Le magazine indépendant et international du BPO, du CRM et de l'expérience client.

Rue du Commerce à la rue ou en pleine transformation?

Publié le 20 décembre 2023 à 11:00 par Magazine En-Contact
Rue du Commerce à la rue ou en pleine transformation?

Shopinvest, dirigée par le couple Karine Schrenzel et Olivier Gensburger, devrait vendre Rue Du Commerce à LDLC en 2024. Les deux sociétés seraient rentrées en négociations exclusives. L'invitée d'honneur des Big Boss et son équipe n'ont jamais réussi à relancer la belle machine fondée par Patrick Jacquemin et Gauthier Picquart.

Farftech est sauvé d'un probable redressement judiciaire par le sud-coréen Coupang. Et Rolex vient d'être condamnée à une amende de 91,6 millions d'euros par l'Autorité de la Concurrence, pour avoir interdit à ses distributeurs de vendre sur internet. Le commerce est un métier difficile. Certains investisseurs savent cependant se désengager au très bon moment, tel Frédéric Court, de Felix Capital. Le VC est sorti au bon moment de Farftech, de Frichti, de Van Moof. 

Archive En-Contact.

Six mois après sa reprise par ShopInvest, Rue du Commerce accumule les avis clients négatifs relatifs à leur expérience d’achats ou de remboursement. What’s going on, comme aurait dit Marvin ?

Un ancien d’Amazon (Hugues Pitre) comme directeur général et quantité de beaux articles et brand contents savamment disséminés sur des sites divers suffisent-ils à faire de vous un e-commerçant efficace ? Les clients de Rue du Commerce sont de plus en plus nombreux à dire non. « Arnaque… escrocs… Rue du Commerce à la rue… pas fiable », tels sont les expressions et commentaires nombreux de clients pas livrés, pas remboursés sur tous les sites d’avis clients. Ils démontrent la grande complexité à tenir la promesse de concilier prix bas, livraisons et remboursements lorsque votre site accueille, en plus, une market place.

MeUndies
Chez MeUndies, à Los Angeles, le service client est au coeur de l’expérience client. Remboursements, soucis de livraisons, aucun détail n’échappe au CEO qui a placé les équipes en charge tout près de lui – © Edouard Jacquinet

Ce qui irrite

Le diable est dans les détails et dieu sait que la maxime s’applique à merveille au secteur du e-commerce, exigeant en diable, encore plus dans une année où la demande a cru de façon significative. L’ex-division e-commerce de Carrefour, rachetée en juin 2020 par le couple qui a créé ShopInvest, Karine Schrenzel et Olivier Gensburger, semble cumuler bugs techniques, service client inaccessible et place de marché envahie par des partenaires peu fiables.
Sur plus de 1708 avis sur Trust Pilot, on a du mal, comme sur Custplace, un autre site de notations et de e-réputation, à en trouver un seul positif tandis que, sur 60 Millions-mag.com, ce sont les mêmes plaintes qui reviennent : livraisons mal assurées, produits livrés pas conformes à ce qui a été commandé, bons d’achat inutilisables… Veronique Henry, Leon Cupra ou Maryvonne Hodbert sont quelques-uns de ces clients qui se plaignent : de n’avoir pas reçu son iPhone ou son Huawei, sa baignoire Ideal Standard, dézinguant à tout va les partenaires ou places de marché, telle Royal Price. Le fameux Pack Reprise, lancé l’an passé et qui permet à un client de transformer son produit retourné moins d’un an après son achat en bon d’achat pour 80% du montant de sa commande, a rencontré du succès mais récemment  aussi de gros soucis techniques. En mai de cette année, sur des sites de geeks ou des forums très visités, tel Jeuxvideo.com, Belphegor VG 85 répond à bot 410 et lui confirme que le deal est attractif. Las, fin d’année, Le Parisien révèle que de nombreux clients de Rue du Commerce ont vu leur compte créditeur… vidés. Il n’est pas possible à de très nombreux clients qui ont été séduits par ce pack reprise de disposer de leur bon d’achat. En d’autres termes, ça ressemble à un coffre-fort d’une banque dans laquelle, le mardi, vous ne trouvez plus rien de ce qui s’y trouvait… le lundi.

