Bousculade à l’entrée de l’ENA
Visite de l’ENA, le hub de Teleperformance à Athènes. Yannis y a imaginé et créé l’Agora de l’expérience client.
C’est à quelques actes, écrits ou paroles fortes, parfois insolites – mais que l’histoire se charge ensuite de légitimer – que l’on reconnait les leaders, les chefs de file. Découvrir et séjourner (comme nous l’avons fait) à ENA transforme le visiteur et oblige à deux précisions et deux constats. ENA – et non l’ENA – est localisé dans une capitale qui a marqué l’histoire, est une espèce de campus où l’on s’occupe de conversations et de café frais glacé. Yannis Tourcomanis est tout à la fois le concepteur et le directeur de cette université singulière, que fréquente assidûment un autre cadre du groupe, français lui : Éric Dupuy. Yannis doit y ouvrir de nouveaux espaces de restaurant et recruter quantité de « disciples » pour cause de succès mondial. Éric doit, pour sa part, faire patienter parfois des visiteurs conquis ou leur suggérer d’autres campus lorsqu’ils lui semblent plus adapté à leurs attentes ou budgets.
Un campus international pour les opérations multilingues : admission sélective, sur dossier
Autrement formulé, on peut énoncer, à la manière de Platon et Socrate que : Teleperformance n’est pas devenu numéro 1 mondial par hasard. Et que l’entreprise le demeure probablement pour être encore capable, quarante ans après sa création, d’imaginer et de faire exister ce qu’on a vu et entendu, à la fin juillet, à Athènes : une véritable agora dans le royaume des centres d’appels. Qui se mérite pourtant.
Dans la cité grecque, l’Agora était le lieu où se réunissait l’assemblée des citoyens puis elle devint la place principale de la cité : centre politique, économique, religieux autour duquel se rangeait une partie des édifices publics. Nul clin d’œil à Socrate ou au Gorgias dans les 18 000 mètres carrés qui constituent la surface totale d’ENA mais la volonté de réunir, en un seul lieu, tout ce qui est nécessaire pour satisfaire les clients des plus grandes compagnies mondiales. Éric Dupuy, directeur commercial et marketing de la zone Emea chez Teleperformance, sait précisément à quels types d’interlocuteurs ce campus est destiné et ce qui en a justifié chaque détail lors de sa construction : « Les grands champions mondiaux de la nouvelle économie, de l’automobile, du jeu vidéo, sont des experts des dispositifs de relation et de service client et qui veulent proposer des parcours clients uniques et fluides dans le monde entier ; ceux qu’ils ont peaufinés et construits petit à petit. A Athènes, ENA a été conçu pour permettre de traiter les opérations multilingues avec un niveau de détail parfaitement maitrisé. Nous y avons regroupé des agents, qui sont recrutés et sélectionnés dans tous les pays d’Europe et qui parlent nativement une langue demandée et l’anglais en sus. Nous les plaçons ensuite dans les meilleures conditions pour qu’ils soient heureux et sans aucun tracas à l’esprit lié à cette quasi expatriation ».
De fait, c’est un programme ambitieux, suivi et piloté par les équipes Human Resources qui est offert aux candidats retenus après des tests sélectifs et qui comporte tous les éléments clés pour favoriser l’installation et l’intégration : billet d’avion pris en charge ainsi que le premier séjour à l’hôtel, propositions d’animation et d’activités pour faciliter l’installation dans la capitale, colonies de vacances pour les enfants ; un dispositif digne de ce qui est généralement proposé à des salariés expatriés dans d’autres industries.
« Tous les agents, managers ici ont souvent eu au préalable une précédente expérience professionnelle étoffée. Ils viennent clairement rejoindre l’entreprise pour vivre une expérience nouvelle, dans un cadre multiculturel et international. Nous désirons nous occuper pour eux de tout ce qui pourrait les tracasser ou susciter des soucis liés à cette implantation », indique Georges A., directeur de l’un des sites. La Grèce et son climat fournissent le reste : Maria Azevedo, portugaise d’une trentaine d’années, précédemment District Manager pour Starbucks, a travaillé préalablement dans plus de 5 pays parmi lesquels les Pays-Bas, le Royaume-Uni ou son pays natal, le Portugal. Ce qu’elle est venue trouver là ? Le soleil et une ville agréable avec des gens ouverts et dans laquelle elle envisage de s’installer durablement. « It’s a bit of Portugal », indique-t-elle. L’importance du service, la culture de la satisfaction client, la difficulté à gérer et motiver des équipes, Maria connaissait déjà et n’est donc pas effrayée des standards de qualité qui lui sont demandés. Mais après avoir roulé sa bosse, la diplômée en Financial Business aspire désormais à un peu de tranquillité et à la découverte de la seule chose qu’elle n’avait encore pas connue : le foisonnement d’un campus réellement international. A préserver et disposer aussi d’un train de vie qui lui permette de faire mieux que subsister. Comme elle, quantité de salariés d’ENA sont arrivés ici parce qu’ils avaient entendu parler de l’entreprise, des conditions qu’elle propose et de la réelle opportunité offerte de vivre parmi presque 100 cultures. Des néerlandais ou d’autres nationalités, tout aussi délicates à trouver sont, comme Maria, venus découvrir ce creuset unique.
