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Sales Advisor. 51% des employés dans le retail de luxe envisagent de quitter leur emploi

Publié le 22 octobre 2024 à 04:00 par Magazine En-Contact
Sales Advisor. 51% des employés dans le retail de luxe envisagent de quitter leur emploi

S’appeler LVMH, Chanel ou Tag Heuer a longtemps prémuni les DRH et talent scouters de la chasse et d'une fuite des talents et de leur conseillers clientèle. C'est fini ! Tous les retailers, patrons de marque doivent revoir et repenser leur EVP, employer value proposition, la proposition de valeur adressée à leurs collaborateurs. 

Au Peninsula ( The Peninsula Paris) semaine passée, il y avait foule et des beaux noms: LVMH, Diptyque, Sézane, Chanel, L'Oréal, des parfumeurs… Pour le rédacteur de ce résumé, plus habitué aux conférences sur le CRM et les call-centers, autant dire qu'il a été étonné par le public, bien plus féminin que l'auditoire des rencontres “tech” et par la qualité de la présentation, des recommandations. L'attention était vive, grande, signe que le sujet était bon et fût traité. On n’y présentait pas une vidéo d’ascension de l’Everest par un Youtuber célèbre ou la collection capsule de Victoria Beckham ou de Kate Moss, mais une étude, affinée par CXG. Elle sonne pourtant comme une alarme pour l’univers du retail et de l’expérience collaborateurs : 51% de leurs Sales Advisors auraient des désirs d'infidélité. Pourquoi, comment faire et réagir?

L'évolution du rôle des conseillers clients dans le secteur du luxe est marquante, comme l'a dévoilé à Paris  CXG, entreprise leader d’envergure internationale spécialisée dans l'expérience client des marques de luxe. Le rapport  présenté a abordé les défis auxquels est confronté le secteur du retail dans le domaine du luxe en matière d'acquisition, de développement et de fidélisation des talents.

Une annonce sur le site de LVMH, il y a cinq jours. 

Transformer le retail de luxe – Les principaux enseignements
Se concentrant sur le développement de stratégies de recrutement, d'intégration, de formation et de fidélisation, le rapport complet intitulé « The Advisor Effect: Driving Retail Success by Re-imagining The Role of The Sales Advisor » s’appuie sur des informations recueillies à partir de 12 000 enquêtes menées auprès d’employés du retail de 12 marques de luxe entre 2022 et 2024, ainsi que de 27 entretiens approfondis avec des professionnels seniors issus de divers secteurs du luxe, notamment la mode, la joaillerie et la beauté, en Europe, aux États-Unis et en Chine.

Les principales conclusions du rapport ?
Une crise de rétention des talents existe: un taux important (51 %) des personnes interrogées ont indiqué qu'elles avaient l'intention de quitter leur poste, soulignant un problème majeur de rétention des talents dans l’industrie. Il s'agit d'une augmentation notable par rapport aux 30 % enregistrés deux ans auparavant. « Notre étude révèle que le secteur du retail de luxe se trouve à un tournant décisif », a déclaré Christophe Caïs, fondateur et PDG de CXG. « La montée en puissance des outils numériques et des stratégies omnicanales a transformé le modèle traditionnel du retail de luxe, exigeant des conseillers de vente qu’ils combinent un service personnel de qualité et une maitrise des outils numériques »

Cyril Brulé

L'évolution des rôles: les responsabilités des conseillers de vente dans le luxe se sont considérablement élargies. Ils doivent désormais gérer les interactions numériques ainsi que les relations tout en maîtrisant le story-telling et les compétences CRM. Cette évolution nécessite un mélange d'intelligence émotionnelle, d'adaptabilité et de compétences techniques afin d’améliorer l'expérience des clients.
L’impact des interactions avec les conseillers : dans le secteur du luxe, 78 % des clients déclarent qu'une seule interaction négative avec un conseiller peut entraîner l'abandon d'achat. À l’inverse, les conseillers proposant une expérience exceptionnelle peuvent multiplier par cinq l’intention d’achat soit 86 % contre seulement 17 % pour les autres.
L'équilibre vie professionnelle et vie personnelle : il est alarmant de constater que seuls 39 % des salariés déclarent bénéficier d'un équilibre satisfaisant entre leur vie professionnelle et leur vie privée. Les jeunes générations recherchent de plus en plus des parcours professionnels clairs, des opportunités de développement des compétences, des horaires flexibles et un travail qui a du sens, allant au-delà de la rémunération traditionnelle.
Les initiatives stratégiques en termes de recrutement : les marques de luxe doivent désormais recruter des talents issus de secteurs divers tout en s’appuyant sur les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle dédiés au recrutement. Ce changement a pour objectif d’élargir le vivier de talents dans lequel les marques peuvent recruter.

