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Le Monde tente de retenir ses abonnés de façon malhabile

Publié le 05 mai 2021 à 15:47 par Magazine En-Contact
Le Monde tente de retenir ses abonnés de façon malhabile

Même Canal Plus rend sa « liberté » à ses abonnés presque sur simple demande ou appel. Sommes-nous condamnés, au terme d’une période d’abonnement ou du mandat d'un président, à des ersatz de choix ? En voilà une bonne question !

Le grand quotidien du soir a augmenté ses tarifs d’abonnement de plus de 30 % en un an mais demande toujours à un abonné qui désire rompre son contrat de lecture -comme on dit dans les rédactions- d’envoyer un courrier recommandé avec accusé de réception. Coût moyen: 6 à 7 euros, en sus du désagrément de devoir trouver un bureau de poste ouvert, car très souvent chez ces entreprises, la lettre recommandée digitale n’est pas acceptée. Tiens-donc ;).

Qu’est ce qui fonde l’engagement et la fidélité ?

L’état de santé de la presse d’information générale n’est pas florissant : diminution significative du volume des ventes au numéro en kiosques, concurrence des médias gratuits ou de ce que produisent les GAFAM sur les médias sociaux ; même LinkedIn s’y met. Pour les organes de presse comme pour les opérateurs télécoms ou proposant de la fibre, les influenceurs, les plateformes SVOD, il faut conquérir des abonnés et les fidéliser. Tadaaaam !
Or, un abonné, une épouse ou un mari vous reste-t-il fidèle par amour ou parce que vous avez les clés de l’appartement ou de la voiture ? Au regard du nombre important de plaintes d’anciens lecteurs du Monde, sur le site d’avis clients Trustpilot, on a désiré poser cette question à Gilles Van Kote, directeur délégué à la relation avec les lecteurs au Monde.
Il existe en effet, en marketing, une théorie récente et souvent décrite du Customer Effort Score qui explique, en gros, qu’il faut faciliter la vie de votre client pour vous l’attacher, car la simplification et la procuration d’émotion positives constituent le socle d’une relation pérenne et heureuse. Mais le Monde a préféré recourir à la mise en place d’une technique d’un autre âge : créer une contrainte et une dépense pour celui qui désire vous quitter, en supposant que cette perspective suffira à le décourager. Ne serait-il pas préférable que les clients restent fidèles à un journal pour la qualité de ses articles, de ses podcasts par exemple ? 

fLe choix de Sophie, 1982 - © DR

La maltraitance relative

Est-il simple de s’abonner au Monde ou à Télérama et  tout aussi simple de résilier son abonnement lorsque son montant vous est prélevé ? Oui à la question un, pour les demandes simples. Non à la question deux, pour Le Monde.

Essayer de joindre le service client du Monde, comme celui de Télérama, autre titre sérieux et vache à lait du groupe, s’avère souvent un parcours du combattant digne de la bataille du Pont d’Arcole : aucun numéro de téléphone n'est proposé pour joindre le service abonnement de Télérama. On suppose que répondre au téléphone coûte cher. La session tchat qui se déclenche alors bute souvent sur du personnel absent ou en nombre insuffisant, bien que la technologie soit en place (c’est l’éditeur français de logiciel de service client omnicanal Akio qui la fournit). Demander à s’abonner si on le fait au nom d’une entreprise n’est pas non plus possible, puisqu’on vous demande un prénom dans le formulaire d’abonnement. Lorsque, après une longue enquête, vous parvenez à trouver un numéro de téléphone qui ressemble à celui d’un service client (01 41 88 51 00), le téléconseiller, très aimable au demeurant, vous précise qu’il peut vous adresser une facture mais qu’il ne peut prendre de CB en ligne. En résumé l’abonnement pour un professionnel nécessite 3 étapes ! On a vu plus fluide. La direction technique ou marketing de VM Magazines ignore probablement que des solutions de paiement en ligne sécurisé existent en France et sont parfois même utilisées par le moindre petit e-marchand venant de découvrir les joies de l’omni canal. Elles permettraient de boucler idéalement un parcours d’abonnement fluide, seamless, comme on dit dans le monde de l’expérience utilisateur. 

