Les IA génératives vont secouer les services clients. Hopla! Viva Africa?
Selon Charles-Emmanuel Berc, Président de Vipp-Interstis, les IA génératives vont secouer les services clients et l’Afrique s’installer encore plus comme un hub de référence dans le BPO et le BPM. Carrefour France y croit, qui a lancé vendredi Hopla, son assistant de service client, fondé sur ChatGPT. On a interviewé le président trublion et testé la nouvelle créature de l'équipe d'Alexandre Bompard.
Un récent article publié dans Les Échos vous présentait comme le trublion du secteur. Vous avez en effet innové, avec beaucoup d’agilité, dans quantité de domaines considérés comme clé dans l’univers du BPO. Quels sont les futurs chantiers qui vous semblent prioritaires ?
Charles-Emmanuel Berc : Ce qui nous anime chez Vipp, c’est la volonté permanente de remettre en question l’existant, de l’améliorer. En réalité, il s’agit d’agir et de s’adapter. Ce début 2023 ouvre de très nombreux nouveaux chantiers. En premier lieu, nous positionner correctement par rapport aux IA génératives et à la déferlante qui va secouer le monde, des services clients.
Au-delà de la maîtrise de ces technologies que l’on propose à nos clients pour la satisfaction de leurs propres clients et la performance économique, nous positionnons le contact humain quand l’émotion est nécessaire, qu’il est primordial. C’est une opportunité.
Avec le déploiement de l’IA, le recours à un vrai conseiller doit être synonyme de valeur. Plus question d’échanger avec un humain pour décrire ou expliquer une procédure car l’IA sait la communiquer admirablement. Le conseiller doit être capable de sortir du cadre, prendre des initiatives d’actions pour rendre un service réel, quand le processus a trouvé ses limites.
En second lieu, sur la télévente, l’encadrement législatif des appels sortants de ce début d’année est une confirmation : celle du ras-le- bol de nos concitoyens vis à vis du harcèlement et des arnaques téléphoniques. La télévente est morte, vive la télévente ! Ce n’est pas parce que le « cold call » est mort que les ventes via le canal voix sont mortes. VIPP s’est mobilisé il y a plusieurs mois pour intégrer la dimension digitale au processus d’acquisition. Il s’agit pour nous d’une évolution saine que le marché doit suivre : l’entreprise doit répondre aux exigences des consommateurs et clients.
Enfin, à côté de la montée en puissance technologique de VIPP, je souhaite continuer à changer l’image de l’Afrique subsaharienne, désormais incontournable tant sur la partie BPO et sa dimension CX, mais aussi sur les technologies associées. VIPP propose non seulement des prestations de BPO telles qu’entendues habituellement, mais également des prestations étendues. Nous avons la capacité aujourd’hui d’opérer de façon complète des processus complexes impliquant expertise IT, coordination et pilotage de différents fournisseurs de toute nature.
La concentration est en marche chez les plus grands acteurs du BPO, comme en témoigne le rapprochement Concentrix-Webhelp, et celui annoncé de Teleperformance-Majorel, il y a-t-il encore une place pour des acteurs francophones, indépendants, pourquoi?
CEB : J’observe ces rapprochements depuis trente ans et ils me laissent toujours perplexes. J’en comprends évidemment la logique financière, qui atteint cependant de plus en plus sa limite.
Cette course à la taille bute sur l’approche unifiée qu’elle induit dans son offre. Elle laisse la place à des raccourcis néo-colonialistes dangereux : sur le marché francophone j’entends des prestataires appuyer leur cartographie en affirmant qu’en France on fait des prestations premium, au Maghreb du standard, en Côte d’Ivoire et au Sénégal du low cost et ailleurs du very low-cost.
C’est bien évidemment inadmissible intellectuellement, mais concrètement, ça laisse l’opportunité aux prestataires indépendants et très agiles comme Vipp de démontrer qu’aujourd’hui, on fait du premium partout. La réduction à la pensée unique donne paradoxalement plus de force à des expressions alternatives. Sur le fond, l’Afrique est non seulement une destination ultra qualitative avec des salariés motivés, passionnés et engagés pour proposer la meilleure qualité possible, mais aussi l’avenir avec des économies en forte croissance, une jeunesse bien formée et qui a grandi avec un smartphone dans la main. Cette confiance en l’avenir de nos salariés est comme le sourire, elle s’entend au téléphone :).
