Ambulancier à New York: le quotidien violent des Paramedics
“Personne ne compose le 911 pour une raison joyeuse ou heureuse”.
Récit et impressions après une balade aux Champs-Elysées, au cinéma Lincoln, à la Fnac, qui va bientôt fermer.
"Je m'appelle George Contreras. Je suis urgentiste à New York depuis 1990. Depuis 2023, nous constatons une augmentation d'un type d'appels que nous n'avions pas vus depuis longtemps, et notamment une recrudescence de violence, d’overdoses d’opioïdes, de blessures par arme à feu et d’attaques au couteau à travers tout le pays.
Aux États-Unis, les fusillades de masse sont de plus en plus nombreuses et le nombre de personnes confrontées à des problèmes de santé mentale a également augmenté au fil des années. Ces informations sont souvent cachées au public, qui n'est donc pas nécessairement conscient de ce qui se passe à New York. La situation était bien meilleure il y a dix ans.
À la fin des années 80 et 90, la cocaïne et le crack étaient très endémiques, et puis il y a eu une nette amélioration à la fin des années 90 et dans les années 2000. Au cours des cinq dernières années, je dirais que nous avons définitivement constaté une nouvelle augmentation des consommations de drogue, les rues sont à nouveau jonchées de seringues. Cela devient d'ailleurs très préoccupant. Et c’est exactement le monde auquel les urgentistes et les ambulanciers paramédicaux sont confrontés chaque jour lorsqu’ils vont travailler.
Personne ne compose le 911 pour une raison joyeuse ou heureuse. La seule exception, reste les accouchements. Ce sont les seules situations avec un motif positif. Appeler le 911 est souvent le seul accès aux soins de santé pour les personnes qui ne disposent d'aucune couverture médicale.
Aux États-Unis, lorsque vous êtes transféré vers un hôpital, le transport vous sera facturé et selon la nécessité de recourir à un système de réanimation avancée, des frais supplémentaires pourront s'ajouter. Puis à l'hôpital, il y aura également toute une série de facturations supplémentaires comme les analyses de sang, les services de radiologie, les consultations avec un spécialiste, en plus des heures d'hospitalisation. Ces montants exorbitants expliquent que certaines personnes soient très réticentes ou se montrent parfois agressives à l'idée d'être transportées vers un hôpital. Elles ne veulent pas s'exposer à des factures de 5 000$ ou 10 000$ qu'elles ne pourront pas payer.
Un métier difficile avec une recrudescence du nombre de suicides
Être urgentiste sur une longue période engendre souvent des ravages physiques et mentaux. Les choses que nous voyons génèrent souvent un traumatisme secondaire. Bien souvent, ce sujet n'est pas abordé ouvertement, et les professionnels que nous sommes finissent par vivre ce traumatisme de manière systématique à travers les expériences des patients. Une exposition répétée peut donc avoir des conséquences très néfastes au fil du temps et nous avons malheureusement pu constater que les professionnels qui ne recherchaient pas d'aide, finissaient souvent par se tourner vers l'alcool, les drogues ou d'autres moyens autodestructeurs pour tenter de résoudre leurs problèmes.
Une grande partie du problème réside dans la difficulté même d'admettre son mal-être mental, encore trop stigmatisé. C'est un aspect de notre profession que nous devons à tout prix essayer de changer culturellement. Si je me blesse au niveau du dos en soignant un patient, il n'y aura aucune stigmatisation si je suis absent pendant trois ou quatre mois. En revanche, si je dis : "Je suis épuisé. Je ne peux plus faire ça pour le moment" ou "Je suis trop stressé, je suis anxieux, je suis déprimé", cela ne sera pas considéré de la même manière.
Beaucoup d'urgentistes résistent ou hésitent à discuter ouvertement de leurs problèmes de santé mentale en raison de cette stigmatisation. Cependant, il y a tout de même eu un déclic et on remarque la mise en place progressive de plus de ressources. Les urgentistes commencent à prendre conscience de la nécessité de recourir à des conseils extérieurs car, au cours des cinq dernières années, le nombre de suicides dans les services d'urgence, qu'il s'agisse des services hospitaliers, de la police ou des pompiers, a été supérieur aux décès recensés dans l'exercice de leurs fonctions. Pour cette raison, les gens sont désormais un peu plus réceptifs à l’idée de demander de l’aide afin de mieux appréhender ces troubles du traumatisme secondaire ou traumatisme indirect.
Un quotidien violent
Pour mieux comprendre notre quotidien, il suffit d'énumérer quelques types d'appels auxquels nous sommes confrontés chaque jour et de demander au public de s'imaginer faire cela pendant un an, cinq ans, dix ans. La majorité des appels sont liés à des fusillades, des meurtres, des suicides, des accidents de la route, qui arrivent évidemment de manière inattendue. Des appels pour des familles qui reviennent d'une fête et se retrouvent impliquées dans des collisions de véhicules, et quatre membres de la même famille meurent sur le coup.