Au Monde, il existe un service client (joignable au 03 28 25 71 71) et même un service devis, qu’on a éprouvé en demandant une cotation pour 8 abonnements. 36 heures après l’envoi de cette demande, zéro retour ou reprise de contact. Mais la session tchat fonctionne, elle, et une efficace Fanny nous appelle, en numéro masqué et nous précise : « Au service traitement des e-mails, il n’y a qu’une seule personne ». Cherchez l’erreur : est-il si difficile d’embaucher ou de confier à un prestataire spécialisé la gestion de son service abonnements en planifiant en nombre suffisant le nombre de conseillers adéquat ?
Parallèlement, le prix de l’abonnement au Monde a augmenté de plus de 30% en un an, certes sur la base d'une offre initiale attractive. Et l'on fait donc tout pour assurer une rétention malhabile, que les abonnés en partance qualifient d'ailleurs avec d'autres adjectifs ( lire plus bas). Peut-être a-t-on imaginé ainsi assumer les pertes engendrées par Presstalis, notamment; mais est-ce au lampiste lecteur d’assumer l’incurie ancienne du système de distribution de la presse ? Pourquoi demander un recommandé avec AR à l’époque du Saas (Software as a service), d’autant que la promesse sur le formulaire d’abonnement précise « sans engagement ». Chez Télérama, aucune pratique de ce type. 

La question  

Dans l’un des plus grands groupes de médias français donc, dont l’un des financeurs et fidèles soutiens est un des hommes qui connait le mieux l’importance et les bénéfices de la technologie (Xavier Niel), le même qui qualifiait de pigeons les clients de ses concurrents dans les télécom, on en est donc à l’âge de la préhistoire lorsqu’il s’agit de parler, converser avec et fidéliser un abonné. Ce qu’on observe est digne de la grande consommation des années 90 ou des catalogues VPC dédiés à la  vente de veilles voitures dont le Numéro 1 en Kiosque est à 1 euros et la suite, sur abonnement, prélevé directement, à 15 euros par mois. Ou pire, de la SFAM, une entreprise d’assurances affinitaires qui a été sanctionnée par une amende de 10 millions d’euros en 2019 pour pratiques frauduleuses. Au sein de ce groupe on se demande  quelle est la place, le rôle, l’autonomie confiés aux directeurs marketing, du digital, de l’expérience client, les directeurs de la relation avec les lecteurs médias ? Et le poids que tous pèsent en face du DAF ou du service achats. Ou le courage qu'il faut avoir pour protester quand plus aucun investissement n'est consenti ou planifié ? Ecoute, t'es gentille avec ton UX design, ton service abonnement et le NPS mais Dreyfus, il y a un truc qui l'intéresse, la dernière ligne. Demain est un autre jour. Fin de la conférence Zoom ou Teams je sais pas quoi. 

N’y a-t-il rien il de plus efficace que de proposer un parcours du combattant à celui qui veut vous quitter ? On a désiré, sur ce sujet, parler avec : 
Gilles Van Kote, Directeur délégué et en charge de la relation avec les lecteurs, injoignable, personne n’a le droit de vous préciser son e-mail. LOL.
Armelle Delorme, Directrice relations clients, parcours et expérience client au sein du groupe Le Monde (Le Monde, Télérama, L’Obs, Courrier International, etc.) qui nous a renvoyé sur :
Diane Lemoine, Directrice du digital et de l’innovation à Télérama.
Les deux sont indisponibles mais répondent parfois sur Linkedin.
Laurence Mock, responsable de la monétisation des data et données abonnées. 
La rédaction de Télérama, qui fait souvent de jolies critiques des absurdités du monde digital et déshumanisé, mais plutôt lorsque tout ceci figure dans les films de Ken Loach ;)

Etc, etc. 

La tristesse, temporaire !

