«Je gère et développe une plateforme de voyants à distance. Et je n’ai pas de problème avec ça»

“Les voyants sont les médecins de l’âme. On ne va pas cracher sur le business là où il est”. Wengo est une sorte de Doctolib de l’astrologie et met en relation des particuliers qui désirent consulter un voyant, un astrologue, avec un professionnel ou une star du secteur. En prenant une commission.
Si vous désirez par exemple bénéficier de l'écoute et des conseils de Charline de Savoie, medium et thérapeute de couple, il vous en coutera 3,50 la minute, pour accéder à une vie de couple épanouie. 99, 8% des clients de Charline sont satisfaits.
Anne-Fleur Saraux est rentrée stagiaire dans l’entreprise, elle en est désormais DG et associée. On est allés, dans l’été, la rencontrer, pas loin de Pigalle. Pour comprendre pourquoi on quitte parfois un grand prestataire du BPO, Concentrix, pour un plus petit, a priori plus agile ? Pour comprendre à quoi peut servir le speech analytics dans ce métier.
Pour lui demander également si le business de la voyance est plus respectable et profitable qu’un autre.

Wengo est la plateforme qui aide des particuliers à convenir d’un rendez-vous et d’une consultation avec une astrologue, une voyante.
On peut avoir fait une grande école d’ingénieurs et se retrouver dans un business bien éloigné du conseil, du M/A ou de la finance. C’est le cas d’Anne Fleur, qui a débuté par un stage au sein de l’entreprise qu’elle a finalement rachetée avec ses associés en 2018. « Je venais du conseil où j’avais débuté ma carrière, chez Bearing Point. A la fin de la mission, qui devait durer le temps du stage, mon boss m’a fait une remarque qui a décidé de la suite des évènements. On est
Le doute.
Je me souviens d’avoir un jour appelé un des fondateurs pour lui dire : le marché sur lequel on intervient est sale. Il faut qu’on arrête. C’était après un salon professionnel au cours duquel j’avais rencontré certains de nos clients, en détresse émotionnelle, forte. Il y avait sur le salon des exposants dont le métier consistait à utiliser cette détresse, à promettre des solutions. Mais je me suis rendu compte que la pratique de notre métier pouvait nous permettre d’avoir notre place respectable sur ce marché de la mise en relation, si nous mettions des garde-fous. Ce que nous faisons.
Il ne faut pas oublier qu’en réalité, le premier métier de Wengo a été de créer un outil technique de voix sur IP pour assurer ces mises en relation.
La génération de leads, la détection et la séduction des prospects, l’obtention du consentement.
Comme beaucoup d’entreprises, on travaille avec Google, du référencement et également de la génération de leads ou des tiers. Ils laissent alors leurs coordonnées et nous les rappelons pour leur expliquer le fonctionnement de Wengo. Bien sûr, le consentement est recueilli et de façon explicite.
Vous venez de changer de prestataire en matière de BPO.
On a collaboré longtemps avec un des très grands acteurs mondiaux, Concentrix, avec lequel la relation était devenue peu satisfaisante, peut-être en raison de leur taille, de leurs enjeux. Lors d’un salon professionnel, j’ai rencontré Onepilot dont l’approche et le modèle économique m’ont séduite. Ça faisait deux ans que je songeais à élargir ou changer de prestataire pour en dénicher un avec lequel nos intérêts seraient alignés.
J’ai bon espoir car leur approche technique et organisationnelle est moderne mais ce dont j’ai envie, c’est qu’ils restent proches de nous et réactifs, même après la période de démarrage. Dans cette phase, le prestataire se met toujours en quatre pour assurer proximité et réactivité, ce qu’on n’avait plus récemment.
NB: l'entreprise collabore également avec un autre prestataire, localisé au Portugal et qui fait lui aussi appel à des travailleurs indépendants: BestCall.
Le monitoring de la qualité, grâce au speech analytics.
