduire à sa plus simple expression les équipes de support, de service client, de planification. L'important, n'est-ce pas le Growth, qui permet de viser la Bourse, de conclure des levées de fonds successives ?
La concurrence inéquitable créée par des e-commerçants, sans réseau physique de magasins, localisés en UK ou au Luxembourg, parfois créés par des talents passés par les meilleures écoles française, et célébrés dans des temples tel Station F, un bon sujet d'étude pour Olivia Grégoire, la Ministre chargée des PME et du Commerce, qui annonçait dans le Journal du Dimanche hier la création du Conseil National du Commerce, opérationnel dès le 1er Décembre.
Reclameici.fr, l'initiative heureuse ?
C'est parce qu'il a constaté que de nombreux clients et consommateurs peuvent être floués, voire carrément escroqués ou vivent l'enfer qui consiste à tenter de joindre un service client, alors que l'expérience client n'a pas été conforme à la promesse commerciale ou au bon de commande, que Nicolas Lemonnier a créé Reclameici.fr. Le site, sur le modèle de sites déjà créés au Portugal ou au Brésil, joue le rôle que tient peu ou prou Julien Courbet sur RTL, dans "Ça peut vous arriver”: “En médiatisant les affaires commerciales non résolues, en donnant de l'audience à des réclamations fondées de consommateurs, nous parvenons à faire réagir les marques, indique l'entrepreneur. Darty et la Fnac, par exemple, sont vertueux et s'occupent des réclamations déposées sur notre site. Pour d'autres, on constate que la volonté de laisser pourrir la situation fait partie du modèle. Celui de nombreuses start-up et de certains e-marchands doit être questionné” ajoute-t-il. Dans quelques semaines, il envisage de créer un service sur mesure, probablement facturé, dans lequel Reclameici.fr prendra en charge la gestion et la résolution du problème, si elle est possible. D'ici là et lorsque le dépôt de bilan de Made.com surviendra, ce qui est désormais fort probable, qui va rembourser Kirsten Vangsgaard et ses compagnons d'infortune ?
“Made.com, arnaque ” comme le clament les clients non livrés sur Trustpilot ?
Célébrés partout comme les nouveaux commerçants, des disrupteurs, certains entrepreneurs ont bien compris l'art de la réclame, du service client qui ne prend pas d'appels et ne répond qu'aux e-mails. Moins semble-t-il le respect de la promesse commerciale, du client ou la nécessité d'investir en planification ou en supply-chain. Sur Twitter, Alice Hagger indiquait en février 2021: “l'explosion de la demande nous a fait investir, en social et en search”. Que dira la FEVAD, à laquelle adhère Made.com de ces pratiques, souvent observées, de ces entreprises consacrant la majeure partie de leurs ressources à la communication et au branding et qui disparaissent quand des vents mauvais surviennent, leurs dirigeants expliquant ensuite que c'est la faute de la Chine, de l'augmentation des matières premières ? Déjà lancé dans une nouvelle aventure, Ning Li s'occupe désormais de cosmétique et n'est plus aux commandes de l'entreprise depuis plusieurs années. Alors qu'il a, avec son associé, opéré une opération de cash-out lors de l'entrée en Bourse, il commentait avec une forme de tristesse les difficultés récentes de Made.com, son abnégation étant ensuite célébrée par son épouse Roxanne Varza, ex directrice de Station F. Philippe Chainieux a dirigé la start-up de 2018 à Février 2022 et officie désormais à la Centrale. C'est la directrice des opérations Nicola Thompson qui lui a succédé, en tant que CEO par intérim.
Les associés de la première heure et tous les dirigeants qui ont été aux commandes à Londres savent que la justice ne s'embarrasse pas vraiment de clients lésés à hauteur de 2000 ou 700 euros. Que beaucoup de consommateurs gesticulent un temps, babillent sur FB (Facebook) mais qu'au fond, il existe peu de Erin Brockovich, tenaces, disposées à de longs et incertains combats juridiques. Ce qui pourrait marquer, faire tâche serait que des actionnaires de l'entreprise basée à Londres, énervés d'une telle perte de valeur en Bourse, investiguent pour se demander depuis quand on savait et si l'on savait, en haut lieu, que le business model de Made.com était pourri ? Rotten to the core, disent les anglais.
“Quand on réalise un cash out de 90 millions de livres, au moment où la Bourse vous permet de lever à peu près autant d'argent, ce n'est pas très fair play. Planter une boite, ça arrive, faire ça, c'est plus limite” commente sur Linkedin, un observateur de ces soubresauts.
Pour aller plus loin :
En 2021, Made.com fournissait gratuitement au NHS Staff, les équipes médicales des hôpitaux anglais, des canapés et meubles gratuits. Relayait cette jolie initiative sur Twitter et dans la presse.
La Redoute, bien redressée, s'appuie désormais sur Myopla pour son service client, notamment depuis le site de Noyelles-sous-Lens. On y décroche au téléphone, lorsque nécessaire.
Photo de une: Stanley Tucci, incarnant Eric Dale, dans Margin Call. De temps à autre, tout s'effondre et en haut de la tour, on solde ce qui peut l'être, sans trop de respect pour qui que ce soit..
Manuel Jacquinet.