Le magazine indépendant et international du BPO, du CRM et de l'expérience client.

Sadri Fegaier est passé maitre dans l'art de convaincre en trompant sans mentir

Publié le 02 octobre 2024 à 12:00 par Magazine En-Contact
Sadri Fegaier est passé maitre dans l'art de convaincre en trompant sans mentir

“Sadri Fegaier est passé maitre dans l'art de convaincre en trompant, sans mentir”. 

Anne Proust, la procureure de la République résume en une phrase lapidaire les exactions du patron de la SFAM. A 13h55, en salle 2 du tribunal de Paris, le représentant de l'Etat entame son réquisitoire, après plus de sept jours d'audience au cours desquels les clients abusés de l'empire Indexia ont décrit leurs souffrances et les montants incroyables qui leur ont été prélevés.

Huit minutes après, la même procureure rappelle que le dirigeant de SFK Groupe et de ses sociétés satellite avait déjà signé une transaction, de dix millions en 2018, qu'il a donc déjà été averti et reconnu les faits. Mais le cavalier fou, adepte de Jumpings, a continué et même augmenté la cadence des prélèvements sur ses millions d'assurés.  

“On a bien pris en compte votre demande”. A 14h04, comme pour donner une bonne idée du soin apporté aux détails de ce qu'elle appellera plus tard “un business model frauduleux”, Anne Proust prononce la phrase que devaient répéter les téléconseillers qui répondaient aux milliers d'appels qui leur parvenaient, lorsqu'un assuré appelait les centres d'appels pour mettre fin aux prélèvements indus.

Banc de gauche, sept avocats défendent un Sadri Fegaier parfois à l'écoute, tandis qu'à leur droite, neuf avocats dont Emma Léoty défendent les clients ou les syndicats. Le héros du jour, c'est B Appli, le logiciel développé par la SFAM, qui consignait et automatisait les actions de rétention des clients et maintenaient actif le contrat.

Dix-huit mois de prison ont été requis, parmi les autres demandes, les condamnations maximales pour ce genre de délit. Le jugement sera rendu le 17 décembre.   

“Indexia, le scandale qu’Ardian et Bpifrance n’ont pas su éviter”, Les Échos, Anne Drif et Amélie Laurin.

“Après la mise en liquidation mercredi des dernières entités du courtier en assurances accusé de fraude, le rôle des actionnaires historiques interroge”. Dans un article très factuel des journalistes Anne Drif et Amélie Laurin, Les Échos publient ce jour, vendredi 24 Mai, un résumé instructif des interrogations que soulève la chute de la galaxie Indexia et de son fondateur, Sadri Fegaier. Un 52 minutes serait parallèlement à l'étude chez France Télévisions. On n'a pas fini d'entendre parler du plus jeune milliardaire de France. Et de ses pratiques.  

(…) Des centaines de salariés sans emploi, des milliers de clients lésés par des pratiques abusives puis mercredi la liquidation judiciaire. Et en septembre, un procès au pénal contre son président Sadri Fegaier. Qu’ont fait les co-actionnaires du courtier en assurances Indexia( ex-SFAM) ces six dernières années ? Auraient-ils pu éviter ce naufrage XXL ? Leur rôle interroge. Surtout quand il s’agit du plus gros fond de private equity français Ardian et de la banque publique Bpifrance.

Ardian a joué un rôle clé dans l'ascension de Sadri Fegaier (..) C'est Ardian qui en février 2018 a mis un ticket de 200 millions d'euros dans le courtier en assurance, le valorisant alors 1,7 milliard d'euros au total. Dans le même temps, il soutient le patron avec le fonds de dette ICG dans son ascension au capital de FNAC Darty, qui distribue déjà ses assurances (..)

Marge mirobolante, croissance fulgurante : en entrant au capital, Ardian met en avant une hausse d'activité de “ 2500% en cinq ans”. Séduit, le gérant renonce à des droits de gouvernance contre certains éléments de compensation financière.

Achetez Les Échos, si vous n'êtes pas abonné. Lisez l'article. Il reste des kiosques, des possibilités d'abonnement digital à tarif étudié !

Un 52 minutes sur France Télévisions ?
Sur la place de Paris, deux ou trois spécialistes ont été sollicités ou consultés par les fonds évoqués pour travailler sur des points techniques des missions de due diligence juridique, fiscale, stratégique, marché, à partir de 2016 et jusqu'à 2018. Ils ont rendu leur copie et indiqué à l'époque que:

  • les taux de sinistralité de la SFAM étaient étonnants, par rapport à ceux constatés chez les concurrents.
  • que la génération de cash était de l'ordre du jamais vu.
  • Que les process d'acquisition des nouveaux assurés étaient eux aussi stupéfiants, notamment chez le partenaire Fnac-Darty, principal et rassurant canal d'acquisition.

Que s'est-il passé alors? Y a-t-il faute répréhensible lorsqu'on vous propose une affaire qui semble séduisante, voire très profitable ? Une concurrence vivace existait, que Sadri savait encourager, entre les différents partenaires désireux d' être invités au capital de la SFAM..

