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Les vertus insoupçonnées des interactions sociales : Contentsquare ou la visite en boutique pour avoir du plaisir?

Publié le 26 juillet 2022 à 10:28 par Magazine En-Contact
Les vertus insoupçonnées des interactions sociales : Contentsquare ou la visite en boutique pour avoir du plaisir?

Menée à l'Université de Genève (Camilla Bellone), c'est l'étude dont tout le monde devrait parler. Que les spécialistes du retail, de l'expérience client devraient méditer. Les interactions sociales nous procurent du plaisir. Nous anticipons même celui-ci quand nous savons que nous allons en avoir, échanger, discuter avant d'acheter. Et nous ressemblons, en cela, tellement aux souris. 

Au moment même où les magasins, les centres commerciaux voire les salles de cinéma s'inquiètent d'une moindre fréquentation, synonyme de moindre chiffre d'affaire, les résultats des travaux menés à l'Université de Genève par deux chercheurs en neurosciences constituent un sacré motif d'espoir: rien ne nous rend plus heureux que d'avoir des échanges, des interactions sociales. La réalité virtuelle n'est pas capable de reproduire pour l'instant la complexité des échanges sociaux ( Camilla Bellone et Benoit Girard). “Le rose qu'on nous propose, d'avoir quantité de choses, les avoirs pleins nos armoires…*”  ont ils plus de chance de nous procurer du plaisir si nous les acquérons après avoir échangé avec un vendeur, un télé-conseiller ou en mode digital, sans interaction ? Une sacrée bonne question. * Foule sentimentale, Alain Souchon.

Le shopping ou la causette au coin de la rue, pour parler du prix de l'énergie ou de l'assurance souscrite pour son animal domestique.. nous procurent du plaisir. Et celui-ci est pour l'instant supérieur à celui qu'on peut observer dans la réalité virtuelle car “la totale complexité des échanges dans la vraie vie n'est pas encore reproduite dans le virtuel”. Le Metavers n'a qu'à bien se tenir. A Paris Retail Week, salon professionnel qui s'achève aujourd'hui, plutôt dédié au commerce connecté, qui parle de ces sujets et étude, dont cette dernière, porteuse d'espoir pour l'avenir du commerce physique ? On a visité les stands d'Accenture, de Contentsquare ( personnalisation de l'expérience digitale), d'Octave (commerce unifié), de Payplug (paiement sécurisé). On s'est demandé où il fallait aller et à quoi consacrer du temps, lorsqu'on est un entrepreneur, directeur de magasin ou d'enseigne réellement concerné par son futur. Et celui de ses employés ?

La perspective d'interactions sociales rend les souris et les êtres-humains heureux ! Camilla Bellone (Université de Genève).

Les interactions sociales, celles que nous avons lorsque nous allons faire du shopping, que nous nous rendons au bureau de Poste ou à la banque, nous procurent du plaisir. Et parce que nous anticipons même sur le plaisir que ces conversations vont susciter, nous sommes demandeurs d'interactions sociales. Tels sont les résultats passionnants des travaux et recherches menés par Camilla Bellone, chercheuse et professeure en neurosciences à l'Université de Genève. En effet, au moment même où toute l'industrie du Retail, les salles de cinéma, les lieux physiques de commerce se questionnent sur leur utilité et atouts face au e-commerce et à la digitalisation des parcours clients, les conclusions de la chercheuse recèlent un grand message d'espoir. 

"Il n'y a rien de tel que les rencontres et échanges qu'on a dans  la vraie vie.. l'expérience client mémorable ne peut se passer des interactions sociales" précisent Alexis de Prévoisin et l'éditeur de son ouvrage sur l'importance de l'émotion dans le retail. Quelle n'a pas été leur surprise lorsque, quelques semaines avant d'achever l'édition de ce livre, l'auteur et l'éditeur sont tombés sur une étude menée par des chercheurs qui confirmait précisément ce point: deux souris séparées par une porte qui s’ouvre à l’aide d’un levier. Des électrodes. Voilà ce qui a permis à nos deux chercheurs de la faculté de médecine de Genève de mettre en évidence une soif d’interaction chez ces individus. Quand ceux ci se rencontrent, cela active des neurones dopaminergiques, qui libèrent de la dopamine*, la molécule du plaisir. Rencontre avec Camilla Bellone qui a coordonné les travaux.

