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Candidat à la présidence… d’Orange (le best buddy de Christel Heydemann?)

Publié le 06 avril 2022 à 10:35 par Magazine En-Contact
Candidat à la présidence… d’Orange (le best buddy de Christel Heydemann?)

L'homme qui ose candidater à la présidence, d'Orange.

Les grandes échéances, élections créent l'opportunité de découvrir de nouveaux visages, de nouvelles propositions, telle celle de simplifier par exemple, qu'a portée Gaspard Koenig, fugace candidat à la présidence de la République française. Très souvent, c'est rapidement la porte de sortie qui est indiquée à ces newcomers que le système en place expulse assez vite parce qu'il n'ont pas d'audience, n'en créent pas suffisamment ou qu'ils sont porteurs de dangers plus réels: déranger le bal où chacun tient sa place, derrière un souhait partout affiché de créer la rupture. Tout comme il aurait existé un Galligrasseuil dans l'édition, peut-on considérer que les places de choix et de pouvoir dans les grands groupes français ou des écosystèmes tel que celui des start-up, du digital ont leurs propres antichambres ? La nomination du futur président d'Orange contredit-elle cette intuition ? Un homme qui connait bien des secrets sur la grande maison qu’est l’opérateur téléphonique Orange, les dossiers chauds et stratégiques et semble porteur d'une vision intéressante sur le rôle d’un opérateur télécom, ses infrastructures, le dossier Scopelec ou les contrats de restauration collective peut-il ..être nommé Président ? 

Extraits d'une conversation instructive engagée avec Sébastien Crozier, ex-directeur de filiale, syndicaliste, directeur du mécénat public et futur best-buddy de Christel Heydemann ? 

Le programme des prétendants. 

Il n’est pas – si l’on en croit la presse qui indique que le choix de l’Etat serait déjà fait, et se serait porté sur Jacques Aschenbroich, qu’il ne resterait plus qu’à le valider – le 1er choix des institutionnels mais sans doute mérite-t-il d’être entendu. On est allés rencontrer un bon connaisseur de la maison Orange, pour quelques raisons : il y travaille, il y est attaché, il en connaît même les détails, notamment ceux de facturation des contrats de cantine, pardon de restauration collective !

Sébastien, tu es officiellement en poste chez Orange et aujourd’hui nous voilà dans de beaux bureaux situés dans le quinzième arrondissement et largement fourni en boissons non prohibées. Quelle position occupes-tu aujourd’hui chez l’opérateur, en sus d'y être syndicaliste ( président de la CFE-CGC)

Je suis actuellement directeur du mécénat public 

Ça consiste en quoi ? 

Ça consiste à soutenir les événements et des manifestations de la puissance publique: il y a eu beaucoup moins d'événements en raison de la pandémie. Par exemple, le dernier gros événement dont Orange était le mécène a été le G7. Il n'y a pas de G7 sans qualité de connectivité, sans couverture mobile des lieux d’échanges et d’hébergement des délégations. Biarritz avait été choisie comme ville d’accueil,  il était nécessaire de mettre les infrastructures à un niveau suffisant pour cet évènement international.

C'est toi qui as “viré" tous les gens de la ville ?

Ce sont les autorités publiques qui se chargent de sécuriser la ville. La contribution d’Orange est d'y avoir déployé la fibre, augmenté les capacités mobiles, d’avoir fait tous les raccordements internes aux bâtiments de l’événement et de s’occuper des questions de cybersécurité.

C’est donc toi qui décides avec un comité des investissements ce que vous faites en mécénat ou le dossier arrive-t-il déjà validé sur ton bureau ?