Ce qui se passe

Embarqué dans une course aux rachats divers et à l’atteinte d’une taille critique, les fondateurs de Shop-Invest, qui ont enchainé les rachats de e-commerçants depuis trois ans, semblent avoir réduit considérablement les équipes de service client de Rue du Commerce, en partie externalisées à Madagascar et, dans le même temps, le nombre de cadres expérimentés au siège à Saint-Ouen. Ont-ils de plus cédé à la petite tentation de stocker au frais les demandes de remboursement en fin d’année, histoire de soigner le cash du groupe, une sale habitude que de nombreux e-marchands semblent avoir prise depuis les années 2000 (Père-Noêl.fr, Oscaro en son temps, ce qui avait valu au leader français de la pièce détachée d’entrer dans une période tourmentée) ? Une autre division du groupe, mal en point d’un point de vue trésorerie, Les 3 Suisses, a été placée cet été en période de sauvegarde, alourdie par des dettes de remboursement significatives, qu’elle ne pouvait plus assumer.
Sollicités par nos soins, le directeur général de Rue du Commerce, Hugues Pitre n’a pas répondu à nos demandes d’explication pas plus que l’équipe de direction de ShopInvest.

C’est à savoir

« Le pack Reprise a pour objectif d’améliorer l’expérience et la satisfaction des clients de Rue du Commerce », voilà comment avait été décrite l’opération astucieuse imaginée en septembre 2019 par la direction du site, alors propriété de Carrefour.
Le site Rue du Commerce, l’un des gros acteurs généralistes en France de la vente à distance, a été créé il y a plus de vingt ans par Gauthier Picquart et Patrick Jacquemin. Il a presque inventé en France le concept de Galerie Marchande sur le web.
Racheté en 2012 par Altarea Cogedim, un gestionnaire de centres commerciaux, il est ensuite cédé à Carrefour en 2016, avant d’être de nouveau cédé par Alexandre Bompard, nouveau patron de Carrefour, à ShopInvest. Top achat a parallèlement été cédé à LDLC.
Agnès Rosoor a été un temps la directrice des opérations de Rue du Commerce. (Voir l’entretien qu’elle nous avait accordé.)

« Les demandes des clients de Rue du Commerce sont traitées avec la plus grande diligence », Hugues Pitre.

A la suite de notre article, le directeur général de Rue du Commerce a désiré nous apporter les précisions suivantes, que nous publions. 

Rue du Commerce tient à confirmer que toutes les demandes de ses clients sont traitées avec la plus grande diligence. Suite à une forte période d’activité de fin d’année liée au report du Black Friday et aux achats de Noël, il y a en ce début d’année un grand nombre de demandes de clients liées à des commandes en cours et des remboursements. Nous traitons toutes les demandes des clients avec la plus grande attention et nous efforçons d’y apporter les réponses les plus rapides possibles en fonction des différents cas de figure selon les standards et les moyens de communication (mail, téléphone, réseaux sociaux…). Dans le cas de commandes en retard de livraison ou non effectuées par le transporteur des enquêtes détaillées sont diligentées et résolues. Nous sommes en contact constant auprès des transporteurs partenaires, les plus fiables et réputés sur le marché français.

Dans le cas des marchands de la marketplace des stricts standards de qualité doivent être respectés par les marchands et ceux-ci sont immédiatement suspendus s’ils ne les respectent pas. Pour les commandes liées à des produits en attente de réapprovisionnement dans l’entrepôt de Rue du Commerce, la grande majorité concerne aujourd’hui une forte attente sur de nouveaux modèles de cartes graphiques (Series 3000) qui sont en situation de pénurie sur le marché. Nous nous assurons de ne proposer ces produits uniquement lorsque nous avons des arrivages, ceux-ci étant malheureusement limités sur le marché français. Nos équipes d’approvisionnement mettent tout en œuvre pour trouver des quantités disponibles auprès de nos fournisseurs et ainsi satisfaire la demande client. Par ailleurs, certains clients nous ont sollicité car leurs bons d’achat n’apparaissaient plus sur leur espace client. Ceux-là concernaient principalement les clients ayant bénéficié du « Pack reprise ». Nous avons effectué en fin d’année des mises à jour majeures de notre site entraînant quelques bugs temporaires de quelques heures, comme toute migration technique. Ces bons étaient bien stockés mais le client ne le voyait plus. Ce problème est maintenant résolu et tous les bons d’achat sont de nouveau visibles sur l’espace client. Nous avons communiqué par mail à nos clients pour les informer du retour à la normale et n’avons pas eu de nouveaux retours depuis. Enfin pour les remboursements liés à des commandes annulées, nous suivons le process régulier et effectuons ces remboursements le plus rapidement possible avec les délais propres à chaque mode de paiement, qui peuvent prendre entre 24 ou 72h selon le type de paiement et même jusqu’à 10 jours pour Paypal.

