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Fodoa Fache-Adkins: «Je déplumais des poulets. Et un jour, je suis arrivée en retard» Teleperformance

Publié le 09 juillet 2024 à 02:30 par Magazine En-Contact
Fodoa Fache-Adkins: «Je déplumais des poulets. Et un jour, je suis arrivée en retard» Teleperformance

« Je suis le président de France Télécom et il faut tout arrêter  » (…) « Le moindre crétin désormais prend la parole sur les réseaux sociaux ». Rencontre décapante avec un pur produit TP (Teleperformance) : Fodoa Fache-Adkins. Un des portraits, une des rencontres les plus passionnantes occasionnées par la rédaction du livre sur les alumni de Teleperformance : J'ai tant appris rue Firmin Gillot ( Malpaso-RCM éditions). 

De l'impact des alternances politiques sur les campagnes d'appels sortants et les argumentaires et scripts, à Paris 15.

Voilà une lecture savoureuse, alors que l'avenir des sociétés de BPO et d'expérience client externalisée semble chahuté, si l'on en croit les yoyo des cours boursiers de ces dernières. Que peut devenir une entreprise qui a su faire éclore tant de talents, les utiliser, les faire grandir quand l'IA et ses apôtres indiquent qu'une grande partie des missions qui leur était confiée sera automatisable? Que se passe-t-il sur les plateaux, lorsque survient une alternance politique, qui impacte une mission en cours de production ? Comment et avec quels types de ratio pouvait on joindre des abonnés, des ex-abonnés à des magazines, avant le nouveau plan de numérotation ? 

Fodoa Fache-Adkins au début de sa carrière

A défaut de procurer des réponses simples à ces questions complexes, Fodoa nous parle avec sincérité, depuis son domicile où, depuis longtemps, elle fait du télétravail et parfois la cuisine, lors de conf-call. Après l'avoir indiqué à ses interlocuteurs. Et nous partage ses tips: "chaque jour, pour rompre avec le home-office, je vais au café et lis Le Parisien. Qui parle de tout et de tous. Et je peux me taper la discussion avec un client attablé au comptoir, inconnu jusque-là, qui va me partager sa vision du monde !

Comment et pourquoi rejoignez-vous Teleperformance ?
Parce que ma carrière dans le déplumage et la vente de poulets s’est arrêtée de façon brutale. A 19 ans, étudiante, je travaillais déjà sur les marchés, à vendre des poulets, à Argenteuil : il fallait se lever à 4 heures du matin. Je devais déplumer les poulets en les plaçant dans une machine munie d’un tambour, avec des piques en caoutchouc et de l’eau chaude, la combinaison des deux permettant d’assouplir la bête et de détacher la peau. 

Mais un jour, je me suis levée en retard, je suis donc arrivée... en retard. J’ai donc été renvoyée. Alors, j’ai cherché un autre travail. J’avais dix-neuf ans, j’étudiais le commerce international à l’ESGCI et je travaillais en parallèle, comme de nombreux étudiants. J’ai donc découvert l’entreprise par hasard, lors de ma recherche d’un nouveau job. Ma mère m’a donné une petite annonce qu’elle avait trouvée dans un journal « Job étudiant, recherche Téléacteurs, horaires flexibles ». Elle m’a dit : ça doit vouloir dire que tu vas être actrice par téléphone. J’ai appelé, ne sachant pas ce que c’était réellement, j’ai été recrutée et la formation a commencé le lendemain ! J’ai fait du phoning, puis suis passée superviseur. 

En réalité, à cet âge-là, tout ce que j’envisageais comme carrière était de voyager dans le monde, de rencontrer plusieurs cultures « dans le monde du business », c’était bien évidement très vague. Il faut dire également que j’ai des origines égyptiennes, marocaines et chti du côté de mon père. Mais, au final, TP m’a permis de travailler et de visiter vingt-sept pays différents en Europe, en Afrique, au Moyen Orient, en Amérique et en Asie.

Fodoa Fache-Adkins à son domicile © Edouard Jacquinet

A quoi ressemblent l’ambiance et le métier à l’époque, rue Firmin-Gillot ?
On a du mal à se l’imaginer maintenant, parce que tous les services et directions étaient mélangés dans cet immeuble: quelques plateaux, la direction France, la corp à un autre étage. Les gens n’y circulaient pas forcément d’un étage à l’autre mais les fenêtres étaient ouvertes ; on entendait donc les entretiens de vente ou de customer service, qui constituaient les deux grands métiers de l’entreprise à l’époque. On vendait le Nouvel Obs ou le Chasseur Français, l’Express. Et dans la rue en bas, on pouvait croiser quelques agents en pause, certains fumant leur petite clope de shit (hihi) tandis qu’on entendait les ballons exploser, à l’étage, un son qui marquait la conclusion d’une vente. De temps à autre, un petit incident, une histoire drôle survenait, comme le jour où, à cause d’une erreur de fichier je suppose, on s’est mis à solliciter les anciens abonnés de l’Express pour leur proposer de se réabonner.. au Nouvel Obs. Les différences entre la droite et la gauche étaient plus marquées à l’époque et ça a donc suscité quelques réactions, le temps qu’on comprenne ce qui s’était passé. Et on pouvait enchaîner avec Modes et Travaux.

