Le magazine indépendant et international du BPO, du CRM et de l'expérience client.

Démarchage. Qui est menacé: les centres d'appels, Joëlle ?

Publié le 13 juillet 2022 à 09:20 par Magazine En-Contact
Démarchage. Qui est menacé: les centres d'appels, Joëlle ?

La nouvelle réglementation sur le démarchage téléphonique est entrée en vigueur il y a presque un mois. Qui est menacé, obligé de changer ses pratiques ? Les Echos publient ce jour une enquête sur ce sujet. Ce soir, deux des trublions les plus agiles de ce marché effectivement en pleine mutation réunissent quelques marques sur ce thème : The CX Murder Party, qui a tué l'expérience client et la télévente ? 

Menacée de mort à cause du démarchage téléphonique.

Il y a maintenant dix ans, une histoire de harcèlement téléphonique avait rameuté de nombreux organes de presse à Villegongis, petit village d’un peu plus de cent habitants dans l’Indre.

On était passé à deux doigts du drame : Joëlle s’était fait usurper son numéro de téléphone par une société de télémarketing proposant des panneaux solaires et qui présentait le numéro de Joëlle sur les combinés des gens qui étaient sollicités. Cette usurpation avait valu à la malheureuse des visites inamicales et des lettres de menaces. A l’époque, nous avions conversé au téléphone avec Annick, l’une de ses voisines, qui avait pris fait et cause pour l’infortunée. 9 ans après, what’s up at Villegongis ?

 

Comment va Joëlle ?

Annick : Elle s’en est remise car ça l’avait vraiment bouleversée.

 

Et donc vous aviez pris sa défense ?

Bah, bien sûr, j'étais bien obligée. Elle est handicapée à 80%. Elle était seule chez elle. Elle vivait avec son oncle mais son oncle était en maison de retraite. Toutes les deux secondes, elle recevait un coup de téléphone. Son numéro de téléphone avait été usurpé et elle n’en sortait pas. On a été obligé de décrocher le téléphone, d’appeler la gendarmerie ; enfin non, les gendarmes se sont déplacés vu qu’ils recevaient des coups de fil des gens qui pensaient que Joëlle les appelait mais ce n’était pas vrai : quelqu'un prospectait par téléphone, en utilisant le numéro de téléphone de Joëlle.  C’était vraiment une catastrophe.

 

Donc des gens se sont montrés agressifs envers elle ?

Ah oui, oui, on a même eu des lettres. Il y en a qui sont venus et c’est moi-même qui les ai reçus parce qu’elle portait le numéro deux au-dessus de sa porte et j’habitais au deux d’une rue voisine. Et comme ils allaient chez elle, je suis montée sur l’escabeau, j’ai supprimé son numéro au-dessus de la porte. Il n’y avait plus que le mien, de deux. Alors c’est moi qui les recevais, chez moi. Avec ma carabine, et croyez-moi bien que ça chauffait. Des lettres de menace aussi, je dois en avoir une ou deux. Même la mairie en avait reçu, des lettres de menace. Après ça s’est calmé car RTL s’en est mêlée, la Nouvelle République s’en est mêlée ; enfin il y a eu plein de médias, la télévision est venue, France 3, ça s’est quand même calmé. Il a fallu qu’elle change de numéro de téléphone par contre. Sa cousine l’a fait mettre sur liste rouge. Moi je pouvais pas y aller et être au téléphone, donc c’est une de ses cousines qui s’en est occupée.

 

Les gens ne se rendaient pas compte de la méprise ?

Mais non, pensez-vous, c’étaient des cinglés. Pour arriver à de telles extrémités, je vous jure qu’il faut être cinglé. Faut être cinglé, c’est moi qui vous le dis. C’était pas drôle du tout. Avant, je dormais la porte ouverte mais de ce jour-là, j’ai fermé ma porte à clé la nuit.

 

Et vous, vous plaignez du démarchage téléphonique ?

C’est une catastrophe. Je vais changer, je vais attendre un petit peu, fin Mai, pour écrire aux télécoms et pour essayer de changer de numéro de téléphone. Ça m’embête car tout le monde connaît mon numéro de téléphone. Quoique maintenant je les envoie chier proprement, c’est vite fait. Maintenant je sais comment faire. Je décroche ; quand je vois que je ne connais pas le numéro de téléphone… Vous avez de la chance que je vous aie répondu, je pensais que c’était ma petite sœur.

 

Premier pays au monde à avoir créé une liste d’opposition au démarchage téléphonique, l’équivalent de notre Bloctel, les États-Unis disposent d’un observatoire passionnant sur 19 ans de recueil des plaintes sur les unsollicited calls

 

Vous travaillez toujours ? Je sais juste que vous aviez pris fait et cause pour Joëlle.

Ah non, je suis en retraite. J’ai soixante-treize ans mon ami. Et c’est tout à fait normal, qu’est-ce que vous voulez. C’était mon devoir de la protéger, même si les gens ne sont pas forcément toujours reconnaissants. Maintenant elle est sur liste rouge. Mais je crois qu’il y a des démarcheurs qui arrivent quand même à trouver ces numéros. Moi, c’est deux fois par jour. J’ai fait isoler mon grenier au-dessus et ils me téléphonent deux fois par semaine pour me proposer le truc garanti dix ans. Lundi, ils m’ont appelé trois fois dans la journée, donc je leur ai dit, ah vous me cassez les pieds, vous avez mon numéro de téléphone donc vous avez mon adresse parce qu’ils me disent : « Madame, vous vous rappelez ? », je leur dis, « mais je ne suis pas gaga, je ne suis pas folle encore, je me rappelle de tout ce que je fais chez moi. » Donc je leur dis, vous ne venez pas, c’est pas la peine, vous m’envoyez un courrier, vous avez mon adresse. Et je raccroche. Je ne suis pas née de la dernière giboulée. 

 

En parlant de giboulée, la dernière fois c’était des panneaux solaires pour Joëlle ?

C’est pareil, je les ai envoyés promener, je leur ai dit que je pédalais pour me faire de l’électricité. Voilà. Et à Villegongis, il n’y a pas de panneaux solaires, on n’a pas le droit. On a le château qui est classé monument historique, on ne peut pas faire ce que l’on veut. Il y a même des velux qui risquent d’être retirés. On ne fait pas ce qu’on veut, c’est moi qui vous le dis.

Afin d'éviter ces débordements et de protéger les consommateurs, certains gouvernements et de nombreux pays ont instauré un système de liste d'opposition téléphonique comme, en France, Bloctel.

 

Photo de une: “Frankenstein” de James Whale

A lire aussi

Profitez d'un accès illimité au magazine En-contact pour moins de 3 € par semaine.
Abonnez-vous maintenant
×