Un terrain de jeu mondial
Les chiffres donnent le tournis mais aussi la mesure du pari qu’a représenté la création d’ENA. Dès après avoir franchi les barrières de sécurité, le visiteur pénètre dans une véritable petite communauté qui rappelle soit une faculté américaine telle que Berkeley ou un monastère. Le soleil écrase l’allée centrale, vite traversée par des individus des deux sexes dont les visages et les tenues traduisent les origines diverses. Les mêmes discutent, tranquillement assis à des tables ombragées, ou sur les balcons de l’un des 6 bâtiments qui composent le campus. Plus de 36 langues sont parlées sur ENA, par des agents de 91 nationalités. Seul un même badge traduit l’appartenance à l’aventure. Au pied de chaque bâtiment, baptisé du nom d’un continent, un petit restaurant de spécialités propose boissons et plats qu’on partage dans une ambiance de campus. L’anglais prédomine, forcément, dans des conversations animées et arrosées par exemple d’un excellent café glacé.
On a retrouvé la première page d’un écrit socratique
Elle débute par une phrase qui intrigue : chaque contact compte.
« Pourquoi, me demandait un jour un membre de ma famille, David, des individus qui passent leur vie à parler et tenir des conversations, 8 heures par jour, se saisissent-ils de leur téléphone dès qu’ils sont en pause pour entamer d’autres conversations ? Ou, si ce n’est pas le cas, vont au café pour se raconter leur journée ? »
La philosophie est née en partie en Grèce. Qu’aurait répondu Socrate, qui l’a profondément marquée et influencée, à la question de David ? Sur la route qui mène du vieil Athènes au port du Pirée, malgré notre heureux et complet séjour, on n’a pas trouvé la réponse. C’était prévisible et ce n’est pas très grave. Let me tell you why :
• Existerait-elle seulement qu’elle ne serait probablement pas rédigée ou transmise par les philosophes de l’expérience client. Chez Teleperformance, les seuls livres qui importent sont les manuels de procédures. Ceux-ci recensent des principes de vie qui sont formalisés seulement après qu’ils ont démontré leur efficacité. Ce qu’on a appris, constaté depuis quarante ans chez le leader mondial tient en une phrase : « Each interaction matters ». Chaque contact compte, importe. Si des personnes, en charge de ces contacts toute la sainte journée, apprécient de converser entre eux, devant un café glacé, en short ou en tee-shirt, quel intérêt de comprendre la justification de ces conversations ? N’est-il pas plus utile d’en organiser et maintenir le cadre ?
• Comment mettre en œuvre, au quotidien et de façon durable et profitable ces principes ne s’apprend pas uniquement grâce à un livre et nécessite une longue pratique qui s’intitule l’outsourcing.
• Platon, disciple de Socrate, s’est occupé, il y a longtemps, de donner son point de vue sur une question significative. Le récit de ces dialogues s’intitule Le Banquet. Ce qui se passe à table et au café n’est donc pas anodin sur le sujet de l’amour et de la fidélité, thèmes de l’ouvrage. Ne l’oublions pas, l’expérience client n’est qu’une énième tentative, entreprise pour s’attacher durablement les clients.
Enfin et surtout, Socrate est grand mais il n’a laissé aucun écrit !
Par Manuel Jacquinet
La seconde partie du reportage sera publiée mi-novembre.
Pour découvrir et lire la totalité de ce reportage, lisez le N°106 d’En-Contact, disponible et diffusé ce soir en avant-première à la soirée Elu Service Client de l’Année.
Retrouvez tous les reportages d’En-Contact et la version anglaise de cette visite à Athènes.