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La Sfam, Indexia et N26 dans la ligne de mire : signé Leoty

Publié le 01 février 2023 à 13:45 par Magazine En-Contact
La Sfam, Indexia et N26 dans la ligne de mire : signé Leoty

En quelques mois, la jeune avocate, spécialisée dans les actions collectives, est devenue le cauchemar de Sadri Fegaier, fondateur de la Sfam, rebaptisée Indexia, des dirigeants de N26 ou de Made.com. Et le dernier recours de milliers de clients lésés par ces assureurs, neo-banquiers ou E-marchands peu scrupuleux. Munie d'un arrêt rendu* par la Cour de Cassation, elle pourrait porter, avec deux comparses, un coup décisif aux pratiques frauduleuses du plus jeune milliardaire français

L’action collective, le futur de l’action judiciaire pour venir au secours du consommateur ou de l’investisseur lésé ?

Si votre banque en ligne a soudainement clôturé votre compte sans vous en avertir, si, comme des milliers d’assurés de la SFAM ou d’Indexia, vous constatez des prélèvements indus sur vos relevés bancaires dont le total finit par atteindre des sommes rondelettes, Emma va peut-être devenir votre BFF (Best Friend Forever).

 

Le goût des autres

En quelques mois, Emma Leoty est devenue la figure de proue d’un mouvement qui prend de l’ampleur. Clients malheureux, désorientés de N26, la banque en ligne allemande qui en 2022 a clôturé quantité de comptes sans autres formes de procès, ou clients, plus ou moins accidentels, de la SFAM, de plus en plus nombreux à sortir du placard. Ceux-ci reprochent à l’entreprise de Sadri Fegaier, rebaptisée Indexia, et à ses multiples filiales, d’opérer sur leurs comptes en banques des prélèvements indus. Pour ces derniers Emma Leoty est devenue l’interlocutrice et la championne privilégiée. Avocate au barreau de Paris, ayant prêté serment le 20 janvier 2017, elle intègre alors en tant qu’avocat-collaborateur le cabinet Lecoq-Vallon & Ferron-Poloni et le microcosme des actions collectives. Pendant trois ans, elle fera ses classes auprès de ces spécialistes et pionniers de « la défense des épargnants », comme il se définissent eux-mêmes, et des actions groupées. Action groupée, conjointe-groupée ou collective, à ne pas confondre avec l’action de groupe, qui nécessite de passer par une association de consommateurs habilitée. L’action groupée concerne « un même litige » et tout un pan de la population ayant décidé de se regrouper et de fixer une date d’audience afin de pouvoir engager une procédure contre une personne morale ou physique. « C’est comme une action classique, mais avec un plusieurs demandeurs et un défenseur » précise l’avocate âgée de trente-trois ans. On entend dans sa voix la reconnaissance de qui a été à bonne école et y a mis le doigt sur quelque chose d’essentiel : « l’intérêt de mutualiser les forces des investisseurs, des consommateurs et d’effectuer cette défense à la fois particulière et collective. J’y ai appris énormément de choses, tant du point de vue civique que pénal ». Tenue par le secret professionnel, la jeune avocate ne peut pas nous préciser lesquelles de ces actions l’ont particulièrement marquée lors de ces trois ans mais citons par exemple, au rang des faits d’armes du cabinet, l’affaire Aristophil, système de Ponzi à la Madoff mis en place par Gérard Lhéritier, qui a éclaboussé dans son sillage des personnalités comme PPDA.