(…) Suite de l'interview en pied d'article.
On a testé* Hopla, le chatbot de Carrefour France, avec indulgence, comme on y était invité. Et les Chatbots de Lidl, Picard, Cora.. ou FAQ dynamiques.
Le moins qu'on puisse dire de Hopla, c'est que sa naissance, vendredi 9 Juin a été médiatisée, aussi relayée qu'une naissance à la Clinique de La Muette ( maternité prisée de l'Ouest parisien). Co-créé avec OpenAI, l'assistance de Bain et Microsoft, l'assistant de service client de Carrefour France est présenté comme la 1ère initiative de ce type dans le Retail. Qu'en penser ? Quels bilans faire de l'installation des autres callbots, chatbots dans l'optimisation du service client ?
On a noté et compris, après nos tests et sollicitations: que le coeur de métier de Hopla est d'aider et de simplifier la passation de commandes, la corvée des courses, mais que le dispositif est vite contraint par le respect des données personnelles : il n'est pas possible de redemander-par exemple et simplement-à repasser la même commande que lors de la dernière visite du site marchand ou de se voir confirmer les horaires d'un magasin. Dans les deux cas, l'assistant répond vite mais renvoie à la FAQ ou explique pourquoi il ne peut accéder à des données personnelles. II propose par contre avec justesse la liste des fruits et légumes de saison, pour “inspirer”, un mot qui revient fréquemment dans ses réponses. Hopla commet peu de fautes d'orthographe (sinon qu'il confond le et la pour livraison), appelle à l'indulgence dès le début de la conversation, ce qui installe un climat de confiance et d'humanité, d'autant qu'il ose incorporer un ou des smileys dans la boucle des échanges. C'est donc bien d'un test grandeur nature qu'il convient de parler, pas encore d'un assistant à la simplification des commandes. Enfin, la demande de service client la plus entendue dans les services clients Où en est ma commande ?, le fameux WISMO, ne peut pas, pour les mêmes raisons de données, être traitées par Hopla.
Est-il révolutionnaire, comme on a pu le lire? Non, pas encore à ce stade, mais l'incursion rapide d'un grand acteur de la distribution sur le sujet de l'utilisation de ChatGPT, démontre que la bataille du service client est identifiée comme l'une de celles contribuant à l'expérience shopping, opérée partiellement et souvent en ligne. La posture de modestie induite dans la boucle d'échanges est instructive, intéressante et sans aucun doute, Mélanie Vassord (qui pilote le projet chez Carrefour) et son équipe apprendront quantité de choses au regard des premiers tests. Ce qui semble nouveau est le fait d'avoir eu recours à ChatGPT pour le créer et concevoir, et le délai dans lequel le projet aurait été mené : 6 semaines est-il précisé par l'enseigne. On a testé comparativement les services d'assistance à la commande développés par Picard (avec Teambrain), de Lidl, de Cora, et de quelques autres acteurs du retail, bien que toutes ces enseignes n'aient pas toutes de réel assistant dopé à l'IA.
Il y a presque trois ans, Walmart et son équipe de chercheurs indiens (Priyanka Bhatt, Akshay Kumar, etc) présentaient les résultats des tests et technologies utilisées pour Converse, un projet similaire. Le projet avait été mené grâce à Cortex, une AI internalisée (in-house AI) et se donnait déjà des objectifs aussi ambitieux que la compréhension de la demande du client, dès l'énoncé de sa demande par ce dernier. (Understand user intent from utterance). Les acteurs de la distribution travaillent donc déjà et parfois avec des résultats probants sur ces sujets.
La synthèse de ces expérimentations sera à découvrir, le 21 Juin* avec, en bonus, la réponse à cette autre question: si vous avez un problème global de préparation de repas et de confection de ceux-ci, que vaut le service de Chef it up, qui vous délègue à domicile un chef ou une cuisinière pour la confection de vos repas de la semaine? (On a testé le service client de la jeune pousse créée par Aminata Sylla)
Les chatbots aident-ils à passer des commandes, avec un taux de performance notable ? Pourquoi sont-ils tous affublés de prénoms féminins?
