La BU la plus rentable de l'histoire de Teleperformance

1997, Gare Montparnasse. Une équipe de jeunes doués et motivés, cornaqués par Xavier Blanchot, lui-même piloté par Christophe Allard, (tous deux cadres ou associés) de Teleperformance, est retenue par France Télécom pour créer le service client technique de Wanadoo. “Elle deviendra la business unit la plus profitable de Teleperformance”, nous raconte en souriant celui qui est ensuite devenu hôtelier. Ce n'était pas écrit. 

Extraits du numéro 134 d'En-Contact
"Avec ce qu’on me propose là, j'ai un choc existentiel car on me dit : bon Xavier, ce qu'il faut, c'est construire un centre d'appels, la relation client c'est très important. Tu vas commencer avec douze gugusses. Tu vas choisir tes douze premiers techniciens conseil. Parallèlement, je suis un peu effrayé par les prix qu'a négociés Christophe Allard, très et trop bas à mon avis. BVRP, créé par Bruno Van Ryb, était capable de faire de la hot-line technique, mais ils étaient trop petits. 

Et Patrick (Dubreil) me dit : on t'a pris quatre mille mètres carrés au-dessus de la gare Montparnasse. Et donc je me retrouve avec douze personnes. On achète des PC avec une filiale qui s'en occupait, quatre cents PC et un immense bureau comme on en voit seulement dans les films, un plateau de quatre mille carrés et le câblage fait, là encore par une autre filiale de Teleperformance qui savait très bien placer toutes ses filiales pour ramasser toute la marge. On construit des alvéoles pour mettre les techniciens-conseil, on achète des serveurs, ce qu’il y a de plus cher avec des bases Oracle, et l’aide partielle de Sema Group qui s’occupait de tout cela. Et du Lucent pour gérer les appels : je découvre des machines incroyables, des machines qui savent conduire des milliers d'appels simultanément sur des centaines de coups de téléphone avec des files prioritaires.

Comme j'avais un parcours de joueur et que j'avais été arbitre de centaines de tournois de jeux de stratégie, j'avais fait beaucoup de jeux informatiques. Du coup, l'organisation des scenarii d’appels - avec les différents niveaux et différentes causes et ce qu'on appelle les process motifs - ne m’a pas trop effrayé. On a rédigé une espèce de bible, un Talmud : il fallait répertorier tous les cas possibles d’appels. Huit cents pages avec tout ce qui était possible, et j’ai lancé ensuite la formation à mes douze premiers disciples. Je les appelle comme ça parce que, alors que France Télécom avait fait un business plan avec cinquante mille abonnés au bout de deux ans, on en a eu un million au bout d'un an ! Il a fallu embaucher les wagons de techniciens-conseil, au cours de séances où l’on avait parfois deux cents candidats par semaine. On en prenait quinze ou vingt qu'on faisait rentrer dans des cycles de formation, parfois trente ou quarante, et puis on les balançait sur le terrain au fur et à mesure que les appels montaient comme une espèce de marée, comme lancés au galop. J’ai pris douze geeks, pas du tout des bons élèves ou des diplômés même si certains l’étaient, mais douze passionnés de technologie et de jeux également. Deux filles, dix garçons dont je me suis dit : ça doit être mes futurs cadres. Ces douze-là seront presque tous les chefs du centre. Et puis, quand on sera cinq cents, et bien ces douze-là seront les chefs des douze autres."

Le succès de Wanadoo sera très lié à la création, rare pour l'époque, d'un service client technique effectif, contrairement à ses concurrents. Des centaines de milliers d'abonnés affluent, qui ne savent pas toujours utiliser internet, les modems, puis l'ADSL. Le pricing imaginé à l'époque, un prix à l'appel, va devenir le tombeau des danaïdes pour les finances de la BU pilotée par Xavier Blanchot.

“Or, le respect et le suivi des indicateurs de qualité et de marges, c'est une règle d'or chez Teleperformance. Christophe Allard me dit alors et je me rappelle ses termes: je suis certain que tu vas trouver une solution. On l'a trouvée. Et c'est devenu, je crois, la BU la plus rentable de l'histoire de Teleperformance. France Télécom nous avait envoyé des auditeurs et des gars qui écoutaient toutes les conversations. Ils n'ont rien vu. Et puis, de toute façon, Wanadoo a été un tel succès. France Télécom Interactive a été introduite en Bourse ensuite”.

Interview au Chelsea Hôtel de la rue de Seine
Désormais propriétaire de La Louisiane, le “Chelsea Hôtel” de la rue de Seine, Xavier Blanchot a accordé une longue interview à En-Contact. Ce sera, pour ceux qui sont passionnés par le service client, les innovateurs, l'expérience collaborateurs, tout à la fois une madeleine de Proust et un cadeau de Noël : à La Louisiane sont descendus et ont séjourné Arthur Rimbaud, Miles Davis, Juliette Gréco, Patti Smith, Tarantino, ou plus récemment Clémence Michallon. On a donc également parlé d'artistes, de musique, de Booking et d'Airbnb. Car La Louisiane fût le premier hôtel de Paris inscrit sur Airbnb. Roland Tcherkezian, Patrick Dubreil, Sébastien Zins, Daniel Julien, Fodoa Fache-Adkins, BVRP ( créé par Bruno Van Ryb) sont quelques-uns des protagonistes de l'histoire. Fin des années 90, dans les call-centers et rue Firmin-Gillot, le talent et les aventuriers poussent comme des bambous en Asie. 

TotalEnergies, Samsung, Raja
Dans le numéro 134 seront également évoqués: Raja, qui a changé de solutions pour délivrer et mesurer son expérience client, les pratiques de TotalEnergies pour son recouvrement de créances. Et l'efficacité, dans ce domaine, des messages vocaux pré-enregistrés d'Opportunity. 

Alec Clément, directeur des opérations de Samsung, de retour du Bénin, raconte quant à lui la gentillesse et l'engagement des équipes béninoises de Concentrix, son partenaire sur place et en Côte d'Ivoire. En 1996, la montée en puissance d'un service client exigeant s'imaginait Gare Montparnasse. Désormais, Cotonou ou Medellin sont souvent les endroits retenus. The times they're changing !

Interview de XB par Manuel Jacquinet. 

Photos: Edouard Jacquinet.