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Le flacon, le goût, l’ivresse - les secrets d’une expérience client réussie et les vins du Domaine Le Roc à La Baule

Publié le 14 octobre 2022 à 14:19 par Magazine En-Contact
Le flacon, le goût, l’ivresse - les secrets d’une expérience client réussie et les vins du Domaine Le Roc à La Baule

Ribes, qui provient de l’arabe ribas signifiant groseillier, est un nom répandu dans le Sud Ouest. Il désigne au départ « des organismes qui peuvent supporter de larges variations dans leurs conditions de vie, » précise l’Encyclopédie de la Pléiade. Cette capacité d’adaptation, on la retrouve chez Anne Ribes, jeune vigneronne de 26 ans, bien décidée à apporter sa note personnelle au sein d’une exploitation familiale créée par son oncle en 1981. Ses vins furent présents et dégustés à la Baule , lors d'ECTFF 10ème édition, en trois formats : blanc, rouge, ainsi qu’un pétillant nature dans l’ère du temps. Alors comment procède-t-on pour parvenir à la note de 4,9 sur Google My Business et rendre heureux des clients ? 

 

Dégustation des vins du Domaine Le Roc par les conférenciers et participants de la 10ème édition de l'ECTFF à la Baule - crédit © En-Contact (José Langlois)

 

Quel rôle jouent les brebis préposées au désherbage depuis 1981 dans la note de 4,9 sur 5 dont peut se targuer le Domaine Le Roc, petit domaine viticole de 35 hectares, exploité en famille depuis deux générations, sur Google My Business ? La clientèle, étrangère comme française, qui a pu se rendre au domaine, est enchantée... Kseniia Pobedonostseva, Etienne King, Karsten Kaada, Dimitri Romano, Emmanuel Kaiser ont pris le temps de se fendre d’un avis élogieux, signe que l’expérience du gouteur de vin est particulièrement soignée chez les Ribes. Edward Green, quant à lui, écrit que ça valait la peine de faire deux heures et demie de bicyclette depuis Toulouse. Électrique ? L’idée est à creuser en tout cas,  en sachant que le trajet représente 32 kilomètres depuis la Ville Rose via la poétiquement nommée Voie Verte du Canal des Deux Mers. 

 

A 26 ans, Anne Ribes apporte son caractère et son savoir faire à la production familiale.

J’ai cru comprendre que vous étiez encore en pleines vendanges ? 

Nous rentrons nos dernières Syrah. En fin de semaine prochaine, on va vendanger les cabernets sauvignon, qui sont un cépage plutôt tardif. Tout le raisin sera rentré et les vinifications dureront alors trois semaines, un mois. 

 

C’est une date habituelle pour finir ? 

Cette année, c’est précoce à cause de la sécheresse. Il y a quinze jours, soit trois semaines d’avance selon les coins de l’appellation. Lorsque la vigne a débourré, nous étions sur une période normale, mais avec les premières chaleurs de mai, où la température est rapidement montée à 35 degrés, la vigne a poussé très vite. 

 

Combien de bouteilles sont-elles produites par an ? 

150 000 par an sur une bonne année, et tout est valorisé en bouteille. Nous ne faisons pas de vin en vrac ou en cubi. Mon oncle s’est installé en 1981 sur la propriété achetée par mon grand-père. Il n’y avait à l’époque que quelques hectares de vigne, pas de bâtiment, le raisin était vendu à la coopérative et il n’y avait pas de vinification. On a aujourd’hui trente-cinq hectares de vigne en agriculture biologique et une cinquantaine de brebis qu’on fait pâturer dans la vigne tout l’hiver pour l’entretien des sols et de l’herbe. Nous sommes en enherbement naturel ; mon oncle et ma tante ont été des précurseurs de ce point de vue puisqu’on se rend compte ces dernières années que c’est ce qui adapté pour que le sol reste vivant. 

 

Quand a eu lieu le passage au bio ? 

Le passage au biologique date de cette année (la conversion des parcelles prend trois ans). Nous avions déjà eu une partie en bio, avant qu’on ait dû délaisser momentanément le label pour des raisons techniques. C’est de nouveau sur les rails !

 

Vous représentez la nouvelle génération, quelles innovations avez-vous apporté avec votre cousin Grégoire ? 

De manière certaine, nous nous occupons davantage que nos parents de tout ce qui est outils de communication digitale, trouver et prospecter de nouveaux marchés, aborder l’export ou la commercialisation du vin. Cela dit, ils ont été assez visionnaires sur des pratiques techniques, culturales, et on est assez fiers de le dire. Le côté « bon sens paysan », soucieux de ne pas faire souffrir les vignes, ils en sont pourvus depuis le tout début. Mon père et mon oncle nous ont transmis beaucoup de choses et continuent à nous enseigner les bons gestes. A l’époque, en 1980, quand mon oncle a monté le cheptel de brebis, tout était désherbé au glyphosate à croire que tout le monde avait des parts chez Monsanto ! Les gens lui disaient qu’il allait tuer sa vigne en l’enherbant, ça ne se faisait pas du tout. Aujourd’hui, les gens reviennent à cette pratique.

