Augustin de Romanet, Docteur Queue d'Aéroports de Paris ?
Amélioration de l'expérience passagers et visiteurs en France. Un baromètre mensuel des temps d'attente des passagers aux différents points de contrôle de Charles-de-Gaulle (CDG) et d'Orly sera prochainement publié, ainsi que les motifs qui expliquent les temps d'attente anormaux, selon les déclarations au JDD d'Augustin de Romanet, président d'Aéroports de Paris. Tous les évènements qui auront occasionné un temps d'attente de plus de trente minutes y seront listés. Un recensement instructif, dans la perspective notamment de Paris 2024.
Recueillir l'information et la partager à ses clients, usagers, visiteurs.
Dans de nombreux lieux qui accueillent du public, des passagers ou visiteurs, ce type de mesures est à la base des stratégies d'amélioration de l'expérience client et d'information des voyageurs, visiteurs. La Tour Eiffel n'y est pas encore, Disneyland Paris oui, qui facture d'ailleurs un pass coupe-files ( Disney Premier Access Ultimate) tandis que la SNCF a amélioré l'information des voyageurs en Gares. Les parcs d'attraction déploient des stratégies et moyens considérables pour monitorer en temps réel ce waiting time.
Prendre le pouls de l'attente et en expliquer les causes, la nouveauté chez Aéroports de Paris.
Le Journal du Dimanche, le JDD, qui a recueilli les propos à ce sujet d'Augustin de Romanet, explique que celui-ci se fait très souvent apostropher sur Twitter ou par SMS en raison des temps d'attente, vécus comme insupportables. Le baromètre a permis par exemple en de savoir qu'en Janvier, la crise la plus aigüe sur cet item a occasionné une thrombose de 50 minutes en moyenne, pour 8650 passagers lors du contrôle de leur passeport ou pièce d'identité. Les raisons qui expliquent ces temps d'attente seront également et utilement partagées : elles ne relèvent pas toujours de Roissy CDG: une panne du logiciel informatique du Ministère de l'Intérieur ou des effectifs insuffisants peuvent occasionner ces délais. “Mais pour plus de 90% des passagers en Janvier, les temps d'attente n'ont pas dépassé les 10 minutes” a rappelé le dirigeant. La perspectives des JO de 2024, la volonté ministérielle et des équipes d'Aéroports de Paris semblent combinées pour expliquer cette attention de partager les données, de comprendre les motifs d'attente trop longue. Aucun communiqué de presse disponible à date sur le site officiel d'ADP ne précise la date de lancement officiel de ce baromètre, pour lequel le Ministère de l'Intérieur semble impliqué, d'après une interlocutrice du service de presse de l'entreprise.
Est-ce une nouveauté, une avancée ?
"Pas réellement, de nombreux aéroports internationaux, tels Schipol, Dublin, Cincinnati, Oslo etc affichaient déjà, en 2016, les temps globaux d'attente en temps réel à destination des passagers, ainsi que la durée de l'attente pour prendre un taxi" explique H.Caufield, spécialiste du sujet." Ce qui est très nouveau est de partager l'information sur l'origine de cette attente, si ceci est averé et de ne pas bidonner l'information. Car ça remettra l'église au milieu du village: Roissy-CDG peut par exemple être critiqué mais c'est toute une chaine d'intervenants, de matériels, tels les sas Parafe, la biométrie faciale ou le déficit de personnels à la PAF qui peuvent expliquer ces retards. Une chose est certaine et mesurée partout: le partage d'informations avec les visiteurs et passagers diminue le stress". Anticiper est le 2nd chantier majeur, sur ces sujets.
Les temps d'attente lors des formalités d'embarquement, des passages aux points de contrôle, ou pour aller récupérer son bagage sont quelques-uns des items qui fondent les classements mondiaux publiés sur les meilleurs aéroports au monde, tel celui de Skytrax. Roissy-CDG y est passé de la 6ème à la 5ème place, Orly gagnant 7 places dans sa catégorie pour se hisser à la 39 ème place.
Istanbul est l'aéroport préféré par les passagers ( Best Airport By Pax, Passengers ) dans la catégorie des gros aéroports, plus de 60 millions de passagers, Tokyo Haneda étant lui l'aéroport préféré dans la catégorie des 50-60 millions de PAX accueillis, tout juste suivi par Roissy-CDG, classé 2ème.
Le temps d'attente, la waiting line, l'item à surveiller, l'indicateur clé de l'expérience client !