Emma Leoty - crédit © Edouard Jacquinet

Le Bildungsroman de Maitre Leoty

Exerçant aujourd’hui au sein du cabinet Goethe, l’inventeur du roman de formation ou Bildungsroman avec Wilhelm Meister, on lui demande donc où son histoire a commencé. Au Mans où la jeune avocate a fait toutes ses études avant d’obtenir un M2 en droit bancaire et financier, ainsi qu’un M1 en droit des affaires, puis son diplôme d’avocat. Le métier est un sacerdoce : « j’ai ce sens profond de vouloir rétablir l’injustice en tant qu’avocate qui défend les consommateurs, les investisseurs. J’ai la chance d'avoir un patron qui respecte bien la déontologie et me laisse me développer même si cela signifie mener des doubles journées. » Tenir la distance nécessite, de son propre aveu, une hygiène de vie impeccable. « Le premier réflexe pour le consommateur peut être de se retourner vers une association de consommateurs pour effectuer une première mise en demeure. S’ils n’obtiennent pas gain de cause, la seule issue devient l’action en justice. » Au niveau des honoraires, comment ça se passe ? « L’idée est de ne pas pressuriser les consommateurs qui s'estiment déjà lésés : ce sont donc des honoraires plutôt honnêtes qui s’élèvent à 10% de la somme indûment prélevée. »

 

La SFAM et ses satellites : Indexia, Hubside etc.

Dans le dossier de la SFAM, Emma Leoty représente plus d’une centaine de clients, dans une action civile bien distincte du volet pénal dont elle a appris l’existence, comme à peu près tout le monde, par voie de presse. « Pour l’action civile, vous avez un contrat, une mauvaise exécution d’un contrat par exemple, et vous allez devant le juge civil pour demander des dommages et intérêts en réparation du préjudice ou en annulation du contrat. Il existe une règle qui dit que le pénal tient le civil en l’état, ce qui signifie que toute action pénale suspend une action civile. Mais dans le cas particulier de la SFAM, il n’y a pas d’interférences entre les deux procédures puisque les dommages et intérêts que je demande portent sur la prescription civile, qui est de cinq ans, et sur les prélèvements effectués entre janvier 2018 et 2022, alors qu’au pénal, ce ne serait pas les mêmes dates. Mais encore une fois, je crois davantage dans la rapidité de la juridiction civile et donc dans la stratégie qui est la mienne. »

 

N26, Revolut, et autres tracas : les vertus de l’action civile

« J’ai plusieurs actions en cours : N26, banque en ligne qui a son siège en Allemagne et un établissement principal en France. En début d’année, je n’y avais pas forcément d’interlocuteurs, donc je les ai assignés pour quelques consommateurs, et à partir de là, je négocie avec l’avocat de N26 ET N26. J’adresse une mise en demeure d’avocat par courrier afin de débloquer les situations individuelles au cas par cas de chaque consommateur parce que celles-ci se manifestent au fil de l’eau. J’ai un client dont le solde n’a pas été restitué, avec lequel nous avons procédé à une mise en demeure. Cela va beaucoup trop lentement à son goût et il m’a donc demandé expressément d’assigner car il ne peut plus attendre et il veut aller en justice. Ce qui est adapté en pareil cas, c’est une procédure d’urgence, baptisée procédure de référé devant le Tribunal Judiciaire de Paris. Peut-être d’ici la date d’audience avec N26 son solde créditeur lui aura-t-il été restitué. Si une solution n’est pas trouvée à l’amiable, nous aurons toujours la possibilité d’emprunter cette voie judiciaire. Deux audiences ont eu lieu pour le moment mais N26 a toujours remboursé les soldes créditeurs avant. Depuis septembre, cela représente plus de 70 personnes. N26 est un dossier où j’ai eu plaisir à accompagner les consommateurs qui n’avaient rien demandé et se retrouvaient soudainement dans une situation plus que compliquée. J’ai le souvenir d’une cliente dont la carte a été bloquée le cinq du mois et qui n’avait plus qu’un ticket CROUS pour finir le mois. Une banque a tout à fait le droit de clôturer un compte sans motif, mais elle a deux obligations à respecter : prévenir le client pour qu’il puisse avancer un autre compte pour le transfert du solde créditeur, avec deux mois pour le faire. La deuxième obligation, c’est qu’une fois que le consommateur fournit son RIB, il faut que la restitution soit la plus rapide possible. La seule limite à mon intervention, c’est le blanchiment d’argent. »

