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Télévente et service client externalisés, automatisés. La fin des imposteurs, des impostures

Publié le 19 novembre 2024 à 11:00 par Magazine En-Contact
Télévente et service client externalisés, automatisés. La fin des imposteurs, des impostures

Teleperformance s'apprêterait à supprimer ⅓ de ses postes en France, révèle La Lettre A, soit 600 postes environ, sous la forme de départs volontaires. “Le leader mondial se dit en sureffectif chronique”. Récemment, Teleperformance “mettait en jeu un marché important” celui du SIG, le service d'information du gouvernement, dont il est attributaire depuis de longues années. 

L’automatisation des services clients, la modification des usages des consommateurs, les fusions entre grands acteurs ont modifié radicalement la donne dans le BPO externalisé. Certains acteurs, assez rares, ont entamé une mutation radicale. Vipp-Interstis, fondé par Charles-Emmanuel Berc, en fait partie. L’Afrique sera au cœur demain des services digitalisés et externalisés, voilà l'une des convictions de ce dirigeant atypique, qui a souvent vu clair avant les autres. 

Parce qu'il est discret, on ne sait pas que les plus grandes marques des télécom, du e-commerce, de la réparation de pare-brises font assurer par ses salariés Béninois, Rwandais, Éthiopiens, une partie de leurs services. Parce qu'il teste souvent avant les autres de nouveaux outils, de nouvelles approches RH, ses équipes de téléprospection apparaissent fréquemment en tête des benchmarks entre prestataires. Et pourtant, il n'est pas très inquiet de ce qui se trame au parlement, sur l'interdiction du démarchage téléphonique. “Ce métier est mort, tel qu'il est pratiqué” nous confiait, il y a presque deux ans déjà, celui qu'on a appelé un jour le Chuck Yeager de la télévente.   

Entre deux avions et un retour en famille dans la haute-saône qui l'a vu naitre, on l'a sollicité pour un rapide entretien. Il y a un an, quasi jour pour jour, lui et son équipe sonnaient la fin du Vipp BPO Forum, à Cotonou. 

Interview exclusive En-Contact. 

Je t’ai entendu dire qu’on entrait dans la période de la fin des impostures et des imposteurs en matière d’expérience client et de conquête. Que veux-tu dire par cela ?
Charles-Emmanuel Berc : Je trouve que l’on vit globalement dans un monde qui manque de transparence, où la vérité est trop souvent maquillée, adaptée, détournée… Depuis quatre ans, on nous a enfermés dans un confinement mondial, expliqué une pénurie de matières première, surtaxé l’énergie, amené la guerre aux portes de l’Europe. Le monde dans lequel on vit irait-il mal ?

Charles-Emmanuel Berc

Dans le même temps, (et heureusement ?) on a fabriqué des conteurs de belles histoires, qui pullulent sur les réseaux sociaux, y compris professionnels. Ils hissent haut des valeurs démagogiques et se mettent en avant au gré d’un post aguicheur. Seulement le disque tourne en boucle depuis de nombreux mois.

Les conteurs sont à bout de souffle et ressemblent dorénavant à des imposteurs. Il est temps de se réinventer, de sortir des tartes à la crème et des légendes, de reprendre la main sur le réel. Le contexte de notre marché en crise recentre le business sur l’essentiel : il est temps de reparler des vrais sujets.

Les prestataires de BPO, qui ont vocation à aider des entreprises à externaliser des pans entiers de l’expérience client sont en mauvaise posture si l’on en juge par leur cours en Bourse, le désengagement de leurs équipes et cadres dirigeants. Quelle est ta vision sur cette industrie et sur les impacts de l’IA, l’autre grand changement ?
CEB : Le secteur vit pour la première fois une crise d’ampleur qui peut avoir des répercussions très lourdes dans les prochains mois. Il y a tout d’abord une baisse des flux qui n’a rien à voir avec l’IA : les usages se développent, les taux d’équipement sont très élevés, ce qui suscite un moindre besoin de recours au service client. Il y a ensuite le réflexe et le plaisir de trouver l’information tout seul : les sites et les apps sont de mieux en mieux faits. Enfin, le consommateur, de plus en plus méfiant, va préférer aller solliciter l’avis d’un autre consommateur que d’interroger la marque sur un sujet commercial ou de SAV. Le résultat ? 30% de flux en moins sur les services clients par rapport à il y a quatre ans.

A ce changement d’usage général s’ajoute effectivement un effet IA mais qui n’est aujourd’hui palpable que dans une minorité d’entreprises. Google, Apple, Meta, Microsoft ou Amazon font le métier, ont les outils et l’ADN pour déployer des solutions IA pertinentes et performantes sur lesquelles ils travaillent depuis des années. L’impact de cette évolution est significatif : 60 à 70% de réduction d’effectifs ! Or ces GAFAM pèsent, réunis, plus de la moitié du chiffre d’affaires du top 3 des outsourcers mondiaux, Teleperformance, Concentrix et Foundever. Si ces derniers ne remplacent pas leurs activités qui fondent comme neige au soleil, alors, effectivement, le secteur traversera une crise sans précédent. Je rappelle en outre que les fusions qui ont permis de constituer les nouveaux Top 2 mondiaux sont finalement tombées au plus mauvais moment : elles rajoutent un fort désengagement du top management opérationnel au moment où les équipes devraient témoigner de la plus forte mobilisation.

Ce sont les gens qui font revenir les gens, disent les spécialistes de l’hôtellerie ou du retail. A ce sujet, tu es entouré d’une équipe composée de nombreux cadres, femmes, qui sont là depuis un paquet d’années, comment l’expliques-tu ?
CEB : On a toujours envie de travailler avec des gens que l’on apprécie, c’est un réflexe humain irrationnel mais caractéristique. La connaissance et la confiance se construisent au fil des années et créent des liens indéfectibles.

Entre les collaborateurs historiques et leurs clients existe et s’est forgée une partie de l’histoire qui n’est pas écrite, constituée de hauts et de bas qui ont forgé quelque chose de fort. C’est une aventure humaine qui a  survécu à de nombreux  défis. Chacun connait les forces de l’autre, ce qui est un réel atout. C’est un capital immatériel fort et incessible. Il a une grande valeur, et je suis chanceux de l’avoir.

Le magazine CEC # 10

Vipp-Interstis, d’après ce que j’observe, est l’un des rares spécialistes du BPO à avoir enclenché un plan de transformation radical, ambitieux. Peux-tu le détailler et nous dire à quoi ressemblera le groupe demain ?
CEB : Pour rappel, nous avons opéré une transformation du groupe depuis trois ans, poussés d’une part par certains de nos clients qui désiraient étendre les prestations à d’autres activités d’exécution, et par ma volonté d’intégrer de la technologie de manière native dans les solutions du groupe, d’autre part.

Le savoir-faire de Vipp, c’est de tutorer des talents et de créer des hubs de main d’œuvre tertiaire à forte valeur ajoutée sur des territoires émergents. Cette position unique nous permet de pouvoir mettre en place de nouveaux métiers, et des offres agiles qui sont encore dans les tiroirs secrets de mon bureau, mais plus pour très longtemps.

Je peux néanmoins vous dire que nos activités de service-client, tout comme celles de vente, sont stabilisées et repartent en développement. La courbe d’expérience opérée sur le BPO augmenté a été digérée. Notre école de codage « diplôme » ses premiers talents cette fin d’année. Ces  trois événements constituent le T0 de nos nouvelles offres, à apporter à un marché qui en a besoin.

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