Auteur et éditeur du seul livre en France consacré au sujet, Manuel Jacquinet rééditera, à la fin de l'année 2023, l'ouvrage qu'il a consacré au sujet il y a dix ans: “ Dans les parcs d'attraction, le visiteur peut, dans les mieux équipés d'entre eux, connaitre et visualiser le temps d'attente imposé pour chaque attraction et déployer ainsi des stratégies alternatives, s'il est très pressé. Certains sites d'information, tels Queue.park.com ou Queue-times.com agrègent de l'open data dans 122 parcs dans le Monde, ce qui permet d'observer les temps d'attente, quasi en temps réel. En réalité, n'importe quel commerçant, administration, gestionnaire d'un lieu touristique a intérêt à travailler sur ces items: mesure, diminution du temps d'attente ou déploiement des stratégies pour rendre l'attente moins angoissante ou douloureuse. Mais les sociologues peuvent s'y intéresser: depuis la Covid, le retour au commerce physique a permis à des citoyens, des consommateurs, de redécouvrir l'intérêt et la joie des interactions sociales. La conversation, qui peut s'engager souvent dans la queue et la file d'attente, est de nouveau à la mode et ce sera l'un des grands chapitres du livre dans sa version augmentée. Richard Larson, le Docteur Queue qui officie au MIT a ouvert la voie mais je suis certain qu'on aura des chercheurs de plus en plus nombreux sur ces sujets”
C'est à savoir : l'exemple du 4 Mars 2023.
Le 4 mars 2023, les files d'attente à Roissy-CDG et Orly se sont allongées, le trouble a été largement relayé sur les réseaux sociaux, d'autant qu' ADP et la PAF ont mis du temps à réagir. C'est une panne du système informatique d'identification des passagers qui en était la cause. Il est piloté et supervisé par la DINUM, dirigée par Stéphanie Schaer ( Direction Interministérielle du Numérique)
Le pass Disney Premier Access Ultimate, pass coupe files et toutes attraction est facturé en moyenne 120 euros par visiteur.
Dr Richard Larson, du MIT, travaille depuis plus de cinquante ans sur les files d'attente et les stratégies d'évitement, de valorisation de l'attente.
Les temps d'attente pour obtenir un rendez-vous chez le médecin, un spécialiste ou disposer d'un nouveau passeport sont régulièrement audités.
En 2012, lors des Assises Nationales de la Qualité en Aéroports, la PAF de Lyon-Saint Exupéry avait recueilli un prix. L'accueil, l'information, les contrôles et la fluidité étaient à l'époque les items mesurés et contribuant à cette mesure.
Pour éliminer le « pain point » (point de friction) de l’attente, il est parfois plus efficace de ne pas la réduire.
Mais de jouer sur la psychologie de ceux qui la subissent. C’est ce qu’a démontré l’expérience saisissante de l’aéroport de Houston aux États-Unis, lequel, pour faire chuter le nombre de plaintes liées à l’attente, a décidé de faire marcher tout le monde, littéralement.
Il y a plusieurs années déjà, la direction de l’aéroport de Houston croulait sous les plaintes des voyageurs, liées à un seul et unique problème : l’attente des bagages était insupportable. Cartésienne, la direction a fait ce que n’importe quel manager ferait face à ce type de problème, pour peu qu’on lui en accorde les moyens : recruter plus de bagagistes. Le temps d’attente moyen a alors nettement diminué et a été mesuré à sept minutes, un chiffre que beaucoup d’autres aéroports envient. Mais les plaintes n’ont, elles, pas diminué.
L’analyse de cette attente a donc été poussée un peu plus loin, et il est apparu que sur ces sept minutes, six étaient passées devant les carrousels à bagages, ces tapis roulants où l'on regarde debout des dizaines de valises défiler en guettant anxieusement la sienne. Et une seule minute pour se rendre de la porte d’arrivée vers ce hall où défilent les bagages. L’aéroport a donc décidé… d’éloigner les portes d’arrivée. Le temps d’attente total n’a pas changé, mais les voyageurs passaient désormais six minutes à marcher, et une minute à attendre devant le carrousel. Les plaintes, comme les voyageurs, se sont envolées : alors que la durée d’attente restait la même, elle n’était plus perçue comme une souffrance, un « pain point ». Parce que les voyageurs étaient distraits, occupés.
Des carrousels et des miroirs
Cette histoire rappelle l’anecdote fondatrice du wait marketing. Dans les années 1920, les gratte-ciels s’élevaient de plus en plus haut, et accueillaient de plus en plus de travailleurs. Lesquels s’agglutinaient de plus en plus nombreux et de plus en plus impatients devant les portes d’ascenseurs. Les entreprises locataires de l’immeuble ont menacé de partir. Plutôt que d’ajouter de nouveaux ascenseurs, le manager a décidé… d’installer des miroirs à côté des ascenseurs. Le temps d’attente n’a pas diminué, mais les occupants étaient désormais bien trop occupés à se regarder dans la glace pour voir le temps passer. Les plaintes ont cessé du jour au lendemain, et l'on trouve désormais des miroirs à côté des portes d’ascenseur de presque tous les immeubles de bureaux dans le monde.
Contre toute attente, par Manuel Jacquinet et Frédéric Durand, éditions Malpaso
En lire plus sur le livre Contre toute attente, ici.
Je le veux !