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Acheel, Emma, Opodo, panique au service client et remboursements. What's up ?

Publié le 02 novembre 2023 à 11:55 par Magazine En-Contact
Acheel, Emma, Opodo, panique au service client et remboursements. What's up ?

Focalisés sur l’acquisition de clients, d’assurés, de voyageurs, de nombreuses entreprises délaissent l’après-vente, les parcours clients, les remboursements. Ou tentent de les automatiser, à outrance. Emma, Acheel, Opodo, eDreams semblent les performers déceptifs souvent évoqués récemment sur ces sujets. Ce pari de court terme enjolive les résultats et la rentabilité de court terme mais, à la fin du match, il y a souvent des pleurs ou de la frustration. Le consommateur pourrait-il prévoir que l'expérience ne sera pas à la hauteur de la promesse ?

Les assureurs, vendeurs de matelas, de billets d’avion, de meubles qui ont choisi de ne vendre et distribuer leurs produits qu’en ligne, par internet, peuvent être tentés de produire du service client à moindre coût, en automatisant tout ce qui est possible. La croissance sans les investissements dans l'arrière boutique, c'est l’idéal pour être vite rentables. Est-on ensuite rattrapé par la patrouille ?

Chez Acheel, l’assureur compétitif en acquisition de clients, qui annonce plus de 250 000 nouveaux assurés depuis sa création, de nombreux clients commencent à se plaindre de remboursements tardifs, d’une injoignabilité récurrente du service client. Or, comme le disent les assureurs, c’est lorsque survient un sinistre, ce moment of truth de l'expérience client, que l’on éprouve la qualité et l’efficacité de son assureur.

Malins, conscients que la e-réputation s’avère un actif mais peut vite jouer des tours sur internet, les deux dirigeants de l’assureur (financé en partie par Xavier Niel) Francky Defossé et Ralph Ruimy, veillent à répondre aux avis négatifs laissés sur les plateformes de gestion de ceux-ci. Mais les réponses fournies ne semblent pas contenter tous les assurés: Maxime Julien Manois, Yvan Dongmo, Maria Vermathen racontent leurs déboires : « Pas réactifs du tout, service client extrêmement difficile à joindre, belle interface utilisateur mais service client invisible, une honte, une vraie arnaque ». Carte verte d'assuré difficile à obtenir, nombreuses demandes traitées avec du retard, justificatifs demandés pour le remboursement de soins très nombreux, c'est un festival qu'on découvre en filigrane dans les expériences relatées sur les différents sites d'avis

Les deux associés ne peuvent pas trop évoquer la méconnaissance sur ces questions : lors des premiers mois de vie de leur entreprise, ils avaient choisi de confier la délégation de gestion à Stelliant et s’en étaient déclarés très insatisfaits. « Ils ne nous avaient délégué qu’un stagiaire, nous avait raconté Ralph Ruimy. On leur a dénoncé le contrat. »

Acheel est-il tout simplement victime de son succès, ces difficultés rencontrées à faire cesser des prélèvements, lorsqu'on a résilié son assurance, sont-ils le fait de quelques grincheux ? On a tenté de joindre il y a trois jours l'un des dirigeants, Ralph Ruimy, pour recueillir son point de vue, sans avoir obtenu de réponse pour l'instant. D'obtenir une réponse, via le chatbot, à une demande basique. La réponse est instructive: nous serons de retour en ligne dans la journée, ou:  “Nous répondons en général sous 24 heures”. 

En comparaison, chez L'Olivier Assurances, qui assure 350 000 personnes, un nombre assez similaire, c'est là aussi un chatbot qui répond à une demande de devis. Mais l'heure d'ouverture du service client et le numéro à joindre sont indiqués : 9H et le 01 79 35 65 61. Accompagné en débordement d'appels par Amicio, l'assureur a bien l'intention de conserver sa couronne d'assureur au service client efficace. Testé, le service devis est bien occupé, ce lundi matin mais on nous propose d'être re-contacté, dans la journée. Vive le callback lorsque le temps d'attente considéré comme supportable est dépassé, dans le SVI. 

Chez Emma, une entreprise allemande qui vend de la literie sur internet, même combat pour les clients, pas livrés, mais décaissés du montant de leur commande. Comme chez Made.com, qui a connu une fin de vie douloureuse et a laissé sur le carreau des milliers de clients, de nombreux consommateurs français ont commandé des couettes, matelas, attirés par des promotions régulières et attractives. Et ne les ont jamais reçus.

Déjà condamnée par le Tribunal de Commerce de Paris pour de fausses promotions, l’entreprise procrastine. Un groupe de clients furieux et lésés s’est créé sur les réseaux sociaux.

Opodo, eDreams. Faut-il ajouter à la littérature passionnante qu'on trouve sur les forums, sites d'associations de consommateurs, où les “méfaits” de ces deux acteurs du voyage sont décrits depuis longtemps ? Paiements encaissés deux fois, cartes d'embarquement que Ryanair ne permet pas d'imprimer et qu'il faut donc payer à l'aéroport, impossibilité de se faire rembourser des billets de Royal Air Maroc, après une partie de ping-pong entre la compagnie et l'agence de voyages.. Services clients surtaxés et remplacés par des chatbots anémiés, les deux entreprises cousines ont compris que le consommateur moderne a abandonné tout sens critique et jugeotte dès lors qu'on lui promet du moins cher.