Lucy, Lana, Hopla, Converse, Yper, les noms de baptême donnés par les entreprises qui tentent la création de chatbots sont intéressants et les assistants tout autant. Ces prénoms témoignent on suppose du désir d'humaniser le service digital, l'association au terme de robots effrayant souvent. La Poste est parvenue avec Lucy et Lana ( développés par Zaion, une entreprise française) à des assistants conversationnels qui prennent des commandes de fuel, organisent et déclenchent des envois de Cartes de Mutuelle. Et dès 2020, Walmart a testé Converse.
Commerce conversationnel: ce qui s'automatise et fonctionne.
Si ces sujets vous concernent et interpellent, venez découvrir chez les Soeurs de l'Assomption, le 21 Juin, à 8H45, quelques synthèses d'expérimentations majeures en France, dans le commerce conversationnel. Chez les Soeurs de l'Assomption ? Rien de religieux, pas de panique ! :). La communauté loue des salles et des lieux à des tarifs compétitifs et on peut échanger et partager un café ou un verre dans les jardins.
Nb: France Culture a d'ailleurs reçu et entendu, dans ces mêmes salles, des salariés pour évoquer l'expérience collaborateurs qui aurait été détériorée dans la station, à cause d'une big boss un peu directive. On n'est pas dans le secret des dieux mais on sait que les lieux importent, et les échanges.
CM.com et Dataventure, deux spécialistes du commerce conversationnel, partageront leurs retours d'expérience, menées dans le Retail, l'automobile, le tourisme notamment. Pour connaitre les conditions de participation: [email protected].
Selon vous quel impact pourrait avoir ChatGPT et à quelle échéance sur les prestations de service client ?
(..) suite itw de Charles-Emmanuel Berc)
CEB : Chat GPT est une révolution pour la relation clients et notre secteur d’activité. On pourrait reprendre l’analogie de l’iPhone. Tout existait avant mais la façon dont Apple l’a proposé a changé la donne. L’impact va être majeur et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle le rapprochement entre géants me laisse songeur. Ses développements vont être exponentiels. La réponse aux interrogations transactionnelles des consommateurs (80% des flux) par l’humain est compromise à très court terme. L’IA aura la possibilité de traiter la majorité des flux télé-conseillers, dans un délai de 18 mois, poussant ainsi le métier à se réinventer, de la conception de ses missions jusqu’au rapport avec les marques. OpenAI a annoncé la possibilité d’utiliser Chat GPT dans des environnements maîtrisés, et non plus uniquement sur le Cloud. Ca va aller très vite, d’autant plus que les sociétés comme OpenAI vont se multiplier.
C’est donc la fin du télé-conseiller tel qu’on le définit aujourd’hui. La relation entre les marques et les prestataires va elle aussi devoir évoluer. Et là encore dans cette évolution majeure, VIPP et l’Afrique devront saisir l’opportunité. Je nous sais suffisamment « roseau » dans l’âme pour accompagner ce nouveau souffle.
Vous êtes l’un des partenaires et l’hôte du 1er Africa BPO Forum. Qui espérez-vous y accueillir, quels seront les temps forts du Forum ?
CEB : L’Afrique poursuit son émergence et je regrette que si peu de gens s’en rendent compte en Europe. Le temps du quart-monde, ou l’on se plaisait à apporter des stylos et des cahiers aux écoliers vers ces destinations est bien lointain. De partout, la volonté politique et l’ambition de la jeunesse africaine ont permis un développement tangible des économies. Ce continent s’affirmera bientôt comme le moteur et la force vive de l’économie mondiale. La tertiarisation de l’Afrique est en marche le continent est dès maintenant celui tout indiqué pour le BPO. De la dimension relation clients jusqu’à la réalisation de projets de développements informatiques, l’Afrique est prête. Reste à ce que nos entreprises françaises l’intègrent intrinsèquement dans leurs processus de décision. Nous espérons donc accueillir les donneurs d’ordre français encore sceptiques et les convaincre définitivement que c’est là que cela se passe. Les anglo-saxons ne s’y trompent pas : ils le voient et le perçoivent. Ils initient de très nombreuses actions pour recruter des centres de services en Afrique. Ce forum sera donc bilingue : je suis certain que cela créera de l’émulation. Ce sera également l’opportunité d’écouter des politiques et universitaires africains qui donneront leur vision économique et sociale du continent. Enfin, VIPP sera heureux de proposer une manifestation lors de l’une des soirées du Forum, pour mettre en valeur le riche patrimoine culturel de ces régions.