Depuis sa reprise en mai 2020, Rue du Commerce a entrepris une transformation importante. Celle-ci vise à recentrer Rue du Commerce sur son cœur de métier, la High Tech et la Maison Connectée, à mettre en place une organisation plus simple et efficace et à se doter de nouveaux outils plus modernes et intégrés, les précédents datant parfois de la création de l’entreprise et ne faisant donc plus appel aux dernières technologies. Nous menons une transformation ambitieuse et rapide pour ramener Rue

Du Commerce, au sein d’un groupe français indépendant du E-commerce, sur la voie d’une croissance rentable au sein d’un groupe français indépendant du E-commerce. Les équipes de Rue du Commerce sont pleinement mobilisées pour remédier aux quelques bugs et apporter le plus de réponses précises et solutions à nos clients.

En ce qui concerne le pack reprise, nous pouvons d’ores et déjà affirmer que nos clients plébiscitent le service qu’ils considèrent comme une vraie offre différenciante. Nous avons interrogé ceux qui ont utilisé le pack reprise et parmi les répondants, 9 sur 10 le recommandent. Les téléphones et les ordinateurs sont sans surprise les catégories les plus concernées par ce service. Nous sommes satisfaits du taux d’utilisation par nos clients et nous n’avons pas noté d’abus ce qui est conforme à l’objectif initial de consommation responsable et de seconde vie des produits.

Dans chaque numéro d'En-Contact, la rubrique : Appelez-moi le directeur. 

Rue du Commerce demande des correctifs au sujet des insinuations mensongères suivantes :

« En d’autres termes, ça ressemble à un coffre-fort d’une banque dans laquelle, le mardi, vous ne trouvez plus rien de ce qui s’y trouvait… le lundi. » Comme expliqué précédemment, Rue du Commerce n’a pas “vidé” les comptes clients de ses clients, cela est dû à un incident technique empêchant temporairement la visibilité des bons d’achat qui a été résolu rapidement.

Rue du Commerce aurait « stocké au frais de demandes de remboursement en fin d’année, histoire de soigner le cash du groupe » : c’est faux, notre taux de remboursement en cours est stable et conforme aux historiques.

« Les fondateurs de Shop-Invest, semblent avoir réduit considérablement… le nombre de cadres expérimentés au siège à Saint-Ouen » : dans le cadre de l’intégration à ShopInvest, il y a eu renouvellement des équipes dirigeantes et recrutement de cadres expérimentés.

Le commentaire de la rédaction

Nous maintenons que les expériences vécues par les consommateurs et clients, dont nous sommes (la rédaction a réalisé ou tenté de réaliser des achats sur le site web, dans le mois de décembre) reflètent une dégradation du service et de l’expérience client vécue sur Rue du Commerce. Parallèlement, une place de marché telle que RoyalPrice (et d’autres), souvent critiquée pour contribuer à ces expériences d’achat et de remboursement très compliquées, n’est pas « surveillée » ou incitée à rendre ses pratiques vertueuses par les e-marchands qui l’hébergent.

L’ex-directeur de la supply-chain de Rue du Commerce a quitté le groupe en octobre de l’année 2020. Nous avons demandé à nous entretenir avec son remplaçant.

Le dossier du mois de notre numéro 119 reviendra sur les e-marchands et ce qui peut être fait pour simplifier et enchanter le commerce, en ligne ou en magasins.

Dans notre prochain numéro, le 130, un large focus sur le marché et les acteurs du Trust and Safety, l'activité qui explose et pour laquelle nous sommes partis en reportage en Colombie. Instructif et impressionnant.

Par Manuel Jacquinet

A lire aussi

Profitez d'un accès illimité au magazine En-contact pour moins de 3 € par semaine.
Abonnez-vous maintenant
×