Préparer l’avenir du retail de luxe
L'événement au cours duquel l’étude a été présentée a mis en lumière les conclusions d'un rapport détaillé qui sera disponible en novembre prochain. Qui devrait expliquer comment repenser le rôle des conseillers de vente dans le retail de luxe. Il présentera des stratégies afin d’aider les professionnels du retail à s'adapter à ces rôles multi-fonctionnels. Il soulignera l'importance de créer des environnements de travail porteurs de sens permettant aux conseillers de vente de s'épanouir tout en équilibrant leur engagement et leur développement professionnel ainsi qu’une intégration flexible entre vie professionnelle et vie personnelle.

« Les résultats de l’étude soulignent le besoin urgent pour les marques de luxe d’investir dans l’expérience employés, d’affiner leurs stratégies en termes d’"Employer Value Proposition" (EVP) et de mettre en place des approches qui revalorisent le rôle des conseillers de vente. Les marques qui priorisent le développement des talents et s'alignent sur l’évolution des valeurs des employés seront à même de conserver un avantage concurrentiel et d’offrir à l’avenir des expériences de luxe exceptionnelles » a conclu Christophe Caïs.

Du beau monde à la conférence de CXG, à l'Hotel Peninsula Paris

A Paris, au Beaupassage, Cyril Brulé, patron d'une agence de mannequins, nous a partagé les mêmes constats et convictions, il y a cinq ans. Il n'y a pas une entreprise qui puisse écarter désormais la nécéssité de se réinventer, ou de revenir aux basiques, sur ces sujets. Que nous disait le PDG de Viva Model Management ? 

On dit et constate qu’il y a une guerre des talents, dans tous les secteurs. La ressentez-vous également, comment tentez-vous de la gagner ou de ne pas la perdre ?
En restant fidèle et ferme sur des convictions ou une vision de mon métier que je me suis forgées après avoir eu l’occasion de le découvrir de l’intérieur. Pas de drogue, pas de bookers achetés par des marques ou des partenaires, priorité à la transparence qui seule crée des fondations solides. Si tu as des boutons et que, le jour du shooting, tu n’étais pas au top, on te le dit. Tel photographe star ou designer a des caprices qu’on connait ? On s’y prépare voire on les refuse d’emblée de jeu. La clé est de savoir accompagner des jeunes femmes qui ne connaissent rien de l’industrie dans laquelle elles mettent les pieds et de les considérer, voire de les faire respecter. De leur imposer ou expliquer également les règles qui s’appliquent ou que je crois essentielles : arriver à l’heure, être bien élevées. Et avec nos clients, de leur fournir un service dont ils seront satisfaits. 

Voituriers, personnel en charge de la sécurité, front Desk, tous les postes et métiers en contact avec la clientèle sont concernés. © Edouard Jacquinet

Le booker et tous les autres services de l’entreprise y contribuent d’ailleurs, également : si le contrat est clair, bien rédigé, que nous sommes à l’écoute, nous serons en mesure de produire le service qui nous est demandé. Un bon booker, de son coté, doit accepter de répondre à des appels tardifs, se rendre disponible, disposer de la finesse psychologique pour écouter, soutenir, rassurer. Il est l’interface souvent unique des mannequins à des moments clés. Donc, le danger est également de se faire piquer les pros de ce métier, lorsqu’ils ont été bien formés.

Le luxe et les secteurs dits premium ne sont pas les seuls concernés par cette mutation, qui implique de reconsidérer quantité de process et d'habitudes. Chez hipto, une entreprise spécialiste du lead intentionniste, un secteur technique et plutôt attractif, c'est à une DRH de vingt-six ans que les deux co-fondateurs ont choisi de confier la responsabilité de trouver, “onboarder” les talents, les fidéliser ensuite.  Parce qu'elle est efficace, qu'elle a les codes et l'énergie. Rencontrer et voir travailler Armelle Fichou met du baume au coeur. Que d'énergie et si peu de tabous !

