SNCF Connect débordé. Onepilot à la rescousse ?
SNCF Connect nous a (encore) fait hier, 4 Octobre, un Lunéa 4295 digital, une thrombose lors des réservations de billets. Est-ce une fatalité qu'un site de réservation plante.. parce qu'un million de connexions simultanées le concerne ? Dans ce cas là, serait-il bienvenu de faire et proposer.. des excuses ? Anne Pruvot réfléchit.
Les faits: les ventes des billets pour l'hiver ouvraient hier sur le site de SNCF Connect. Le site a planté pendant quelques heures, affichant des messages surannés et rigolos. Une salle d'attente virtuelle a été créée. Tout est ensuite rentré dans l'ordre. On peut par exemple acheter un Paris-Chambéry, aller le 22 Décembre et retour le 1er Janvier, pour 200 euros environ. Anne Pruvot, directrice générale de SNCF Connect, passée par HEC, Accenture, Oliver Wyman notamment, expliquait lors du lancement de SNCF Connect que le “ mode de conception cloud native utilisé pour la conception de l'application permet d'ajuster en temps réel les besoins de la SNCF, d'être plus réactifs, y compris lors des forts pics d'activité, en assurant une expérience de navigation optimale à tout moment"
Quelques questions qui surgissent.
La prévision des pics est-elle complexe ?
Prévoir des pics d'activité est complexe mais la SNCF sait que, lors de l'ouverture des ventes d'été ou d'hiver, compte tenu de sa politique de yield management pricing, qui ajuste les prix et les fait souvent augmenter lorsqu'on s'approche du jour de départ, le trafic est soutenu sur son site de réservation. En Juin 2023, son directeur TGV Alain Krakovitch se réjouissait d'avoir vendu 10% de billets de plus que pour l'année 2022. La SNCF vend jusqu'à 150 000 billets par jour. Assumer des pics de trafic à 1 million n'est pas une anomalie. La compagnie a annoncé avoir vendu 24 millions de billets cet été pour des TGV, Ouigo, Intercités. Elle propose parfois pour sa filiale low-cost Ouigo plus de 100 000 billets à la vente, en une seule journée.
Manquons nous d'ingénieurs, d'argent, de compétences ou d'engagement ?
BIG, la grande rencontre organisée par la BPI, devrait réunir ce jour 75000 personnes et entrepreneurs de la tech. 75 000 personnes, ce n'est pas rien, mais ça s'anticipe. Peut-être les dirigeants de SNCF Connect y passeront-ils, y croiseront-ils lors d'un cocktail quelques jeunes qui en veulent, formés au code et désireux de rejoindre une entreprise de la tech for good ?
Pourquoi tout miser sur des réservations uniquement opérées en digital, sans solution de secours, tels des call-centers de réservation, actionnables à la demande? Est-ce que ça existe, ce genre de “rustines” omnicanales pas trop “shiny” mais bien efficaces ? Oui, mais on les a trucidés, écartés très souvent. Trop cher.
Les centres d’appels qui assuraient la prise d’appels et de commandes ont en effet disparu dans quantité de secteurs, d'industries. Ils permettaient, permettent pourtant de soigner les thromboses digitales.
Ce qu'a dit et ce que fait la SNCF, en matière de service client vocal et digital.
Le site de réservation du voyagiste ferroviaire a enregistré ce mercredi matin une « hausse de 230% de connexions par rapport au niveau déjà record de l’ouverture des ventes pour les fêtes de l’année dernière. » L’ouverture des ventes pour les billets pour l’hiver a déclenché un afflux massif d’internautes qui ont dépassé la capacité de production et de gestion des outils digitaux de la SNCF. Sur le site internet, la SNCF avait créé une salle d’attente virtuelle et a affiché longtemps le message « il y a un peu d’attente (...) forte affluence. »
Les clients ont réagi sur les réseaux sociaux « commencez à recruter des personnes pour gérer votre site » tandis que d’autres parlent de « naufrage » et de « manque d’anticipation »
SNCF Connect a pourtant actionné de nouveaux moyens de réponse comme elle l’a expliqué lors d’ECTFF, le Forum de l’Expérience Client qui tenait sa 11ème édition à La Baule, fin septembre. Elle collabore notamment avec Foundever ( ex-Sitel) et Onepilot, un prestataire externalisé en BPO et service client qui permet à de nombreuses entreprises de gérer ses pics d’activité, avec des agents indépendants, en télétravail. SNCF Connect, Withings, Jonak et plus de 100 autres ETI et grands groupes ont d'ailleurs choisi de s’appuyer sur les services de la scale-up, désormais déployée sur de nombreux pays d'Europe. Et Pierre-Alexandre Charton, responsable relations clients a dit à la Baule tout le bien qu'il pensait de la prestation de Onepilot.
