Poussettes YOYO non livrées : Natal Market hésitait entre Zendesk et easiware
Natal Market-Racket une histoire d'omnicanal qui tue, avec Gwenaelle et James Mountary. Bientôt sur Netflix ?
Les époux Mountary, Gwenaelle et James, dirigeants de l’entreprise Natal Market, sont-ils en cavale ou les victimes involontaires du choix, trop longtemps repoussé, d’un bon logiciel de ticketing en mode SaaS, tels Sendinblue, easiware, Zendesk ? Quand de nombreux consommateurs appellent un service client, ce type d'outils permet d'historiser les demandes et de les traiter de façon personnalisée. Mais parfois.. à la vérité, la boss, la CEO, elle s'en fout d'apporter du vrai service, un bon service. Confidences du Commissaire Rouletabille, enquêteur en chef lorsque le NPS ( Net Promoter Score) a été trucidé.
Au 01 71 25 77 77, le service client de Natal Market ne répond plus, malgré les nombreuses sollicitations.
Les deux messageries du couple sont saturées et déjà, Netflix a délégué, rue de Siam et rue de Sèvres à Paris, ses assistants de production. Rapide à déceler le potentiel cinématographique d’une histoire vraie et croustillante (les escrocs ont la cote en ce moment), la plateforme a compris qu’une carambouille dans la puériculture, c'était du jamais vu. Placements de produits prévisibles. Si Emily in Paris a explosé les compteurs, imaginez ce que Cybex, les meubles Gautier, Bugaboo etc… seraient prêts à investir pour apparaitre à l’écran d'un thriller dont les épisodes se situent à Paris, Lyon, Marseille. Et plutôt dans les beaux quartiers.
Rencontre avec le commissaire Rouletabille* de la BRDA
L'objet du thriller: de nombreux clients (souvent des jeunes couples) des boutiques Natal Market, situées sur tout le territoire en France, se demandent comment être remboursés pour leur commande, jamais honorée, de la Rolls Royce des poussettes, la Yoyo, fabriquée par Babyzen ou d'un siège auto. Ils sont des dizaines en France dans la même situation. « L’arnaque, car il semble bien qu’il s’agisse d’une arnaque, est simple et suppose une marque forte, connue, explique le Commissaire Rouletabille de la BRDA (Brigade de répression de la délinquance astucieuse). Les aigrefins créent un site web pour prendre des commandes en ligne et y associent souvent une ou plusieurs boutiques, afin de rassurer le consommateur : l’omnicanal ou le phygital, c’est-à-dire le fait de combiner enseignes dans des rues commerçantes et des ventes à distance, s’avère le socle idéal pour lancer la fusée. Un ou deux produits, très demandés, sont mis en avant sur le site, très vite proposés à un prix attractif, afin que le tunnel de conversion, l’obsession des UX designers et des directeurs de l’acquisition, soit efficace ou performant. Les premières commandes sont honorées, parfois même avec un très bon niveau de service, afin que les avis clients soient positifs, nombreux. On paye ensuite quelques prestataires pour en créer de faux ou les rédiger avec une IA spécifique et, avec un peu d’expérience, on choisit ensuite un logiciel de e-réputation adapté, du type de ceux qui mettent en avant et en premier les bons avis, les autres étant modérés avec délai, ce qui évite de les publier. Comme les consommateurs ne croient que ce qui apparait dans les premières pages sur Google qui s’affichent et sont surtout attirés par le prix et les délais de livraison, un pieux mensonge sur ces deux sujets permet de devenir l’enseigne préférée, celle dont on se refile le nom. Un passage sur une chaine d'information peu regardante et quelques articles sponsorisés s'avèrent parfois nécessaires pour relancer la machine ou éteindre les premières réclamations, noyées de ce fait sous les Like qui accompagneront l'enseigne sur les réseaux sociaux. Reste, ensuite, à industrialiser la prise de commandes puis à partir avec la caisse; le temps que la DGCCRF réagisse, on est loin, à l’île Maurice ou en Israël ». Les plus madrés remontent même des business, lèvent des fonds pour d'autres aventures, expliquant que leur business de coques personnalisées pour téléphones portables a souffert du Covid ou de la désaffection pour les magasins en dur. (sourires)
EC : Quelle différence avec le growth hacking ?
Rouletabille : Aucune, enfin si: dans des entreprises en forte croissance, on encaisse et on livre et, à la marge, on s'occupe des quelques clients mal livrés. Chez les aigrefins on n'a jamais eu l'intention de livrer quoi ou qui que ce soit.
Parvenu à ce stade de l'interview du commissaire Rouletabille, on observe du coin de l'oeil la table de l'enquêteur. Il y traine deux chemises de couleur, celles de Vert Auto Ecole, dirigé par Samuel Belhocine et Made.com, deux dossiers récents qui ont mobilisé les équipes de la BRDA. On comprend qu'on est au bon endroit et que les affaires de clients non livrés, de commandes non remboursées sont légion: N26, Made.com, FranceBillet... et désormais, Natal Market.
La procrastination des livraisons, le signe qui ne trompe pas.
Pour Natal Market, les commandes payées et non livrées ont débuté dès 2018, comme l'indiquent les premières réclamations sur les forums mais à partir du 1er trimestre 2022, ceci s'intensifie. Gwenaelle Mountary, la dirigeante de la constellation de sociétés gravitant autour de Natal Market, a usé auprès de ses clients d’arguments fallacieux pour expliquer les non livraisons, en renvoyant la balle sur ses fournisseurs, dont Stokke, qui a repris l’entreprise Babyzen. Ceux-ci ont confirmé qu'ils avaient cessé la collaboration avec Natal Market, tout comme Cybex, l'un des fournisseurs de référence sur ce marché. La prochaine fois qu'elle répondra aux journalistes, elle expliquera probablement qu'elle avait oublié d'équiper son SAV d'un logiciel de CRM et de Ticketing. A l'instar d'Olivier Bouvet, lui aussi client lésé et qui a imaginé un titre percutant pour la série, Natal Racket, de nombreux clients, parents, ont rejoint les groupes WhatsApp, Facebook consacrés aux exploits des Mountary. Comme dans l'affaire Made.com ou SFAM, on s'y tient chaud, on y partage le récit de ses déboires et parfois quelques astuces ou tips sur une dernière tentative à mener ou le bon avocat pour entamer l'action collective. La suite de notre enquête, menée rue de Siam, en plein cœur du 16ème, dans le numéro 127 du Magazine En-Contact. Et quelques indiscrétions sur la prochaine ouverture, dans le même quartier, d'une boutique Chanel, à la Muette. Noir c'est noir.
Manuel Jacquinet.
NB: joint par nos soins, James Mountary avait promis de nous fournir des pièces et nombreux e-mails (dixit) expliquant ces mésaventures et le dédouanant, on suppose. On attend. De Gwenaelle Bellec, épouse Mountary, on a compris que c'est une abonnée de l'opérateur SFR. Grâce aux messages laissés sur sa messagerie. Auxquels elle ne répond jamais.
*Le nom a été changé.
Photo de une : Une boutique SNCF fermée, rue de Passy - crédit © Emil Hernon