 

« Je ne suis pas Mère Teresa »

« J’essaie de faire mon métier avec humilité et d’aider les consommateurs le mieux possible mais je ne suis pas Super Woman ou Mère Teresa. J’ai quantité de collègues qui font un travail admirable. Comment fait-elle donc pour gérer l’afflux d’appels ? Il peut y en avoir des centaines comme après l’émission récente d’Envoyé Spécial (qui a figuré Sadri Fegaier) aussi ai-je dû trouver une société de permanence téléphonique, qui prend les appels et les qualifie. En sus, Me Leoty se félicite de l’aide précieuse apportée par son cabinet, et de la propagation de la vidéoconférence pour traiter ses dossiers personnels. Le monitoring des réseaux sociaux, où elle s’autorise à répondre en direct, est aussi important. « Je suis au début de ma carrière, dans mes premières années d’exercices et j’essaie de capitaliser sur des succès pour éventuellement avoir de nouvelles actions, avec toujours à l’esprit la satisfaction du client. » On lui demande si ce n’est pas un créneau qui offre en plus de la visibilité, elle nous répond : « depuis que j’ai prêté serment, je n’ai fait quasiment que des actions groupées : ça pourrait être vous, moi, n’importe qui. L’ouverture qu’on y trouve est vraiment très appréciable. Le succès n’est pas médiatique, c’est la satisfaction du client. Les dossiers qui l’ont marquée cette année ? « Une dame ayant un compte Revolut, qui avait témoigné sur RMC. Son argent avait disparu et je me disais, ça va être un combat, c'est une banque en ligne qui n’a pas son siège en France. Obtenir gain de cause n’a pas de prix. » Croire en son métier, le considérer comme un sacerdoce, savoir en se levant le matin qu’on va se battre contre un adversaire forcément retors, se rappeler qu’il y a toujours un élément qui va faire basculer le dossier vers une issue positive même quand on n'a pas le moral, tel est le credo de l’avocat selon Emma Leoty. Avec la distance qui s’impose : « J'ai aidé gracieusement au début de ma carrière un de mes parents dans un dossier en droit des successions très complexe tant par les parties en présence que par la difficulté juridique du dossier. Nous avons connu un échec juridique. Depuis lors, je garde une distance nécessaire avec les dossiers, je prends de la hauteur et surtout je me ménage toujours un temps nécessaire de réflexion avant d'engager une stratégie judiciaire. » Les défenses collectives permettent de faire entre les voix de toutes et tous et de désengorger les tribunaux. » Audience début avril pour la SFAM, avec quelques autres entretemps peut-être pour des clients qui souhaitent entamer une action individuelle.

 

Permanence téléphonique et callbot au secours du recueil des plaintes et des témoignages

Depuis le reportage récent, sur Envoyé Spécial, consacré à Sadri Fegaier, une seule chose a changé dans l'organisation des journées de l'avocate, elle a engagé un spécialiste de la permanence téléphonique : “Je reçois plus de 100 appels par jour sur la seule affaire Indexia, Sfam, et j'ai donc affecté un numéro dédié à ce dossier (01 85 61 27 39). A court terme, je veux mettre en place un callbot de qualification afin de récupérer l'ensemble des éléments des plaignants, grâce à une conversation la plus naturelle possible." 

Benoit Hocquet.

*rendu le 10 Janvier 2023 par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, l'arrêt 21-85.524 déboute les différentes sociétés de la galaxie SFK Groupe sur les moyens évoqués, qui avaient comme objectif d'invalider la conformité de la saisie des pièces et preuves de l'existence d'un logiciel saisis les 24 et 25 Septembre 2020, au siège de l'entreprise. 

 

Photo de une : Emma Leoty - crédit Edouard © Jacquinet


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