Avons-nous su en France gérer des pics d'activité massifs, grâce à des plateformes téléphoniques ?
Oui et l'exemple de la prise de rendez-vous et des informations données pour la Covid 19 a été instructif. Mobilisées, les équipes de Foundever, et Teleperformance, sont parvenues à gérer des pics d'appels atteignant le million par jours. L'opérateur SFR qui acheminait les appels vers ces call-center a vu ses réseaux quasi saturés.
Faut-il se préparer, dans quantité de secteurs et d'industries, à des pics d'activité ?
Oui et cela est souvent oublié, quantité d'entreprises optant pour une couverture minimale de leur charge d'activité prévisible. Estimant que ceci relève de la bonne gestion.
La planification, clé d’un bon taux de service.
« Soucieux de comprimer leurs coûts, de trop nombreuses entreprises ont digitalisé leurs services de réservation, de prises de commandes, ou ne staffent pas suffisamment leurs équipes, » indique Manuel Jacquinet, spécialiste de ces questions et rédacteur en chef d’un magazine spécialisé. « La moindre hausse de trafic sur leur site web ou applications déclenche des files d’attente et des bugs, car les chatbots basiques sont encore limités dans leur capacité à traiter de cas complexes. »
Quelles alternatives existent pour pallier la défaillance digitale ?
Quelques éditeurs français de solutions technologiques ou des prestataires ont su développer des solutions adéquates et performantes. Depuis le Cameroun, le Bénin, Vipp-Interstis assure la prise de commande ou de réservations 24/24h, à un niveau de performance et tarifaire exceptionnel. Carglass y fait assurer ses réservations, clé de sa rentabilité. A Tanger, Myopla, un autre prestataire de mid-market agile a su collaborer avec Cdiscount pour réactiver les paniers abandonnés. Succès la aussi.
Les callbots de Zaion ont permis à des banques ou des fournisseurs d'énergie de soulager les équipes opérationnelles de toutes les demandes automatisables, là également avec un niveau de traitement de la demande qui approche souvent les 92% de traitement. Les voicebots remplacent efficacement les anciens SVI, serveurs vocaux interactifs.
L’IA et la maitrise des lois d’Erlang permettent pourtant de déterminer les flux prévisibles d’activité et le taux de service visé. Un appel à projet sur ce sujet que deux ETI ont décidé de co-financer, a été lancé récemment par une entité dédiée. Car la prévision des flux est l’un des piliers de l’expérience clients et utilisateurs.
Faire des excuses, cela s'imagine-t-il ? Soulage-t-il ?
En décembre 2010, le Lunéa 4295 a marqué les esprits, ce train qui afficha plus de 15heures de retard pour relier Strasbourg à Port-Bou et enchaina les incidents, comme dans un film des Monty Python. La SNCF, sous la pression des médias, fit à l'époque un rapport et s'engagea sur des actions correctives. Guillaume Pépy, à l'époque président de la compagnie, présenta ses excuses pour ce très mauvais voyage et proposa un remboursement. NKM, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre en charge, mit un peu la pression.
Cet été, le 24 Août, un TGV reliant Annecy à Paris est tombé en panne. Parmi les passagers se trouvait le ministre délégué chargé de l'Industrie, Roland Lescure. La SNCF a évoqué une panne .. exceptionnelle et aurait proposé d'exfiltrer le ministre. Des passagers sont descendus sur les voies, hors consignes et process. Le ministre est resté à bord, a communiqué sur les réseaux sociaux. Le TGV est finalement parvenu à bon port, avec 4H30 de retard. Le déficit d'informations partagées aux voyageurs a surpris, irrité.
Rome ne s'est pas faite en un jour et la gestion d'une entreprise est tout sauf une promenade de santé. Mais un mot informel, un billet d'excuses irrigué d'un peu d'empathie sincère est à la portée de tous.Qu'on dispose ou pas d'une lettre type… Comme l'indique l'histoire suivante, SNCF Connect n'est pas la seule à “maltraiter” parfois ses nombreux clients.
NB: en 2018, une cliente d'EDF, Martine Passerieu, qui avait reçu une facture de 88 247 euros de son fournisseur pour une maison de 120 mètre carrés chauffée au fioul, a bataillé de longs mois pour obtenir une régulation. In fine, après tant d'efforts, elle a demandé une lettre d'excuses. Impossible, lui répondit EDF, nous ne disposons pas de ce type de courriers. Lire ici.
La rédaction d'En-Contact