 

Avez-vous des difficultés à trouver de la main d’œuvre pour les vendanges ? 

Ce sont des tracteurs qui passent entre chaque rampe. Les plants sont implantés avec des espacements de 2m40. Les brebis s’occupent de désherber. En Occitanie, ou dans le Sud-Ouest, il n’y a pas d’herbes dans les vignes donc c’est plus facile de se passer de désherbant quand on n’a pas d’herbe que quand on est envahi par l’herbe. Je vendange majoritairement à la machine donc je n’ai vraiment pas besoin de vendangeurs, sauf pour quelques parcelles. Pour celles-ci, j’ai réussi à trouver les quinze personnes nécessaires à l’aide des vignerons alentours et de l’AOP Fronton pour les quatre hectares que nous vendangeons à la main. 

 

Quelles sont les caractéristiques de l’AOP Fronton ? 

L’AOP date de 1986, c’est une appellation sur les rosés et les rouges. La principale composante du cahier des charges, c’est que la moitié des vignes doit être plantée avec le cépage négrette, cépage autochtone du Frontonnais. C’est la seule appellation dans le monde à le valoriser et dans un vin la négrette doit être prépondérante. C’est un cépage rouge avec une faible acidité, doté d’une palette aromatique très variée, très « enivrante » car très expressive, avec des arômes de violettes, de mûres sauvages, de cassis, tous les petits fruits noirs, et sur des négrettes avec un peu plus d’élevage, un peu plus complexes, des registres réglisse, assez appréciés dans les vins rouges. Les plants de négrette ont été vendangés en début de semaine dernière, du 10 septembre jusqu’au 20 environ.

 

La ferme du Domaine Le Roc

Les exportations représentent un marché important. Comment faites-vous pour parvenir à ce résultat ? 

Nous effectuons pas mal de missions de prospection, aux USA, en Irlande, au Canada, etc. Le Domaine Le Roc a la chance d’avoir bonne presse dans la presse spécialisée dans le vin français, qui est beaucoup scrutée à l’étranger. Le prestige du vin français à l’étranger en effet ne faiblit pas et je me fais souvent contacter par des importateurs qui nous disent qu’ils ont lu tel ou tel article sur le domaine ou sur une cuvée. Ça a commencé comme ça pour la Suède et pour le Japon. La presse spécialisée dans le vin est un vrai gage de qualité.  Les exportations représentent 25% des ventes. 

 

Quel est votre avis sur la mode des vins nature ? 

C’est comme tout, il y a du bon et du moins bon : ce n’est pas un gage de qualité. Je fais un vin nature pétillant -ce qui est plus simple que de travailler un « vin tranquille »- qui est je pense assez bien fait mais je ne me sens pas encore assez calée techniquement pour les autres et pour qu’ils soient assez rentables dans le commerce. On pourra le déguster à La Baule

L’expérience client, dans le vin c’est important ? Ou qu’importe le flacon pourvu qu’il y ait l’ivresse ? 

Quand on réalise soi-même un produit, c’est d’une importance toute particulière. L’expérience d’un client qui vient et visite le domaine n’aura rien à voir avec celle de quelqu’un qui entre chez un caviste au hasard. Les dégustations au domaine ont une influence très positive sur son expérience. Par exemple, la mémoire olfactive entre beaucoup en jeu dans nos dégustations et le client va faire l’expérience d’un moment privilégié qui va conditionner son rapport à la marque. Et, grâce à notre site, aux outils digitaux, notre action quotidienne sur Facebook, Instagram, on essaie de valoriser cela le plus possible. Ce qui ne marche pas trop mal. Il m’arrive fréquemment de recevoir un message de quelqu’un qui a découvert nos bouteilles chez un caviste, dans un restaurant, sur les réseaux sociaux pour me dire à quel point il avait eu une bonne expérience avec une de nos cuvées.

 

Le packaging, c’est le nerf du négoce aussi, non ?

On a fait souffler un petit vent de modernité sur ces sujets.  A notre arrivée, nous avons créé une cuvée d’entrée de gamme en soignant cet aspect-là. Mais ça reste un travail collectif et familial. On dit que 30% des bouteilles de vin vendues le sont grâce à l’étiquette. Pour le client qui voit notre travail, cela s’étend aux brebis qu’il aperçoit dans la vigne, le caractère bio, familial, artisanal. Tout cela fait qu’il déguste le vin avec un a priori très positif. Mais pour un client qui se retrouve chez un caviste en Bretagne, sans être conseillé, alors que nos bouteilles se retrouvent noyées dans un étalage de 500 autres références, il faut savoir se démarquer. L’étiquette va donc être cruciale, avec l’appellation, en dehors du prix, bien sûr !

50% de la production est distribuée chez les cavistes, comme les caves Nysa à Paris, et restaurants en France. 

Propos recueillis par Benoit Hoquet.

 

Photo de une : Réunion de famille - Domaine Le Roc

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