Les néo-banques adorées par les bandits, courtiers indélicats dont Sadri Fegaier
Qu’est-ce qui explique parfois le succès et la croissance de certains établissements bancaires, Fintech ? La grande latitude qu'ils s'autorisent dans la mise en place des procédures de contrôle et de KYC (Know Your Customer) qui leur sont normalement imposées par les législations. Et les tribunes faciles que constituent et procurent certains médias, presse, chaines d'information continue, où rien n'est contrôlé, fact-checké ?
Dans un monde de plus en plus ouvert, il importe de savoir avec quel partenaire on s’engage et à qui on confie ses avoirs. D'accepter peut-être, de payer pour savoir ce qui est vrai, faux, ou le service qui est délivré. De prendre le temps.
N26, Revolut, Solfea, Banking Circle..
Hier la néobanque N26 s’est vu infliger par la BAFIN une deuxième amende de 9,2 millions d’euros, une sanction qui s’ajoute à celle déjà reçue dans le même pays et prononcée en 2021. Pourquoi cette amende? Parce que la banque n’est pas suffisamment vigilante et rigoureuse dans l’application des mesures de lutte contre le blanchiment d’argent sur sa plateforme, indique l’autorité de contrôle. Très concrètement, N26 accepte d’ouvrir des comptes sans avoir vérifié tout ce qu’elle doit “checker” sur un client et les flux qu’il apporte. Elle y gagne on suppose en coûts de gestion.
Pour avoir voulu ensuite se remettre dans le droit chemin, N26 a alors mis un grand coup de barre à gauche, se mettant en France à fermer des comptes sans raison, explications, et à geler les avoirs de ses clients honnêtes, car il y en a de nombreux. Résultat, le groupe Facebook “arnaqués par N26” est riche de centaines de membres qui se partagent les bons tuyaux pour tenter de savoir comment on fait comprendre à un bot anémié et peu intelligent pourquoi .. il faut restituer l’argent ! Car forcément, il y a derrière ces pratiques une autre habitude, celle d’automatiser à tout va le service et la relation client. Sans être aussi lacunaire, Revolut a également fermé de nombreux comptes bancaires, précisément pour ne pas subir les mêmes foudres que sa concurrente. La précaution peut parfois être radicale : tous les détenteurs de compte ayant utilisé ce dernier pour acheter ou vendre de la crypto en p2p ont été flaggés, en même temps que ceux qui sont en relation avec eux.
Il y a dix ans Solfea, l’ex Petrofigaz, fût parfois embarquée dans des affaires louches, contre son gré, parce que cette ex-filiale de Engie et de BNP Paribas Personal Finance est spécialisée dans la conception et le financement d’équipements pour économiser l’énergie. Quelques vendeurs et installateurs de panneaux solaires qui refinancent l’installation qu’ils ont vendue à un Factor ont souvent travaillé avec Solfea. La banque existe toujours, est une filiale à 100% désormais de BNP Personal Finance.
La BTR, la Banque Terrienne Russe et Ouest ont été deux banques également très compréhensives sur l’application de la législation. Elles ont été connues après qu Alexandre Gregoriev les a mises dans la lumière. L’homme d’affaires y aurait déposé et fait transiter et blanchi plus de 20 milliards de dollars, entre 2010 et 2014. En mars 2014, la BTR se fait retirer sa licence.. En Lettonie, ABLV a été forcée à la faillite après qu'un ministre du Trésor américain a mené des opérations de contrôle rigoureuses et prouvé que le blanchiment d'argent sale était au coeur du business model de la banque. Quelques années plus tard, la banque RIETUMU, installée en Lettonie également, sera l'une de celles largement utilisées par les escrocs impliqués dans la fraude à la TVA sur le CO2.
Gagner du temps, être hassle free ?
Alors, si l'on vous propose demain d'effectuer un virement urgent sur Banking Circle ou Revolut, N26 ou d'autres, prenez le temps de savoir à qui vous avez affaire et de vérifier la consistance de l'opération, du service qu'on vous propose de régler. Certes, une grande partie des opérations gérées par ces fintech, néo banques est conforme. Mais ce sont également celles qui sont, à cause de leur modèle économique, les plus légères en matière de contrôle et de KYC. Leur modèle économique incite à consacrer une grande partie de leurs ressources à l'acquisition de clients, le Growth, dans le jargon. Or, le gain de temps que pensent effectuer clients, banquiers, journalistes a son revers :
— Début 2023, Revolut a été condamnée par un Tribunal du sud de la France pour avoir autorisé deux paiements urgents, pour une somme de 84000 euros, demandés par de feux courtiers. La banque n'a pas procédé aux vérifications qu'aurait dû susciter le montant du paiement.
— “De nombreuses start-up à travers le monde se construisent sur cette promesse de gain de temps. Le temps, c'est de l'argent". Médiatique et toujours souriant, Jérémie Rosselli, le directeur général de N26 en France, est invité sur tous les plateaux, à Europe1, sur BFM, aux forums de l'ACSEL etc.. En septembre 2017, il vantait dans Les Échos les gains de temps qu'apportent les acteurs disruptifs dans de nombreux métiers. Quel journaliste le fera questionner un jour, en direct, et argumenter avec un client de N26 dont le compte bancaire est bloqué sans raison et qui s'échine à dialoguer avec un bot dopé à l'IA, le simulacre de service client en général proposé ?
Et la banque de Sadri Fegaier (Indexia) est…
L’actualité du jour, c’est la question suivante: sur quel compte bancaire les avoirs- ou une partie des avoirs de Sadri Fegaier, le fondateur de Sfam et Indexia- sont-ils planqués, bien au chaud ? Car personne sur la place de Paris -où la déconfiture du courtier en assurances ne cesse d’intriguer- ne songe un instant que le milliard de recettes ( approximativement) qu’ont généré SFAM et ses galaxies s’est évanoui. Mercredi 22 mai, le Tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de tout l'empire de l'entrepreneur de Romans-sur-Isère.
Selon nos informations, une personne dans la capitale est parvenue à identifier dans quelle banque une partie de ces sommes serait localisée. Ce monsieur est un huissier de justice. Il est en plein travail. Suivez l'argent, Follow the money, conseillait Deep Throat dans l'affaire du Watergate.
Des milliers de créanciers de la SFAM et Emma Léoty vont suivre avec intérêt les pérégrinations de E.P, commissaire de justice. Emma, c'est l'avocate qui défend les clients lésés de la SFAM et ceux de N26. Elle aussi.. est en plein travail.
Pour aller plus loin
Il y a onze ans, le 23 mai 2013, un artiste qu'on a un peu oublié, Georges Moustaki, décédait. Il a écrit, composé et chanté quelques-unes des plus belles mélodies de la chanson française dont Le Temps de Vivre.
Vous pouvez lire notre enquête sur les posteurs et imposteurs de l'expérience client.
Manuel Jacquinet.