Orange a des sollicitations gouvernementales ou institutionnelles, le groupe décide alors d’être mécène ou non. A partir de là, il faut piloter la relation avec les interlocuteurs institutionnels. On a en interne une entité de production, transverse à tout le groupe et baptisée Orange Events qui se charge du reste et organise le pilotage des projets. Sachant que, derrière, Orange Events fait appel aux unités de production réseau locales, à Orange Cyberdéfense pour la partie cybersécurité, etc. Ils s’occupent du déploiement et l’intégration pendant que je gère les relations institutionnelles et les modalités juridiques, réglementaires, organisationnelles ainsi que les situations compliquées qui peuvent exister sur le terrain. Une panne par exemple qui nécessite d’intervenir dans un environnement d’urgence alors que les règles de sécurité ne nous permettent pas d’intervenir dans les délais. Il faut, pour l’anecdote, appeler qui de droit pour qu'on ait les autorisations express parce qu’il y a un équipement télécom qui est tombé en panne.

Ça n'arrive jamais chez Orange les pannes…:)

(Rictus) Quand on utilise trop d’énergie verte sur un événement avec des pics de consommation, si…

L’actualité, c'est que tu es candidat à la présidence, non pas de la république, mais d’Orange je crois. 

Stéphane Richard va conclure son troisième mandat de Président-Directeur Général à l'assemblée du 19 mai. La tendance générale dans toutes les entreprises d’une taille significative est ce qu'on appelle la dissociation des mandats : une séparation entre le Président du conseil d'administration et la direction générale. L’entreprise a plusieurs choix : le choix de prendre quelqu'un qui est déjà dans le conseil d'administration existant – ça peut être un administrateur indépendant – d'aller chercher quelqu'un à l'extérieur ou pourquoi pas de prendre, parmi les administrateurs qui existent à l’intérieur de ce conseil, un salarié qui connaît l’entreprise. S’il a les compétences et des expertises parce qu'il sait ce qu’est un conseil d'administration et qu’il connaît les modes de gouvernance, on peut tout à fait le lui demander. L’idée paraît légèrement disruptive, innovante mais il n'y a pas de raison objective pour que ce ne soit pas le cas. Chez Vivendi, la présidence du comité RSE a été confiée à un salarié donc on voit que la place des salariés au sein des Conseils d’Administration est de plus en plus importante. Je siège dans les comités : je suis au comité d'audit, j'ai été au comité ad hoc pour les enchères sur les licences 5G. La candidature d’un administrateur salarié est légitime, il suffit juste d’être au niveau de compétence nécessaire pour pouvoir animer un conseil.

 

Et qui va nommer ce président, l'État ?

Le conseil qui est composé de quatre administrateurs salariés (dont l’administrateur représentant les salariés actionnaires, 2e actionnaire du groupe), trois administrateurs représentant l’Etat et puis des administrateurs indépendants. Le rôle des actionnaires est important puisque, de fait, si on choisit quelqu'un d'extérieur au Conseil, il faut d’abord le nommer en tant qu’administrateur, ce qui se fait en assemblée générale. L'État a donc une part importante dans le processus de décision. Si on veut un président qui puisse animer correctement, il faut un président de consensus, donc un président qui soit accepté par l'ensemble des parties.



Le président a-t-il et arrive-t-il avec un programme ?

Un Président peut essayer de faire avancer les idées auxquelles il tient. Quand on connait un peu la maison, on se dit que ce qu'il faut réussir, c’est de favoriser l'engagement du collectif, à commencer par les personnels qui sont pour moi une des richesses essentielles. Il s’agit aussi de relever le défi de la simplification. A tous les niveaux notre une entreprise est trop complexe. Nous en souffrons tous. De façon plus stratégique, il faut se demander ce qu’est Orange, en quoi elle peut servir le pays, la nation. Orange est un opérateur d'intérêt vital ( OIV).

