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La délocalisation de call-center qui aura marqué l'histoire de France

Publié le 03 juillet 2024 à 13:00 par Magazine En-Contact
La délocalisation de call-center qui aura marqué l'histoire de France

De l'argent public peut-il être fléché vers des prestataires de BPO marocains, choisis parce qu'ils sont moins chers et efficaces ? En plein été 2012, le STIF, le Syndicat des Transports d'Ile de France, émet un appel d'offres afin de sélectionner le prestataire de service client qui va assurer le traitement des demandes des voyageurs. Webhelp, co-dirigé par Frédéric Jousset, perd ce marché dont il était détenteur depuis 2006, au profit de B2S, devenu depuis Konecta. L'affaire fait grand bruit et va susciter des procès, des dizaines de passages en télévision, dont au journal de 20h, du médiatique co-fondateur de Webhelp et de son concurrent, Maxime Didier. Les deux ont depuis pris leur retraite, du moins leur retraite d'un secteur qui s'avère très usant.

Maxime Didier

Alors que la délocalisation d’un service de call center du syndicat des transports d’Ile-de-France au Maroc suscite la polémique, leJDD.fr passe décrypte la manière dont la région francilienne, sous l’égide du PS, a été amenée à choisir cette offre “low cost”.

A l’heure où le gouvernement bataille pour tenter d’enrayer la multiplication des plans sociaux, la possible délocalisation d’un service de call center pour le compte de l’Ile-de-France au Maroc suscite la polémique. Et pour cause, Jean-Paul Huchon, à la tête de la région francilienne, est socialiste. Et à ce titre, cette délocalisation – annoncée vendredi dans Le Parisien -, fait mauvaise figure, alors qu’Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, multiplie les interventions pour conserver un maximum d’emplois en France. Au total, ce sont 80 emplois qui seraient menacés, selon Frédéric Jousset, coprésident de Webhelp, qui disposait de ce marché depuis 2006. “Nous n’avons pas d’autres solutions que d’envisager un plan social”, a-t-il argué dans Le Parisien, tirant ainsi la sonnette d’alarme et pointant indirectement du doigt le conseil d’administration du Stif, qui n’a pas retenu son offre.

Qui est donc fautif? Pour Pierre Serne, vice-président de la région Ile-de-France en charge des Transports, l’institution a fait son travail dans les règles. “Initialement, nous étions très content du travail effectué par Webhelp et nous voulions même les reconduire. Leurs employés devaient conseiller au téléphone des bénéficiaires du RSA ou du CMU concernant leurs droits dans les transports. Ils avaient acquis un véritable savoir-faire dans ce domaine”, explique-t-il au JDD.fr. Mais pour ce type de contrat, la collectivité a l’obligation de passer un appel d’offres. Et à son terme, la meilleure offre se révèle ne pas être celle de Webhelp. “A ce stade, nous avons ralenti la procédure, mais si nous avions choisi Webhelp, l’affaire se serait terminé devant les tribunaux, et nous aurions été accusés de délit de favoritisme”, justifie le vice-président de la région.

Frédéric Jousset

“Un coût moyen inférieur de 25%”

D’après Manuel Jacquinet, rédacteur en chef de la revue En-Contact et chargé de mission auprès de Jean-Louis Borloo en 2004 pour développer la filière des centres d’appels en France, “le contrat que s’apprête à notifier le Stif à son nouveau prestataire est d’un montant annuel de 3 millions d’euros, avec un engagement sur plusieurs années”. Au JDD.fr, il souligne que le service ne sera pas intégralement délocalisé au Maroc : “La moitié des prestations environ y seront traitées, sachant que le coût pour ce type de service y est 50% moins cher qu’en France. Mais l’autre moitié sera bien traitée dans l’Hexagone.” Au final, cette opération permettra donc au Stif de bénéficier d’un coût moyen inférieur de 25% par rapport aux prix pratiqués dans l’Hexagone.

D’après Pierre Sterne, c’est en faisant ce constat que Jean-Paul Huchon décide d’écrire une lettre à Arnaud Montebourg pour lui expliquer le problème. Le 11 juillet, le président de la région Île-de-France explique ainsi au ministre que “le Stif n’a pas eu le choix”, selon l’AFP. Et pour cause : “la rédaction actuelle du Code des marchés publics, issue des directives européennes, ne permet pas de favoriser l’exécution de prestations sur le territoire national, voire européen”, écrit Jean-Paul Huchon. Avant d’appeler à une “véritable réflexion à ce sujet”.

Le magazine En Contact #132

Webhelp est très implanté au Maroc

Pour Pierre Serne, Frédéric Jousset se montre donc “vraiment de mauvaise foi” en pointant – indirectement et via la médiatisation de cette nouvelle – la responsabilité du Stif dans les coupes d’effectifs annoncées. Dans Le Parisien, le coprésident de Webhelp a évoqué la suppression de 80 emplois et la fermeture de deux centres d’appels à Fontenay-le-Comte (Vendée) et à Saint-Avold (Meurthe-et-Moselle) pour compenser les “deux à trois millions d’euros de chiffre d’affaires annuel que générait cette activité”. De plus, comme le rappelle Manuel Jacquinet, “Webhelp a l’habitude de recourir à de la main d’œuvre dans les pays à bas coût pour décrocher ses contrats”. Et notamment au Maroc : sur la page d’accueil de son site Internet, la société, qui dit employer “10.000 personnes dans différents pays”, précise bien son implantation dans les villes de Rabat, Fès, Agadir ou encore de Kénitra.

Par ailleurs, Manuel Jacquinet juge que Webhelp aurait dû envisager la perte de ce contrat : “Dans ce secteur, pour des raisons de concurrence, il est peu courant qu’une collectivité accorde deux fois de suite le même contrat à la même société.” Reste qu’aux yeux des acteurs sondés par leJDD.fr, ce dossier illustre la nécessité de lancer un vrai débat aux niveaux national et européen concernant le marchés des call center. Et également de la manière dont les collectivités locales sont contraintes de passer leurs appels d’offres. Pierre Manière – leJDD.fr – vendredi 27 juillet 2012

Depuis cette affaire, B2S est devenu Konecta et Webhelp devenu Concentrix. Lisez ici le reportage publié sur RS 9, le nouveau site ouvert par le numéro 2 mondial à Rabat. 

 

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