Si on a bien compris, votre recherche a montré que les souris apprécient les interactions avec leurs congénères, que celles-ci libèrent de la dopamine et qu’elles vont anticiper cette décharge de dopamine. Y a-t-il eu beaucoup de travaux qui ont été réalisés sur les souris et les mécanismes de récompense ? Qu’apporte votre étude de fondamentalement nouveau ? 

On a montré pour la première fois que les interactions sociales sont des récompenses naturelles qui agissent sur le système de la récompense exactement comme les autres récompenses naturelles, telles que la nourriture. Désormais la question est de savoir, étant donné que les souris répondent aux interactions sociales et qu’il y a une signalisation des prédictions*, quelles différences existent entre les interactions sociales et d’autres récompenses naturelles ? Le système de la récompense est-il activé exactement de la même manière ? Il n’existe pas de neurones dopaminergiques activés seulement par des interactions sociales mais il y a des neurones qui peuvent être activés soit dans des interactions sociales soit dans d’autres récompenses. En un mot, il n’existe pas de neurones sociaux, si on peut dire. Mais la complexité des interactions sociales, comme il est très difficile de les prédire et que ce sont des stimuli très complexes au niveau sensoriel, la manière d’activer les neurones dopaminergiques sera différente par rapport à d’autres récompenses naturelles. Et le système, une fois la dopamine libérée, comprend des systèmes d’intégration qui doivent être différents. Mais c’est là le sujet d’une prochaine étude.

*des neurones dopaminergiques dans le cerveau signalent l’erreur de prédiction entre ce que nous attendons et ce que nous obtenons.

Y-a-t'il une forme d’addiction qui se crée selon les individus ? 

C’est intéressant parce qu’on voit que dans notre tâche, quand la souris doit travailler pour aller interagir qu’il y a une « interindividual variability » : chaque individu a, si on peut quantifier leur motivation, des différences individuelles. Comme chez l’humain, tout le spectre d’interactions existe, des gens qui sont plus ou moins intéressés par les interactions. Est-ce que ça crée une forme d’addiction ? Il est difficile de l’établir à ce stade mais nous avons des tâches qui nous permettent de le constater. Qu’est-ce que ça signifie une addiction sociale et est-ce que ça existe ? Souvent il y a des comportements mal adaptés, des inadaptations au contexte social et nous pensons qu’il y a à la base des comportements mal adaptés une altération des neurones de la récompense, des neurones dopaminergiques. Comme dans le cas de l’autisme, où il y a une altération desdits neurones.

Sur un marché parisien, un maraicher et sa cliente. On n'achète pas que des fruits mais également un moment d'interaction - crédit Edouard Jacquinet

Peut-on extrapoler ces résultats aux êtres humains ? 

Si on pense à l’humain, la littérature scientifique nous a mis en possession de données qui montrent qu’il y a une activation des systèmes de la récompense. Dans l’humain, on peut le savoir de manière moins précise, on ne peut pas aller voir au niveau des « single cell » mais on sait que cette activité a lieu pendant les interactions sociales. On peut imaginer que les individus réagissent différemment à la présence d’un congénère, ce qui peut évoluer dans des comportements mal adaptés des déficits, qui ont un très fort impact sur la société. On pense que l’aspect motivationnel lié à la dopamine est très important dans la prise de décision dans un contexte social. Si on extrapole à l’humain, on sait que c’est important et que si on a une altération des systèmes dopaminergiques, cela peut altérer les prises de décision dans un contexte social.

Existe-t-il une différence dans la manière dont est activé le système de la récompense, dans un environnement physique, comme un magasin, ou virtuel, comme quand on achète en ligne ? 

C’est exactement ce qu’on voudrait explorer. On ne dispose pas encore de réponse à la question suivante: interagir de manière réelle active-t-il le même circuit que ceux qui sont activés quand on a des interactions sur Zoom ou via un canal virtuel ? Dans certaines études qu’on a menées, on a constaté que la manière d’activer les neurones dopaminergiques est différente si l’on présente à la souris des stimuli olfactifs : l’odeur est capable d’activer ces neurones-là mais cette « temporary solutions » le fait d’une manière différente à celle constatée lorsqu'on lui présente un congénère intégral. Pour nous, le contexte social est essentiel dans la compréhension du processus sensoriel. La réalité virtuelle n’est pas encore en mesure de reproduire la totale complexité des interactions sociales qu’on trouve dans la réalité. 