C'est l'une des questions auxquelles le juge d'instruction désigné dans le dossier pénal devra tenter de répondre. Il lui faudrait identifier ces spécialistes et leur poser une question simple: chez Ardian, Bpifrance, voire chez d'autres partenaires, qui a su et quand qu'il n'y avait pas de martingale mais probablement une véritable escroquerie ? Fallait-il, de par la législation qui encadre son métier ou sa pratique, s'abstenir ? 

Et si la justice ne va pas suffisamment vite, la médiatisation du scandale XXL et le nombre de victimes a éveillé l'intérêt d'autres protagonistes. 

Follow the money. 

Aux dernières nouvelles, un 52 minutes serait parallèlement en cours d'étude, chez France Télévisions. La télévision, un juge, des consommateurs lésés, deux liquidateurs sont désormais en charge d'éclairer les zones d'ombre signifiantes de la chute de l'empire Indexia. Pendant ce temps-là, loin du tumulte, un homme est au travail et semble aller bien plus vite que la justice. Il a découvert ce qu'il faut chercher désormais: l'endroit où dort le magot de Sadri, une partie de celui-ci, car un milliard ou ce qu'il en ruisselle, ça ne disparait pas comme ça. Et pour ça, il y a des banques ou établissements moins regardants que d'autres. 

Le rôle des centres de contacts dans le dispositif.  

Indexia et les sociétés satellites, tel SFAM, Hubside ont sponsorisé les Jumping de Valence et de Grimaud. 

Dès 2016, puis en 2018, notre journal a tenté de prendre sa part dans l'explication du succès étonnant d'Indexia. Du fait notamment du rôle majeur des call-centers dans le système du cavalier Sadri Fegaier: notre magazine avait alors publié un article qui posait, peu ou prou, la même question que Les Échos ce jour.  

Les call-centers prestataires de la SFAM, que Sadri Fegaier a ensuite rachetés, tels ceux de B2S, devenu Konecta, d'Armatis ensuite, ont constitué un élément décisif dans le maintien de la mécanique de rétention des “assurés” d'Indexia, de la SFAM,  de Foriou: des milliers de télé-conseillers y recevaient des appels de clients désirant se désabonner des services facturés chaque mois. Ils avaient comme consigne  “d'endormir” ces derniers, de leur annoncer que la résiliation allait être prise en compte. Un logiciel, qui est déjà et sera au coeur de l'enquête, développé par le groupe Indexia, permettait d'automatiser à quel moment du parcours client et à partir de quel type de plaintes reçues et enregistrées il convenait d'accéder à la demande du client irrité. Tant que le mot plainte, LRAR n'était pas prononcé et étayé par des courriers ou documents factuels, une consigne prévalait: procrastiner. 

Les enquêteurs de la DGCCRF et de Bercy, dont des policiers, tenaces, sont parvenus à trouver une trace de ce logiciel et à en prouver l'existence et l'utilisation. Le caractère intentionnel de cette rétention forcée d'assurés est désormais avéré. La SFAM et Sadri Fegaier avaient tout d'abord contesté la légalité de la saisie de ces pièces, opérées au siège du groupe, à Romans-sur-Isère. La cour de Cassation a statué et déclaré ces pièces recevables.

Les derniers mois. 

En avril 2023, Stéphane Peu, député, “interroge le Ministre de l'économie et des finances sur la participation de Bpifrance dans le capital d'une entreprise condamnée à plusieurs reprises par les tribunaux”. Question 6853 au Ministère de l'économie. En octobre de la même année, Bpifrance se retire du capital d'Indexia Group. Quelques mois plus tard, Mubadala et Ardian démissionnent du conseil de surveillance. 

Passé un certain stade, et comme dans le film Margin Call de J.C Chandor, il ne reste plus en effet aux associés historiques qu'à tenter de disparaitre de l'histoire, en liquidant leurs positions. Chez Ardian, on a compris que les 200 millions d'euros investis en 2018 étaient perdus. Selon nos informations, le petit prince de l'assurance affinitaire, le surnom qui a été donné par quelques journaux à Sadri Fegaier, aurait refusé que son actionnaire historique cède ses actions pour 1 euro. La SFAM, même rebaptisée, un sacré sparadrap ?   

La conformité des ventes faites par téléphone dans le monde de l'assurance, l'analyse automatiques des enregistrements de conversation, telles celles de résiliation des abonnements, est désormais possible et utilisée, améliorée grâce à l'IA générative. Utilisée par des courtiers vertueux, et qui n'ont rien à se reprocher, tels Magnolia, Santiane, etc. Plus d'infos, le 11 Juin, lors du New Biz Forum, à Paris. 

Manuel Jacquinet. 

 

A lire aussi

Profitez d'un accès illimité au magazine En-contact pour moins de 3 € par semaine.
Abonnez-vous maintenant
×