On l’utilise en effet et avec notre propre solution, que nous avons développée. Nous le faisons de façon systématique. Ceci a remplacé toutes les études marketing que nous faisions ou contrôle de la qualité. Récemment par exemple, j’ai voulu comprendre pour quelles raisons une voyante était souvent mise en avant sur la plateforme, un peu priorisée. J’ai voulu m’assurer que d’autres profils de voyantes étaient bien proposés aux clients, ce qui était le cas. Le grand bénéfice du speech analytics en mode systématique est que vous ne travaillez pas sur des échantillons mais sur la totalité des conversations. Vous n’avez pas de doutes du coup lorsqu’il faut faire des constats ou prendre des décisions. Avec du QM en mode picking, demeure toujours un doute, que les appels que vous avez écoutés ne soient pas représentatifs.
Nos chemins vont se recroiser. Histoire d’un parcours atypique
Vous avez fait une grande école d’ingénieurs, Ponts et Chaussées et vous voilà à organiser des rendez-vous, à diriger une plateforme qui monétise ces mises en relation. Est-ce que vous osez le dire dans les dîners ?
Mon parcours est atypique. Je suis arrivée chez 9 Télécom, pour une mission, déléguée par Bearing Point, où j’étais en stage. Au départ, le travail consiste à développer un logiciel de voix sur IP, rien de sulfureux. On parvient à le faire marcher techniquement, mais pas d’un point de vue business. On a étudié la perspective d’ubériser le marché de la messagerie rose, puis celui de la voyance.
Et là, ça a décollé. Jean Bernard Lévy, le patron de l’époque, a calmé nos doutes éventuels avec quelques mots bien sentis : les voyants sont les médecins de l’âme. On ne va pas cracher sur le business là où il est !
Pendant des années mon quotidien n’a pas été la voyance, mais bien celui d’un ingénieur, qui travaille avec des développeurs, s’occupe du produit, de l’expérience utilisateurs, des interfaces. Et du rachat de sociétés. On en a racheté douze en deux ans.
Notre métier a été en fait de créer un nouveau Pages Jaunes, d’organiser des mises en relation et c’est sur la voyance que ça a le plus marché. Les Pages Jaunes qui n’ont pas trop réussi à prendre le virage du digital, malheureusement.
Le rachat par Bolloré
Après cette phase intensive de rachats, Bolloré nous a demandé de travailler non plus sur le développement de sociétés rachetées mais sur la rentabilité. Une partie des fondateurs historiques est partie et on a focalisé nos efforts sur le développement de la rentabilité, tout en veillant à faire notre métier de façon éthique.
Il n’y a pas de toute façon de business vertueux et d’autres non, c’est la façon dont vous exercez votre métier qui crée la distinction et les garde fous que vous mettez.
Le plus dur, ce sont les vents contraires.
Vous êtes à la tête d’une PME, associée. Qu’est-ce que vous vivez comme particulièrement difficile dans le développement d’une entreprise, en France, en 2025 ?
Les vents contraires, le durcissement de la législation, du réglementaire, qui rend de plus en plus délicat l’atteinte d’un équilibre économique. Nos coûts d’acquisition peuvent par exemple augmenter de façon significative, comme ces dernières années, alors que le CA moyen par consultation plafonne ou diminue. Toutes les réglementations sur le GDPR doivent être intégrées. Les URSSAF veulent assoir leur taxe à nos voyantes sur la totalité des revenus d’auto-entrepreneurs, sans défalquer les commissions que nous prenons et qui obèrent ces revenus. Toutes ces actualités créent des contraintes fortes à la rentabilité. Alors, on compte les sous, on fait le dos rond ; convaincus qu’il faut tenir dans la durée, avec la boîte et les collaborateurs. Qu’il faut traverser la crise.
L'histoire de Wengo, racontée dans les Echos.
Des appels téléphoniques surtaxés mis à l'heure d'Internet. Pour contacter un conseiller en informatique, une voyante ou prendre des cours de langues étrangères, Wengo propose aux internautes un service de téléphonie payant. Créée en 2005, la société avait levé 11 millions d'euros, contre 67 % de son capital, auprès de son investisseur historique le fournisseur d'accès Neuf Cegetel. « Pour notre second tour de table, nous avons levé 6 millions d'euros auprès de Ventech et Neuf Cegetel », explique David Bitton, PDG de Wengo.
La société a pivoté depuis.
Pour découvrir les autres épisodes de la série: Dans les pizzini de, c'est ici.
Propos recueillis par Manuel Jacquinet.