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Ariaferma, Cène de prison

Publié le 01 décembre 2022 à 09:10 par Magazine En-Contact
Ariaferma, Cène de prison

Le meilleur film italien de l’année 2021 (selon le Syndicat de la critique cinématographique italienne), l’un des plus nommés au David Di Donatello, est encore en salles et cumule plus de 5000 entrées. Courez vite voir Ariaferma qui parle de cuisine en prison, de la cohabitation en lieu clos et ..d’utopie. De ces endroits où peut surgir l'idée que nous sommes tous égaux.

Accroché aux montagnes sardes dans une prison vétuste en cours de démantèlement, le transfert de douze détenus est soudainement suspendu pour des questions administratives. Lagioia, un détenu qui purge une longue peine, entrevoit alors la possibilité de faire entendre les revendications de quelques détenus en sursis, dont celle par exemple de préparer en cuisine des repas faits maison, meilleurs que ceux envoyés par le “Elior” local. En face de lui, un surveillant expérimenté, Gargiulo, tente de faire fonctionner la prison, malgré l’équipe réduite, et de se conformer aux consignes données par la directrice avant son départ. A Mortana, prisonniers, surveillants et officiers inventent une fragile communauté. Admirablement interprété, le film est une métaphore passionnante sur l’époque et les questions qui la traversent : comment faire pour tenir une prison quand le courant, l'électricité vient à manquer ? La préparation minutieuse d’un repas peut-elle égayer une journée ? Que nous reste-t-il quand nous sommes emprisonnés sinon les interactions sociales, le plaisir de partager un repas ? A quel moment faut-il désobéir aux consignes pour éviter l’embrasement ? 

Distribué par Survivance, le film a réalisé, malgré un nombre de salles réduit, un score tout à fait honorable. Le 23 novembre, il totalisait 4298 entrées sur 29 copies (5264 avec les avant premières). 

 

L’art subtil de distribuer : entre raison économique et flair artistique 

Ariaferma fait partie de ces films qui ne bénéficient pas de publicité massive mais qui sont susceptibles de créer la surprise, de mobiliser une audience bien au-delà du simple succès d’estime. On pense à Ida (2014) de Pawel Pawlikowski qui, contre toutes attentes, avait franchi la barre du demi-millions d’entrées. Tár, qui sortira au début de l’année prochaine et dont le personnage éponyme est tout de même joué par Cate Blanchett, se flatte d’une moyenne de spectateurs par salle exceptionnelle aux Etats-Unis. Un sort qu’aurait pu connaître Ariaferma

Guillaume Morel, distributeur du film, dévoile les raisons qui l’ont décidé de distribuer le film : « le choix de distribution s'est fait parce que je suis le travail de Leonardo Di Costanzo depuis longtemps et que j'ai toujours trouvé son cinéma - qui questionne sans cesse les structures sociales - passionnant dans sa grande rigueur de regard et sa précision d'écriture. Je me suis assez rapidement intéressé au film quand il a été sélectionné à la Mostra. J'ai trouvé que Leonardo Di Costanzo y poursuivait ses obsessions sur le "vivre ensemble" mais avec une ambition nouvelle, en se confrontant notamment à ces deux acteurs majeurs (Silvio Orlando et Toni Servillo), à la musique et à une forme plus onirique. Je trouvais que le film s'insérait dans la lignée des grands films humanistes où un état de suspension confronte une collectivité à des dilemmes moraux, comme 12 Hommes en colère par exemple. Il y a un universalisme et une humanité dans le film qui me faisaient dire que le public serait présent » explique-t-il. Celui-ci n’a pas lésiné sur des moyens bien précis pour rendre l’expérience en salle distincte de la séance sur le canapé avec une série de séance-rencontres au Grand Action et au Majestic Bastille, animées par des critiques cinéma, enseignant, avocat. Le film est encore à l’Astrée de Chambéry, cinéma d’art et d’essai du centre-ville et au Belmondo à Nice. 

Ariaferma - crédit © Survivance

Un rêve à interpréter 

C’est ainsi que le réalisateur, Leonardo di Costanzo, définit son film en interview : « La prison de Mortana n'existe pas : c'est un lieu imaginaire, fictivement construit après avoir visité de nombreuses prisons. Dans la plupart d'entre elles, nous avons rencontré des personnes disposées à parler et à nous raconter leurs histoires. Nos entretiens se faisaient avec des agents pénitentiaires, des gardiens et des condamnés, parfois réunis ensemble. Dans ce cas-là, une atmosphère inattendue de convivialité s’installait et une compétition s'engageait pour savoir qui allait nous raconter la meilleure histoire. Il y avait des rires, aussi. Puis, une fois les échanges passés, chacun reprenait son rôle. Les officiers en uniforme, les clés cliquetant dans leurs mains, ramenaient les prisonniers dans leurs cellules. Étrangers à l’univers pénitencier, ce retour brutal à la réalité nous désorientait. C'est justement ce sentiment de désorientation qui a motivé la réalisation de ce film : Ariaferma ne traite pas des conditions de vie dans les prisons italiennes. C’est plus probablement l'absurdité de la prison elle-même que questionne le film »

C'est à savoir et méditer ?

A fin Octobre en France, 72350 personnes sont encellulées, chiffre historique. Le nombre de prisonniers devant dormir sur un matelas a augmenté de 39% en un an, pour atteindre 2053 personnes. 41% seulement des détenus bénéficient d'une cellule individuelle alors que la loi de 1875 édictait le principe de l'encellulement individuel. Ici, un article instructif du journal le Monde, sur les chiffres liés à la prison.

Le film Ariaferma n'est pas visible à Bordeaux ou Gradignan, où la maison d'arrêt a franchi le cap de 200% de surpopulation (208%). Il l'est encore à Chambéry, au cinéma Forum et l'a été durant le Festival du film italien de Villerupt, une petite ville de Lorraine, Festival qui a accueilli plus de 37 000 spectateurs durant la dernière édition, achevée le 14 Novembre.

La Cène est le nom donné dans la religion chrétienne au dernier repas que Jésus Christ a partagé avec les douze apôtres, le soir du jeudi saint. Il y donne un commandement nouveau, rapporté dans l'évangile de Saint Jean: “ aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés”

De l'efficacité relative des services clients et information, au sein des entreprises et collectivités: pour rédiger cet article -et d'autres la même semaine- nous avons dû contacter différents interlocuteurs, dont le distributeur du film, le standard téléphonique de Dulac Cinémas (ex Les Ecrans de Paris), la direction de Free Pro,  la Mairie de Paris (nous préparons un article sur les toilettes dans la capitale et leur gratuité partielle durant Paris 2024) et Paris 2024, qui vient d'ouvrir sa billetterie et de confier à un grand spécialiste du BPO et de l'expérience client, une partie de son service client omnicanal et American Express.Temps de réponse moyen des interlocuteurs qui nous ont répondu:  24 heures. American Express : 72h, zéro réponse. Mairie de Paris et Paris 2024: on a largement dépassé les 10 jours, on attend toujours ;). 3 personnes à temps plein au service presse de Paris 2024, 55 000 agents et fonctionnaires à la Mairie de Paris. C'est parfois difficile de s'aimer les uns les autres :). Mais peut-être achèvent-ils d'intégrer Salesforce ou de se gratter la tête, équipés de Slack, de machinbidule en mode SaaS, pour savoir quoi ou qui doit répondre ?

Benoit Hocquet et Manuel Jacquinet. 

 

Photo de une : Silvio Orlando et Toni Servillo dans Ariaferma - crédit © Survivance

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