Thibault Constans

“3 ans pour se faire rembourser un billet, 63 euros de consommation téléphonique avec le service client”, une passagère déçue a même tenté de se rendre au siège de l'entreprise. Et a découvert que celui-ci est à Madrid.

Back-office et service client téléphonique sont-ils indispensables ?

« Les dirigeants qui opèrent ainsi sont souvent très avertis et conscients de la pauvreté de l’expérience client qu’ils font vivre à leurs assurés, » indiquent Holden Caufield et Thibault Constans, consultant spécialisés en CRM et BPO. « Ils mettent en avant les indicateurs de croissance de leur entreprise, pour la valoriser et souvent la vendre. Le service client est vécu comme une dépense, dont on peut se passer. Et les plus cyniques s’achètent des faux avis, des campagnes d’articles sponsorisés, de brand content, pour enterrer ce qui se dit de mal sur leur marque sur internet. Lorsque l'entreprise explose, car ça arrive, comme avec Made.com, ils sont déjà loin. Ning Li*, co-fondateur de cette dernière, par exemple, avait bien compris qu'en localisant le e-marchand en Angleterre, il s'exonérait de garanties apportées par le droit français"

Ning Li s'est lancé depuis dans les cosmétiques, en ligne. Avec Typology. Comme on ne change pas une recette qui gagne, pas de service client joignable par téléphone dans la “nouvelle aventure” cosmétique de l'entrepreneur. Tout y est personnalisé, B Corp, Vegan, mais qu'une consommatrice puisse avoir besoin d'un contact, d'un humain est une fiction. (*terme qui s'est imposé depuis quelques années, lorsque les startuppers recréent une entreprise après avoir revendu la précédente, laquelle souvent ne fût jamais rentable )

Différents groupes Facebook alertent sur les pratiques de Emma ou Opodo. Mais ils ne sont créés souvent qu'après les mésaventures des clients concernés.

Se prémunir.

Peut-on alors deviner, pressentir qu'on fait affaire avec un prestataire peu rigoureux, plus enclin à vendre à tout prix qu'à s'occuper des réclamations ? L'existence d'un service client accessible par téléphone, de bureaux ou de magasins en dur, la localisation du siège de l'entreprise et le test éventuel du chatbot (désormais souvent proposé) sont de bons indicateurs d'une réelle politique en matière d'expérience client, passagers, complètent les deux spécialistes. “Et rien n'interdit de réfléchir: lorsqu'on achète des lasagnes à 3 euros le kilo, qu'on part en Grèce dans un hôtel 5 étoiles avec une chambre de 60 mètres carrés, le tout pour 450 euros la semaine, vol inclus, c'est probablement qu'existe un loup. If you pay peanuts, you get monkeys, dit l'adage anglo-saxon” sourit l'un deux.

Panique chez N26, choix du cercueil en cours chez Indexia. 

Dans d’autres cas, comme chez N26, c’est parce que le back-office nécessaire pour assurer du KYC et du contrôle anti-fraude est complexe à organiser que la panique va survenir. La néo-banque a clôturé des milliers de comptes en France, après avoir été épinglée par TRACFIN et la Bafin en Allemagne. Elle assure depuis que tout est sous contrôle, alors que de très nombreux clients peinent à récupérer leurs avoirs, à se les faire restituer. 

Chez Indexia, ex-SFAM, on vend les bijoux de famille, comme cette participation dans Fnac-Darty dont le groupe dirigé par Sadri Fegaier était le 3ème actionnaire. La BPI est récemment sortie du capital, discrètement, cet été. Il aura fallu la question d'un député, Mr Stéphane Peu, député PCF de Seine Saint-Denis, pour que la filiale de la CDC confirme avoir pris la poudre d'escampette ( sa participation a été cédée à Mubadala Investment Company, déjà présente au capital du courtier). 

La réponse officielle date du 3 Octobre 2023. Pour savoir certaines choses, il faut demander de façon officielle aux bonnes personnes. Et que des journalistes ou photographes indépendants puissent être présents. Sinon, comme le disait hier Patrick Chauvel (correspondant de guerre photographe) lors d'une émission de télévision, ce qu'on vous raconte, c'est de la propagande.

Propagande, éléments de langage, incantations sur la CX, le NPS, la symétrie des attentions.  

Depuis la parution de cet article, jeudi 2 Novembre, l'agence de presse d'Opodo et de eDreams nous a contactés. Nous attendons de pouvoir évoquer le sujet avec l'un des dirigeants. 

En moyenne, sur l'année 2023, moins de 27% des entreprises que nous avons contactées pour évoquer avec elles des questions liées à l'expérience client, aux parcours clients, acceptent de partager des éléments factuels ou que nous évoquions le sujet avec l'un des cadres en charge. Chez Air France et à la SNCF, très disertes sur ces sujets, même pratique. Sollicité, Fabien Pelous, Vice-Président Expérience Air France, renvoie sur son service de communication. 34 jours après…

Manuel Jacquinet

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