On arrête là en se rappelant qu'il y a souvent, dans ces grandes institutions, plus de monde dans des bureaux à moquette pour Réfffléchir et Expliqueeer pourquoi on s’est équipés de la solution Tableau (Salesforce)… qu’au service client. Malheureusement, il en va des médias comme de nos institutions, dont elles sont le reflet ou l’agent actif : l’innovation se résumerait donc à tenter d’emprisonner un client, un citoyen ou un électeur ? Dans les grands jours, quand il convient de faire croire qu’on s’agite, on s’esbaudit parce qu’on va faire un truc soi-disant disruptif, comme les autres : s’équiper de Zuora (une solution d’abonnement tout en un qui vous génère des abonnés mais conserve les données clients et une sacrée partie des revenus) ou d’Arc Publishing, la solution d’abonnement conçue par le Washington Post. Et comme, après tout ça, on sera forcément encore plus mal en point, on tentera d’organiser des séminaires, des Forums sur le digital avec des Evangelist, en l’occurrence des spécialistes de la Loyalty (fidélisation), venus en général de chez les Gafa. 
Voilà peut-être une suggestion de chronique pour la journaliste du Monde, Rafaele Rivais, qui traite de ce type de pratiques sur son blog, SOS Conso ? Les résiliations compliquées ou empêchées, la norme DSP2, le prélèvement SEPA sont devenus, parmi d'autres outils et techniques, les complices technologiques et silencieux de la boucherie en devenir, tout autour. 

Le magazine Numéro 120 du magazine En-Contact mettra à l’honneur ceux qui, discrets et à leur façon, entament ou poursuivent le combat contre ces pratiques. Il y en a, et c’est pourquoi les tristesses sont temporaires. La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil, écrivait René Char. 

C’est à savoir et méditer ?

La Sfam est une entreprise, désormais dénommée Indexia, qui s’est rendue célèbre pour ses techniques d’acquisition de clients hasardeuses, pour ne pas dire carrément hors la loi et pour ses techniques de rétention d’abonnés astucieuses. Son président, Sadri Fegaier, devenu l’un des hommes les plus riches en France, jure ses grands dieux désormais qu’on ne l’y prendra plus, que son entreprise a changé de nom et de pratiques commerciales. Mais les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Voir notre article à ce sujet. 
Canal Plus a été condamné, en juillet 2020 pour des faits qui remontaient à 2017, lorsque la chaine imposait à ses abonnés de se manifester pour refuser l’offre de devenir abonné automatiquement à Canal Sat. Le délit de vente forcée est réprimandé par la loi française.
Quelques années au préalable, la chaine ne permettait de mettre un terme à son abonnement, qu’une fois par an, à la date anniversaire. Pas avant, ni après.

Par Manuel Jacquinet

Ci-après les extraits de ce qu’on lit avec intérêt, sur une plateforme d’avis clients, au sujet des pratiques du Monde. Ici en l’occurrence Trust Pilot. 

A lire jusqu’au bout, c’est édifiant. Les avis datent pour les derniers de début Mai 2021.
Moyenne générale des 181 avis : 1,5/5

Armelle C
Pratiques de résiliation d'un autre âge
Honnêtement, si je n'avais pas constaté ce mois-ci une augmentation tarifaire de 3€ (de 9,99 à 13) ou que la procédure de désabonnement impliquait d'envoyer un courrier recommandé avec accusé de réception, j'aurais surement conservé mon abonnement. Pouvoir souscrire un abonnement mensuel sans presque aucune formalité de façon 100% numérique (je précise que je reçois uniquement le contenu numérique, pas de papier) et ne pas permettre de se désabonner par ce même biais (merci d'ailleurs pour ceux ne possédant pas d'imprimante + en télétravail confiné...), je le perçois comme une tentative de faire de la rétention d'abonnés ;) N'adhérant pas vraiment à ces pratiques, dont je ne partage aucunement les valeurs, je vais donc clore mon abonnement et éviter de souscrire à tout nouveau service ayant les mêmes pratiques !

Céline
Bonjour,
Après plusieurs mois d'abonnement et de lecture de votre journal, vous me demandez, pour me désinscrire, d'envoyer à l'ère du numérique une lettre avec recommandé et accusé de réception à mes frais pour 7.9 euros !! Comment de pas être irritée et en parler autour de soi dans de telles conditions !