Ne peut-on pas trouver une forme de protection dans la virtualité ? 

Les personnes qui ont des difficultés à interagir seront plus à l’aise avec un ordinateur par rapport à une interaction réelle. C’est naturel, car on arrive beaucoup plus à contrôler le contexte social via un écran que dans la réalité.

*La dopamine est une molécule qui agit comme un neurotransmetteur dans le cerveau et joue un rôle crucial dans les comportements motivés par une récompense. 

A la Redoute, aux 3 Suisses, chez l'épicier, on n'achète pas qu'un produit.

Depuis 40 ans, tous les directeurs de centres d'appels, télé-conseillers, savent et ont observé et entendu que les motivations des clients qui appellent ne sont pas uniquement d'acheter un aspirateur, une petite robe. «J'ai travaillé à la Redoute au téléphone, pour gagner ma vie, entre deux jobs, précise CJ, orthophoniste de métier. Ce que j'ai découvert, le lundi matin, c'est que les premiers appelants qui nous contactaient pour avoir un renseignement sur un produit du catalogue étaient souvent demandeurs de lien social plus que réellement intéressés par la petite robe ou le jean. En échangeant avec ces interlocuteurs, je découvrais qu'ils avaient passé le week-end seuls parce qu'ils étaient isolés ou âgés. Ils appelaient pour parler, échanger et éventuellement passer une commande. La durée moyenne de conversation s'en ressentait mais ce n'était pas grave. Je pense que les facteurs ou les infirmières qui visitent à domicile éprouvent ce même sentiment.» L'éditeur du livre d'Alexis de Prévoisin confirme qu'il a intégré les résultats de l'étude dans le livre de ce dernier parce que c'est la première étude qui documente scientifiquement ce besoin et cette appétence de lien social.

Les salons, forums, colloques, livres, où sont évoqués ces sujets, y en a t-il ?

Grégory Boulanger durant Paris Retail Week - Accenture

Sur Paris Retail Week, que la rédaction d'En-Contact a visité hier, c'est tout d'abord l'omniprésence de deux ou trois thématiques qui surprend : le paiement semble un vrai sujet, les 1001 façons de l'effectuer, de façon sécurisée et fluide, voire en le fractionnant. Un énorme plot central agrège et regroupe quantité d'acteurs de la famille paiement, de Floa à Worldline en passant pas Payplug, marié récemment à l'ex Rentabiliweb, devenu Dalenys. La logistique et l'emballage importent: voir les stands de GLS, Raja. Logique, car les colis doivent parvenir à bon port, après qu'ils ont été achetés, tout ceci sur des sites de e-commerce que moult spécialistes aident à rendre plus fluide, personnalisé. On a presque tout compris hier sur ce dernier point, grâce à la démonstration claire qu'en a faite un responsable des comptes stratégiques de Contentsquare. Rien, par contre, sur ce qui inciterait les clients à se rendre en boutique. Sinon la perspective de gagner un bon d'achat, par exemple sur le stand Mirane où sont présentés des solutions d'agencement de magasins pour collecter et valoriser des données clients, le tout afin “d'activer”. Ce qui signifie vendre, suppose t-on. 

 

ECTFF, 10 ème édition, le 28, 29 et 30 Septembre : Alexis de Prévoisin, Vorwerk, Farftech, ManoMano etc.. témoigneront sur ces sujets liés à l'expérience client, shopping. Le Forum de référence sur ces sujets évoquera dans plus de 10 interventions de marques ce qui améliore l'expérience collaborateurs ou crée du trafic dans les magasins. Pourquoi se rend-on chez Monoprix, pourquoi rentre t-on dans une concession Perene plutôt que chez Ikea pour rêver et faire installer une cuisine sur mesure ? 

NRF Big Retail Show, à New York :début le 14 Janvier 2023.

Entretiens menés par Benoit Hoquet et Manuel Jacquinet.

Photo de une : Dans la boutique de la rue Royale, chez Lalique, un client se fait conseiller - crédit photo © Edouard Jacquinet

 

 

 

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