L'autre jour, j'ai eu un appel pour un bébé d'un mois, qui est malheureusement décédé car la mère s'était retournée sur lui en dormant dans un même lit. Il est difficile d'imaginer ce que cette mère ou ce père ont dû ressentir en sachant qu'ils ont étouffé leur propre enfant. Et il faut non seulement essayer de réanimer le nourrisson, qui plus est sans succès, mais aussi se tourner vers la mère et essayer de consoler ce parent.
Les overdoses, les brûlés ou l'odeur de la chair brûlée sont probablement des évènements que la plupart des gens n'expérimenteront jamais. Peu importe l'uniforme que nous portons, nous sommes tous des êtres humains. Nous sommes affectés par ce que nous voyons, ce que nous entendons, ce que nous sentons. Et si vous ne trouvez pas un moyen de décompresser, cela créé l'effet d'une cocotte-minute. L'accumulation monte crescendo jusqu'à l'explosion.
Il y a quelques mois, une ambulancière a été agressée et poignardée à plusieurs reprises alors qu'elle emmenait son patient aux urgences. Heureusement, elle a survécu à ses blessures. Les urgentistes sont régulièrement agressés physiquement. Cela fait partie de notre quotidien, mais personne ne va généralement au travail en pensant qu'il va être victime de violences physiques. BLACK FLIES dépeint avec précision le monde dans lequel nous travaillons à New York. Certaines personnes diront que c'est une vision pessimiste, sombre. Mais c'est précisément dans ces moments-là que les gens appellent le 911, lorsqu'ils se trouvent dans les moments les plus sombres de leur vie, lorsqu'ils ont le plus besoin d'aide. Alors ce ne sera jamais joli à voir.
Si vous regardez un film sur les pompiers, vous ne devriez pas être surpris de voir des bâtiments en feu, de la fumée sortant d'une voiture, des collisions de véhicules. C'est la nature de leur travail. Dans notre cas, nous nous occupons de personnes malades, blessées, vulnérables. Donc, ce ne sera jamais glorieux, ce seront dans la plupart des cas des situations assez traumatisantes et émergentes. BLACK FLIES tente de décrire la profession avec précision, en permettant au public de mieux comprendre ce que nous faisons. En tant que professionnel, il était primordial que le film puisse montrer notre métier de la manière la plus fidèle possible"
Source: dossier de presse du film de Jean-Stéphane Sauvaire: Black Flies. En salles actuellement.
C'est à savoir.
*Paramedics : Deux types d'ambulanciers coexistent à New York: les BLS (Basic Life Support) qui transportent juste les blessés en urgence et les Paramedics, qui ont reçu une formation médicale et peuvent commencer à soigner dans l'ambulance.
Black Flies a été produit notamment par Warren Goz ( Sculptor Media), producteur expérimenté, spécialiste notamment des pratiques de défiscalisation et de leur.. légalité dans l'industrie du cinéma. Lire à ce sujet l'article technique mais instructif sur les vertus de la Section 181 dans le film making. Ce sont les mêmes outils de défiscalisation qui peuvent être utilisés dans la production de films et.. dans l'installation de panneaux solaires ( Variety )
“Je n'aimerais pas être jeune aujourd'hui, comédien ou autre. Je crois que je serais en perpétuelle dépression ! Le concept de l'intelligence artificielle me terrifie. Et pas seulement en vue d'applications d'ordre militaire ou pour remplacer les acteurs dans des films où tout est déjà effet spécial.. Les gens ne se rencontreront plus comme vous et moi aujourd'hui: on enverra nos avatars et les relations humaines ressembleront à des transactions sans aucun affect. La société est en train d'évoluer vers d'autres normes qui ne me semblent pas du tout normales. Je l'avoue, je suis quelqu'un de très vieux jeu”. Entretien de Sean Penn, accordé au JDD, Barbara Théate.
La rédaction d'En-Contact a vu le film au cinéma Lincoln, près des Champs-Elysées… où il ne restera plus bientôt de cinémas et que la FNAC va quitter. That's life ! ( critique du film dans le prochain numéro du magazine En-Contact )
A la FNAC: celle-ci s'est inspirée de Carrefour et mentionne, à l'entrée de ses magasins, le numéro de téléphone du directeur du magasin et son adresse mail. L'idée étant que l'expérience client puisse être soignée tout de suite, lorsqu'une anicroche est survenue et/ou de faciliter la remontée de la voix du client. On a tenté de joindre Jérémy Jacquot, directeur du magasin, au 01 81 72 60 … On y a déniché l'un des derniers exemplaires disponibles de l'album Tigers Blood à Paris, semble-t-il, bien que ce dernier soit sorti très récemment. Tigers Blood, de Waxahatchee. Ecoutez, ça vaut la peine.