Adeline C
Service client désastreux...
Je suis abonnée à l'édition week-end et je reçois mon magazine de manière très aléatoire… environ toutes les 3 semaines celui-ci n'est pas livré. Alors que je contacte le service client à chaque fois, par email ou téléphone, aucune solution n'est apportée (sauf de reporter mon abonnement d'un numéro... inutile). Ils ne me renvoient jamais le magazine non reçu, et refusent de me donner accès à la version numérique (sous prétexte que cela est réservé aux abonnés 100%) ... mais où va-t-on ? Cerise sur le gâteau, ils ont lancé un podcast le Gout de M fort intéressant mais idem, accessible seulement aux abonnés 100% (alors que je paye mon abonnement WE plus d'une centaine d'euros par an depuis plusieurs années...). Le Monde c'est fini, je résilie. Vous n'êtes ni capable de fournir un service client de qualité, ni de vous adapter au Monde qui change. Quel dommage...

Regis de poortere
Méthode de désabonnement par lettre recommandée avec accusé de réception scandaleuse !!!
On s'abonne en un clic pour 9.99 euros par mois (avec le premier mois à 1 euro) mais il fat compter plusieurs semaines pour arrêter un abonnement à 17,99 euros. J’hésitais à me désabonner car je ne lisais pas souvent les articles du journal, mais après lecture de la procédure de désabonnement je n’hésite plus…franchement, on ne m'y prendra plus jamais. C'est un piège à cxx !

Vitry 94
Méthode de charlatan
Abonnement facile - parcours du combattant pour se désabonner. Vous avez qu’à regarder la réponse de Le Monde qui blablate mais n’apporte aucun changement. Peut-être que vous arrivez à retenir quelques abonnés mais ça ne durera pas et vous y perdez votre âme …
Lorsque je me désabonne de cette façon, je ne reviendrai jamais, c’est complètement contreproductif. Vous faites du mal à vos journalistes et c’est bien dommage.

Damois
Une procédure de résiliation inacceptable !
Pour résilier un abonnement numérique à 9,99€, il faut envoyer une lettre recommandée avec accusé réception, qui coute 6€. Une fois qu'ils l'ont reçue, ils vous envoient un mail pour vous demander de confirmer que vous souhaitez bien résilier et ils vous proposent un autre abonnement, deux fois plus cher. Inadmissible. On peut souscrire en ligne, mais on doit résilier par papier et confirmer par mail, quelle blague.

Nour
Résiliation non prise en compte 118 euros volés
J'ai profité de l'offre à 0 euros au mois de mai 2020, avant la fin du mois, je me suis désabonnée par téléphone. L'opératrice m'a dit que tout était en ordre et que mon abonnement avait bien été résilié.
Depuis, je n'ai plus consulté le journal. Ce mois-ci ma carte bancaire arrivait à expiration, je reçois dans la foulée un email du Monde me demandant de renouveler ma carte bancaire. Je m'aperçois alors que j'ai été débitée tous les mois de 9,99 euros sans mon accord alors que je pensais m’être désabonnée. Je ne consulte mon compte bancaire français que rarement et j'avais laissé passer ce montant.
J'ai contacté le service client le Monde et bien-sûr ils disent n'avoir aucune trace de mon entretien téléphonique de résiliation et refusent de me rembourser les 118 euros prélevés à mon insu.
C'est honteux de proposer un service de résiliation par téléphone et d'ainsi arnaquer les consommateurs en ne mettant pas fin à leur abonnement à leur insu.

Emma Remazeilles
Résiliation
Sans parler du changement du prix de l’abonnement qui change sans que l'on soit prévenu (+ de 30%), la procédure de résiliation (payante car par lettre recommandée avec accusé de réception obligatoire), n'est même pas prise en compte dans mon cas. J'ai résilié en janvier et je suis actuellement toujours débité. J'attends toujours le remboursement.
Dommage j'appréciais beaucoup les articles mais je n'ai plus les moyens et le service client est important pour moi.

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