Penser l’avenir d’Orange, c’est d’abord se dire qu’on exerce trois métiers. Un premier métier qui est la gestion de la relation client. On a une marque, des réseaux de distribution et, en fait, on est une porte d'entrée sur le numérique sur un certain nombre de sujets. Le deuxième métier, tout le monde le connaît, c’est celui d’Orange Business Services : de l'intégration qui embarque de la connectivité mais aussi des logiques de service. Orange est également ce qu’on appelle une ESN, c'est-à-dire une entreprise de services numériques. Et puis le troisième métier : celui d’opérateur d'infrastructures dans un environnement où Orange est l’héritier légitime de France Télécom en France mais où existent également d’autres opérateurs ; il n’y est plus en situation de monopole. Les trois métiers sont en apparence très dissociés. Pour autant, l’exemple d’Amazon qui fait à la fois de la gestion de la relation client – une marque, un portail, des services digitaux, etc –, de l’autre côté propose des services aux entreprises et enfin dispose d’infrastructures, des entrepôts, du cloud doit nous faire réfléchir. (…)

Quelques questions d'actualité que nous avons évoquées avec Sébastien Crozier :

En l'occurrence pour Scopelec, ce qui est évoqué, c'est que la qualité de service n'aurait pas été là… 

Une question se pose : est-ce que la responsabilité de la qualité n’est que celle de ce sous-traitant ou d’autres également, car Scopelec n’est pas le seul sous-traitant, ou est-ce que la responsabilité est partagée ou collective ? Quid du partage du système d'information qui permet de faire que l'ensemble des intervenants ait des informations de qualité en temps réel ? Où sont les plans de documentation de la totalité des infrastructures ? L'histoire de la maison a été marquée par le plan téléphone, développé à 100% en interne. Il n’y avait pas de sous-traitants. Tout le cuivre a été déployé en France avec des gens qui ont été embauchés. Cela s'est fait sur une longue durée. Il a fallu près de vingt ans pour déployer le plan téléphone. Le déploiement de la fibre est à peu près deux fois plus rapide donc, de fait, il y a eu la nécessité d’avoir un recours à la sous-traitance. Il faut repenser notre relation donneur d'ordre-fournisseur pour arriver à un niveau de qualité qui soit satisfaisant. La question que tout le monde se pose est la suivante: est-ce que la fibre peut tenir quarante ans si la qualité n’est pas au rendez-vous au moment du fibrage ? C’est un vrai enjeu : le changement de fournisseur est une décision extrêmement impactante pour les collectifs de travail, comme pour toute la chaîne de valeur. Il y a une responsabilité sociale consistant à faire en sorte que les personnels des sous-traitants ne soient pas considérés comme interchangeables. (…)

La pandémie aura mis en exergue l'importance l'intérêt des gens pour le télétravail. Orange a-t'il  un rôle à jouer ? Est-ce qu’on n’était pas en retard en France et qu’on n’a pas identifié une opportunité riche en possibilités ? 

Je crois qu'il ne faut pas non plus  avoir d'illusions sur le télétravail. Nous avons tous vécu du télétravail contraint et forcé, en mode survie, quelque chose qui nous a été imposé et pas désiré. On en a vu toutes les limites. En France dont l’économie est plutôt tertiaire, l’éligibilité au télétravail ne concerne que 25% de l’emploi. Il ne faut pas imaginer télétravail devienne la norme. Comme on l’a vu lors de la crise, pour nombre d’emplois – les soignants, la logistique, la distribution – le télétravail était sans objet. Chez Orange, nos techniciens d'intervention sont allés chez les client, nos boutiques ont été ouvertes autant que possible. (…)

Christel Heydemann t'a t-elle déjà rencontré depuis que sa nomination a été annoncée, en tant que directrice générale ?

Les contrats passés chez Orange avec un ou des acteurs de restauration collective, sa vision sur la localisation souhaitable des centres de service client, les raisons – selon Sébastien – pour lesquelles quelques articles plutôt très à charge ont été publiés récemment sur le personnage sont à découvrir dans le numéro 124 du magazine En-Contact. 

Entretien mené par Manuel Jacquinet

Photo de Une : Edouard Jacquinet

 

 

magazine En-Contact n° 122 - décembre 2021

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