Les argumentaires changeaient donc souvent, il devait y avoir de nombreuses formations ?
Pas du tout, pas forcément : la population des plateaux parisiens était cosmopolite, mais avec quantité d’étudiants en études supérieures, très instruits en général. L’ambiance était très festive et animée, encore plus lorsque survenaient des incidents, jamais très gravissimes, mais de ceux qui constituent des souvenirs.

Par exemple ?
En 1997, on gérait la vente des actions France Telecom lors de la mise en Bourse. Dans un premier temps, on a donc répondu à des questions d’ordre financier, en appels entrants. De nombreux étudiants étaient en banque-finances, et donc en capacité d’expliquer et de répondre aux interrogations financières. Je ne sais plus pour quelle raison, probablement à cause d’une alternance politique, le projet a dû être stoppé ou changer de nature. La privatisation initialement prévue devient une ouverture du capital et on est alors chargé d’émettre des appels pour proposer à certains clients des banques d’acheter des actions. Jusqu’au jour où l’on reçoit un appel sur le plateau, d’un monsieur qui nous dit : « Je suis Michel Bon, le président, il faut tout arrêter. » La superviseur lui répond : « Mais vous êtes qui, vous ? » « Je suis le Président de France Telecom, et il faut tout arrêter. »

Et alors ? 
Alors, elle lui a dit que ça ne se passait pas comme ça, qu’il nous fallait un fax de confirmation officiel et le lendemain on a arrêté de vendre les actions France Télécom. Mais il pouvait également y avoir des petits cafouillages d’ordre technique : la technologie n’était pas alors au niveau de celle dont on dispose désormais, ou bien encore on n’avait pas forcément autant de canaux téléphoniques qu’il en aurait fallu. Du coup, sur certaines missions, on devait attendre que l’un achève un appel sortant pour en recevoir un autre (hihi).

Le livre “J'ai Tant Appris Rue Firmin-Gillot” est disponible ICI

Ne perdant pas le cap, la jeune Fodoa ambitionne d’aller perfectionner son anglais et met le cap sur la Californie. Pourquoi la Californie ?
C’est marrant votre question, Christophe Allard m’a posé la même lorsque je lui ai annoncé que j’allais partir à Los Angeles. En fait, j’avais fait tourner le globe sur la zone US et mon doigt avait désigné la Californie. Je suis donc partie là-bas, pour une année d’études et de perfectionnement de mon English. Christophe m’avait proposé de passer quelques coups de téléphone, si je cherchais à avoir du travail.  Et je suis revenue ensuite, à la corp cette fois, aux côtés de gens nouveaux, pour m’occuper des comptes internationaux. Je n’y connaissais rien, m’en suis inquiétée, ce à quoi Christophe Allard m’a répondu : « Tu connais le métier ? Oui. Tu parles anglais ? Oui. Tu as déjà été en contact avec des clients ? Oui. Et bien tu vas y arriver alors. »

Il faut dire que mon bureau était en face du sien, et que lui comme d’autres ont toujours consacré du temps et de l’énergie à nous former, à nous apprendre ce que nous ne savions pas. Il rentre un jour dans mon bureau en me disant : qu’est-ce que tu fais? et enchaine avec : rien, comme d’habitude, je suis sûr, alors viens, tu vas apprendre un truc. Il me donne alors un bilan d’entreprise, en format A5 et me dit : qu’est-ce que tu lis ? S’ensuit un mini cours de comptabilité et de finances pour apprendre à lire un compte d’exploitation. TP, c’était ça et je pense que ça l’est toujours. (…)

Comment éduquez-vous vos enfants, vous qui parlez beaucoup d'éducation, d'instruction ?
Si j'écoute mes filles, elles disent que c'est la dictature à la maison, car il y a des sujets sur lesquels je ne discute pas (..)

Le magazine En-Contact #132

Les enfants de Fodoa dinent souvent à 18H30, portables coupés. Probablement ces derniers n'auront pas besoin d'aller  rencontrer la psychologue Caroline Goldman*. Mais dans la vie, on n'est sûr de rien. 

Pour aller plus loin
- La suite à découvrir, dans le numéro 132 d'En-Contact.
- Lisez le portrait d'une autre cadre de Teleperformance, dont la vie professionnelle fût changée par une petite annonce. Karine Lours. Et celui de Sébastien Zins, qui eût le privilège, avec d'autres, de lancer le support de Wanadoo, près de la Gare Montparnasse. Sébastien a officié ensuite chez Salesforce, qu'il a quitté récemment,  pour rejoindre GitLab. 

*La psychologue plaide pour un retour à une éducation dans laquelle les parents osent mettre des limites et  évoque souvent les moyens pertinents dont ils disposent à cet effet. Ses détracteurs crient à une “éducation coercitive”. Pour vous faire votre propre avis, lisez File dans ta chambre

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