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Quand un ancien membre de l'Antigang forme les entreprises...

Publié le 08 juin 2022 à 08:19 par Magazine En-Contact
Quand un ancien membre de l'Antigang forme les entreprises...

Il a passé une partie de sa vie au 36 quai des Orfèvres à Paris, à la brigade de recherche et d'intervention, plus connue sous le nom d'Antigang. Régis Dubois a cofondé depuis la société C-SRD. Son objectif : apprendre aux entreprises et à ceux qui y travaillent, à gérer l'agression, de l'incivilité à l'acte terroriste. Au cours du dernier ECTFF, il a raconté son étonnant métier...

Il pourrait couler une retraite tranquille sur une plage. Mais sa vie a été tellement intense qu'il aurait trop peur de s'ennuyer. Régis Dubois a été membre d'une division anti-terroriste puis, aux côtés du commissaire Broussard, de la brigade de recherche et d'intervention, alias l'Antigang. Il a aussi formé des groupes d'intervention dans de nombreux pays d'Afrique ; Togo, Bénin, Gabon.

Alors aujourd'hui, hors de question de raccrocher.

Avec quatre amis, des anciens fonctionnaires de police et « retraités », tout comme lui, il a créé voici cinq ans une société de formation et d'audit en sûreté, la C-SRD, traduisez Conseil en Sûreté Recherche Dissuasion. Parmi ses clients, on compte des collectivités et de nombreuses entreprises comme Derichebourg Technologies, le groupe Atalian, Leclerc.

« Nous ne traitons pas de sécurité mais bien de sûreté, insiste-t-il, autrement dit, tout ce qui concerne la malveillance humaine ».

En fonction de leur domaine de prédilection, ses collègues enseignent la radicalisation, la négociation, les risques pénaux susceptibles de concerner le chef d'entreprise, la communication de crise. Sa partie à lui, c'est la gestion de l'agression, de l'incivilité à l'acte terroriste.



Un contexte social alarmant

« Ce qui m'a le plus marqué dans mon métier, c'est l'évolution de la criminalité, commente Régis Dubois. Avant, quand on traitait des prises d'otages, en règle générale, cela se terminait par une reddition. Aujourd'hui, avec le terrorisme islamique, on sait qu'il n'y aura pas de capitulation, qu'il y aura obligatoirement un affrontement physique car ils veulent mourir les armes à la main, en tuant le maximum de personnes. C'est très préoccupant ».

Sans être confronté à ces situations extrêmes, le fait est que les violences quotidiennes ne cessent d'augmenter. « Selon la CNAM, 24% des gens qui travaillent sont confrontés chaque année à des incivilités ou des agressions », cite l'ancien policier.

Celles et ceux qui sont en première ligne de l'expérience client sont les plus exposés : caissières, vendeuses et même le personnel soignant. « Cela peut aller des patients qui veulent être soignés tout de suite jusqu'au médecin homme qui doit examiner une femme ce qui génère un conflit avec une famille radicalisée », précise Régis Dubois.

 

Apprendre à manipuler

Pour désamorcer les conflits, le C-SRD propose des formules en une, deux ou cinq journées ainsi qu'en e-learning. Évidemment, dans ce dernier cas, contrairement aux enseignements en présentiel, il n'y a pas de mise en situation. « Nos formations sont courtes car l'idée est de former un maximum de personnes en un temps très court, explique Régis Dubois. Cela dit, même en une seule journée, nous pouvons donner de nombreuses clés ».

A commencer par celles qui désamorcent le risque d'une mise en situation dangereuse. Mal employés, nos mots, notre intonation verbale, nos gestes peuvent provoquer une situation indésirable. « Si l'on dit à un preneur d'otage qu'on ne comprend pas ce qu'il dit, il risque, pour devenir nettement plus explicite, de tuer un otage commente l'ex membre de l'antigang. Le langage doit être très approprié, nous devons apprendre à utiliser des mots triés sur le volet, c'est le début de la gestion d'une crise ».

Pour Régis Dubois, il ne s'agit pas d'apprendre à négocier mais à manipuler.

« L'objectif est d'obtenir quelque chose d'une personne qui, au départ ne veut pas céder, analyse-t-il. Quand vous surveillez un magasin, vous ne pouvez pas laisser tout le monde partir sans payer. Il faut donc s'arranger pour que le voleur devienne conscient de ce qu'il fait et qu'il parte en payant. Ce n'est pas négociable. Nous devons donc apprendre à convaincre, à manipuler et cela, sans qu'il y ait échanges de coups. Quelle que soit la situation, à partir du moment où l'on doit intervenir brutalement, et plus encore s'il y a coups de feu, c'est qu'à un moment donné, notre mission a échoué ».

 

Quand le cerveau devient reptilien...

Face à une agression, le premier ennemi à vaincre est notre propre stress. Ce dernier crée ce qu'on appelle l'effet tunnel : il réduit notre champ visuel, ce qui nous met en danger car on ne peut pas voir quelqu'un qui arrive sur les côtés.

A cela s'ajoute le cerveau reptilien qui, en cas de peur, prend le relais de notre intelligence. « Le phénomène est très mécanique, reprend Régis Dubois. Quand quelqu'un a peur, il devient tout blanc et n'est plus en état d'analyser correctement la situation. Cela joue aussi avec la violence. Actuellement, j'analyse ce que vous me dites, je vous parle avec mon cortex cérébral. Mais si l'on doit en venir aux mains, mon rythme cardiaque va s'accélérer, je ne serai plus alimenté normalement en oxygène, mon sang va descendre dans les bras et les jambes, pour cogner et courir ».

Quand le cerveau reptilien prend le relais, notre discernement fonctionne mal mais par contre nous gardons les réflexes acquis. D’où l’intérêt de s’entraîner, de créer plusieurs fois une même situation pour acquérir des gestes automatisés. Dans le métier, on appelle cela créer un arc réflexe. Un arc que les employés exposés doivent, avec quelques formations courtes, apprendre à bien tendre...

 

Didier San Martin

La prochaine édition du Forum de l’expérience client sera la 10ème, se tiendra à la Baule. Les organisateurs prévoient quelques surprises, mais pas du type à nécessiter le recours à Régis et ses compères.

 

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