Ce sont les gens qui font revenir les gens. Le logement des saisonniers
Il faut donc s’occuper de l’expérience des collaborateurs qui sont susceptibles de créer la différence. Dans l’hôtellerie, le transport, les centres d’appels, la question est tout sauf un concept creux.
De l’hôtellerie aux cabinets de conseil, un objectif : juste sélection et rétention
L’arrivée partout annoncée et espérée des robots pour remplacer vendeurs, chauffeurs de taxis ou serveurs résoudra peut-être une difficile équation : on recherche partout des personnes capables de soigner et d’être attentif aux clients, aux malades. Une fois ces rares candidats dénichés, comment les garder et s’arranger pour qu’ils contribuent effectivement à l’expérience client. Grâce à l’expérience collaborateurs. Est-ce élémentaire mon cher Watson ? Non, mais lorsque c’est mis en place avec sincérité, ça fonctionne.
A la tête d’un hôtel 4* dont elle a repris la direction, La Mainaz, au Col de la Faucille, Lucie Brindjonc a son plan stratégique bien en tête : conserver la clientèle de séminaires que lui apporte la proximité de Genève, tenter de décrocher sa première étoile pour le restaurant et sénioriser l’équipe de collaborateurs qu’elle a trouvée sur place, à son arrivée. Après une carrière étoffée à Hong Kong et dans de nombreux grands établissements, cette maman a été appelée à la rescousse par les associés qui ont repris l’établissement réputé pour sa vue incroyable sur le Mont Blanc, un argument qui ne suffit plus. « Ce sont les gens qui font revenir les gens », dit la jeune GM (General Manager) qui a eu l’occasion d’éprouver cet adage en Asie. « A Hong Kong, il y a des palaces à tous les coins de rue, or nous sommes parvenus dans l’établissement que je gérais à remplir le nôtre et à fidéliser notre clientèle. » La qualité du service et le sentiment procuré d’être à la maison, comme chez soi, sont de réelles attentes et une nouvelle tendance depuis des années, mais ils nécessitent des collaborateurs pointus, en capacité d’anticiper et de personnaliser.
« Ces mêmes facultés que vous demandez, vous devez en faire preuve, indique-t-elle, encore plus à une époque où pour une partie d’entre eux, le travail et l’engagement professionnel sont une option parmi d’autres et certainement pas un réflexe comme ce fût le cas pour les générations précédentes. Il peut arriver qu’un collaborateur pose sa démission parce qu’on lui a refusé un jour de congés, un week-end pourtant très chargé ». Ces efforts et attentions sont dénommées par les spécialistes « expérience collaborateur » ou encore la « symétrie des attentions ».
Un métier et des outils spécifiques :
Sophie Cléjan, directrice de l’expérience salariés chez Orange, la définit comme « l’ensemble des interactions que vit le collaborateur dans l’entreprise, tout au long de son parcours au sein de celle-ci et sa satisfaction avant et après son embauche ».
Certains groupes de conseil, de technologie, confrontés à des pénuries dramatiques sur des postes clés (Développeur front-end, Data-scientist), n’hésitent pas à déployer des outils pour mesurer la satisfaction de façon régulière, après des moments clés, ou à investir des sommes importantes dans l’aménagement des locaux, la nourriture vegan et le café à volonté.
Maria Azevedo, Teleperformance Athènes – © Edouard Jacquinet
Les centres d’appels en pointe sur ces sujets
Mais c’est peut-être l’industrie des centres d’appels, qui expérimente le plus ces difficultés depuis longtemps, qui a été le plus loin dans ces travaux. Chez le leader mondial du secteur, Teleperformance, qui emploie 280 000 agents dans le monde, on a eu l’occasion de tester à peu près tout, sous toutes les latitudes pour s’attacher les bons agents, planificateurs, managers de plateaux.
A Athènes par exemple, dans l’un de ses hubs européens où de très grandes marques peuvent faire assurer leur service commercial ou service client 7j/7 et en 24h/24, l’exigence dans le sourcing des candidats va de pair avec un programme de nursing parfaitement maitrisé, indique Marcos Gallegos. « Nous ne recrutons que des agents de langue native, que nous allons parfois chercher dans leur pays d’origine. Leur voyage pour venir sur place est pris en charge, les colonies de vacances des enfants le cas échéant ». La visite sur place confirme le propos et démontre le soin du détail. La localisation du site, situé en plein cœur d’Athènes, le long de la route qui mène au Pirée, n’est pas un hasard pas plus que ne l’est le choix de la ville, véritable facteur d’attraction et de fidélisation.
Maria Azevedo, une portugaise trentenaire, passée par Starbucks où elle a géré le développement européen, connaît tout des contraintes et du rythme de ces sociétés de service, focalisée sur le client et pilotées avec des KPI très exigeants. « Arrive un moment où vous avez envie de vous poser, dans une ville où vous vous voyez faire une partie de votre vie, ouverte sur le monde, internationale. Athènes est unique pour ceci et le programme déployé par l’entreprise remarquable. »
Pour les jeunes recrues, la phase souvent critique post formation initiale ne se déroule plus comme avant, loin des managers. C’est dans une aire spéciale, surélevée et à proximité de voix et d’œil que les équipiers traitent leurs premiers mails ou appels. Elle se dénomme nesting, comme si l’on parlait d’oiseaux, chers à leur mère et sur lesquels il faut veiller sans relâche.
Prendre soin de ceux qui vont prendre soin…
Par Manuel Jacquinet et Juliane Porché
NB : En station de ski, la capacité à procurer un logement peut faire toute la différence, une fois le cuisinier déniché ou le bartender.
Photo de une : La Mainaz – © DR