Alexis et Dune de Prévoisin, auteurs de “Retail In Motion”

Donner la place et de l'autonomie aux jeunes, à la GenZ. Jamais dans une grande entreprise voire une ETI du luxe, une aussi jeune femme n'aurait été positionnée à ce poste. Une grave erreur ? Chez COS, l'enseigne haut de gamme du groupe H&M, les process de recrutement, de sélection des jeunes vendeurs ont été pensés dans cet esprit. Réponse ultra rapide aux CV, mises en situation très pratiques lors des entretiens, entretien circonstancié avec le manager N+1 au terme du 1er mois, la palette des bonnes pratiques est déployée, même pour un collaborateur payé au SMIC. EJ, un photographe qui y a travaillé lors de ses années de préparation de concours, se rappelle un univers exigeant mais très respectueux en même temps. “J'ai en partie découvert le monde du travail grâce à CoS et Sushi Shop. Il y avait un fossé dans les pratiques RH entre ces deux enseignes. Je ne parle même pas de celles qui mirent parfois six jours à répondre à un CV que je leur avais envoyé..” C'est à un ingénieur français, ex-patron de boutique COS que l'enseigne nordique a confié la formalisation de ces outils RH, qui demeurent confidentiels. 

Que faire ? Casser les silos, onboarder avec soin, utiliser des logiciels de mesure de l'expérience collaborateurs..  les solutions et prises de parole sont connues. Elles se heurtent à de vraies chapelles et peurs, du risque et du changement dans de nombreuses entreprises. Dans son livre Retail Emotions, Retail in motion, Alexis de Prévoisin détaille quelques pistes mais surtout, il confronte son propos et sa vision.. avec sa propre fille, membre assumée de la GenZ. C'est instructif et ça décoiffe

Visiter des plateaux de centres d'appels peut également avoir du sens. Confrontée à ces enjeux depuis longtemps, c'est l'une des industries qui a le plus travaillé, innové sur ces sujets, étonnamment et sans que l'on sache toujours. En Colombie, le numéro 1 mondial des call-centers, Teleperformance, a mis en place une task force et des innovations RH impressionnantes pour attirer et fidéliser ses content moderators. Parmi les pistes qui ont été travaillées et peaufinées, 30 minutes de peinture et d'aquarelle, par jour, la meilleure solution pour oublier les contenus haineux, dangereux, qu'on a dû visionner. “Personne n'en parle, indique le journaliste qui a visité ces plateaux, car c'est bien plus confortable de rester sur ses vieilles croyances, ses images d'Epinal. L'innovation RH et sociale ne vient pas des grandes organisations souvent, mais de ceux qui se savent vraiment en danger, au pied du mur. Quand on n'a presque plus rien à perdre, on bouge. 

Et puis il y a également, en Amérique du Sud, comme en Afrique, une réelle envie de travailler, d'avoir un emploi rémunéré et déclaré. C'est la première chose que m'ont partagée les mexicains, colombiens, argentins, chiliens que j'ai interviewés à Bogota et salariés chez TP. Ici monsieur, c'est la première fois que nous avons un emploi déclaré. Et travailler pour rendre internet, plus sûr, vivable, c'est bien". La quête de sens dans le métier pratiqué n'est pas prégnante qu'en Europe. Y en a t'il un pour les jeunes générations dans la vente de sacs en cuir grainé à plusieurs milliers d'euros ? Khalid, ex-chef de plateau dans une société de télémarketing, m'a donné son point de vue: ce qui donne du sens à ton travail, chaque jour, c'est souvent les relations interpersonnelles et la qualité de l'encadrement de ton N+1. A méditer.   

Extraits des Cahiers de l'Expérience Client, numéro 4. Visuels extraits du numéro 7. 

Les prochains Cahiers de l'Expérience Client, Numéro 10, consacreront une enquête à tout ce qui est déployé, dans certaines PME, pour attirer et fidéliser les talents. 

Le magazine CEC 7

À propos de CXG
CXG est une entreprise fondée par un entrepreneur français, Christophe Caïs, leader en termes de conseil et de solutions, spécialisée dans les stratégies innovantes afin d’améliorer l'expérience client et de stimuler la performance des marques premium et de luxe. Fort de son expertise acquise auprès de plus de 220 marques emblématiques, CXG accompagne ses clients tout au long de leur parcours CX, en fournissant des informations et en favorisant des changements significatifs.

Les quatre pratiques principales de CXG — Mesure de L'Experience Client, Insights Clients, Conseil & Transformation et Academy — proposent un cadre global pour des transformations CX complètes. 

Fondée en 2006 en Chine, CXG est devenue une entreprise internationale avec 12 bureaux répartis dans 85 pays et une équipe de plus de 260 collaborateurs. Grâce à son réseau d'experts en expérience client en constante évolution, CXG accompagne les marques afin d’améliorer leurs expériences. Le groupe réaliserait environ 25 millions de dollars de CA, ce qui le place parmi les leaders dans le domaine du conseil en expérience client.

Manuel Jacquinet. 
 

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