Le magazine indépendant et international du BPO, du CRM et de l'expérience client.

Un quart des Millenials ne répondent plus au téléphone et appels entrants

Publié le 05 avril 2024 à 10:02 par Magazine En-Contact
 Un quart des Millenials ne répondent plus au téléphone et appels entrants

Accrochés à leur smartphone, les consommateurs craignent les conversations vocales, les appels entrants, encore plus chez les Millenials. 26% de ces derniers ne répondent plus au téléphone. 

SMS et SMS conversationnels sont prisés, tel le Time2chat, en plein essor aux USA et peu connu en France. Les parcours clients doivent tenir compte de ces nouvelles données, ruptures. On  a évoqué ces nouvelles tendances hier, lors de la matinée organisée par Ino Global et Google Chrome, chez Google à Paris, consacrée à l'expérience client pour les digital natives.

L'appel vocal, ancêtre du texto et pourtant à l'origine même du terme "téléphone", semble sérieusement perdre du terrain face aux modes de communication écrits et asynchrones. Une tendance particulièrement marquée chez les millennials et la génération Z. Selon une enquête de Sky Mobile en 2023, plus d'un quart (26%) des membres de cette dernière cohorte déclarent tout simplement ignorer les appels entrants. 20% vont même jusqu'à qualifier cette forme d'interaction de "bizarre". Chez les millenials, les chiffres ne sont guère plus rassurants, avec 75% qui préfèrent la simplicité des SMS d'après une étude d'Open Market.   

De nombreux témoignages illustrent cette lame de fond réfractaire aux communications vocales directes. À 23 ans, May Kelly, professeure d'ingénierie à Limerick, a déjà eu maille à partir avec les conséquences concrètes de sa "téléphobie". Un jour où sa classe s'est retrouvée enfermée suite à un exercice incendie, elle avoue que c'est son refus d'appeler l'équipe technique au sujet d'un loquet défectueux qui les a menés dans cette situation délicate. "Il m'aurait fallu littéralement une minute pour passer un coup de fil, mais j'avais peur qu'une personne que je ne connaisse pas décroche", confie-t-elle.

 Les millenials préfèrent la simplicité des SMS.

Dave Ryan, doctorant de 26 ans originaire de Cork, partage cette même appréhension des appels surprises. "Je ne refuserais jamais activement, mais le plus souvent je vais simplement le laisser sonner", explique-t-il, évoquant une "association négative par défaut" avec les appels inattendus, souvent synonymes d'urgence ou de mauvaise nouvelle à transmettre.

Si cette phobie de l'appel n'est pas nouvelle - le poète Robert Graves en faisait déjà état en 1929 - force est de constater qu'elle a pris une ampleur autrement plus visible de nos jours. Sur les réseaux sociaux, le phénomène s'est même imposé comme une véritable tendance culturelle, avec des milliers de vidéos TikTok à ce sujet, et même l'existence d'un sous-reddit dédié intitulé "Téléphobie".

Les hypothèses sur l’origine de la téléphobie :
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce désamour pour l'appel vocal direct. D'abord, la multiplication des alternatives numériques comme les emails, SMS, messageries instantanées ou publications sur les réseaux sociaux a rendu bien plus aisé le fait d'éviter une interaction orale en temps réel. Une évolution qui n'est pas sans lien avec une préférence désormais marquée pour les échanges asynchrones et réfléchis plutôt que spontanés. L'imprévisibilité et le manque de contrôle associés aux appels téléphoniques entrent également en ligne de compte. Contrairement aux SMS qui permettent de prendre son temps pour répondre, un appel implique de devoir réagir sur-le-champ, un exercice d'improvisation que beaucoup jugent trop anxiogène. "C'est l'élément de surprise que je déteste le plus", reconnaît un "téléphobe". 

Une autre explication réside dans l'attrait pour les interactions visuelles en face-à-face ou par vidéo. "Quand on a une conversation, on peut savoir si tout se passe bien ou pas, alors qu'au téléphone on ne voit pas son visage", souligne May Kelly. L'avènement des appels vidéo a d'ailleurs pu renforcer le contraste avec le simple appel vocal, désormais relégué au statut d'"option aveugle".

Parmi les autres griefs régulièrement invoqués contre l'appel, on peut citer son caractère souvent jugé trop intrusif quand il n'est pas pré-négocié. May Kelly "n'appellerait jamais quelqu'un sans lui envoyer un message d'abord". Une forme de nouvelle étiquette généralisée où tout appel surprise devient l'équivalent d'une infraction aux règles de la bienséance. La montée en puissance des appels frauduleux ces dernières années a par ailleurs renforcé la méfiance générale face aux numéros inconnus.

L'artiste new-yorkais Jeff Mermelstein photographie avec son propre smartphone des textos échangés par des inconnu·e·s. (éditions Mack)

Bien que largement répandue, cette anxiété pourrait néanmoins cacher des troubles plus profonds selon le psychothérapeute Michael Ledden. Pour lui, "cela pourrait être un signe révélateur d'autres aspects de leur vie où il peut y avoir de l'anxiété, un besoin de contrôle ou des pensées négatives récurrentes". Un avertissement à prendre au sérieux même si, dans la plupart des cas, il ne s'agit que d'une habitude ancrée.

Téléphoner, un soft skill encore indispensable aujourd’hui
Car pour banale qu'elle puisse paraître, cette "phobie du téléphone" n'en comporte pas moins son lot d'inconvénients, notamment dans la sphère professionnelle où les compétences vocales restent valorisées pour des métiers comme la vente ou le service client. Paula Higgins, qui dirige une entreprise proposant des formations en communication orale, insiste sur les vertus de savoir décrocher, un réflexe encore capital "si quelque chose est important et urgent".

À un niveau personnel, Mme Higgins conseille également à ses élèves de "se préparer" aux éventuelles questions délicates, de sourire pour adopter un ton agréable et d'avoir une bonne posture afin de mieux respirer. Car comme pour toute appréhension, la pratique régulière apparaît comme le meilleur remède contre la "téléphobie". Un avis partagé par May Kelly qui, après avoir été forcée de passer davantage d'appels dans le cadre professionnel, juge désormais s'en "sortir" bien mieux qu'avant. "Au final, ça va", philosophe-t-elle.

Et si la dégringolade des appels téléphoniques ne sonnait finalement pas le glas des interactions humaines mais en reflétait simplement l'évolution ? Le professeur Duncan Brumby, de l'University College de Londres, appelle à relativiser ce phénomène : "Ce n'est pas que les gens deviennent plus timides, c'est qu'ils s'adaptent et optent pour des outils plus efficaces. Ce n'est pas un changement intrinsèque en nous, juste notre intelligence qui nous fait mieux interagir avec le monde".

 

A lire aussi

Profitez d'un accès illimité au magazine En-contact pour moins de 3 € par semaine.
Abonnez-vous maintenant
×