Paris va fermer son Office du tourisme et le remplacer par une conciergerie digitale

Le 13 janvier 2025, Paris ne disposera plus d’aucun lieu d’accueil physique des touristes et visiteurs. Spot 24, son dernier PAT, aura fermé la veille. 7 des 10 salariés en charge, au sein de Paris Je t'aime, de renseigner et vendre aux visiteurs, vont voir leur poste supprimé, selon le plan proposé par Corinne Menegaux, directrice générale de l’association. « Un point d’accueil centralisé, c’est obsolète et peu efficace », une assertion qui semble dictée par un besoin d’économies plus qu’une adaptation aux besoins et attentes effectifs des touristes. En 2015, les cinq points d'accueil touristique (PAT) qui existaient alors dans la capitale recevaient 574 000 visiteurs. 

Le point d’accueil centralisé, obsolète et peu efficace ? 
La capitale du pays le plus visité au monde accueille environ 43 millions de touristes par an (en région Ile de France). Elle n’aurait plus les moyens d’accueillir physiquement les touristes, les visiteurs étrangers et considère le maintien d’un lieu accueil centralisé comme désuet. Pourtant, partout ailleurs dans le monde, les capitales et villes touristiques ont conservé des bureaux d’accueil, héritiers des syndicats d’initiative. 

Corinne Menegaux, directrice générale de l’Office du Tourisme de Paris depuis 2018, prévoit de fermer le dernier lieu d’accueil des touristes de la capitale, Spot 24  
Ce qui justifierait l’option prise est détaillé dans un document interne qui a été présenté pour avis aux représentants du personnel. 
Dans une ville comme Paris dans laquelle les sites d’attractivité sont répartis de façon diffuse sur l’ensemble du territoire, le modèle du point d’accueil centralisé, présupposant que les touristes vont effectuer plusieurs kilomètres à l’heure du digital, pour obtenir de l’information, apparait à la fois obsolète et peu efficace, ne touchant in fine qu’une infime portion de touristes. Si les outils digitaux , avec la plateforme parisjetaime (..) occupent une place prépondérante et avérée dans la préparation de voyage et l’orientation sur place, il ne convient pas de renoncer pour autant à toute forme d’accueil et d’orientation humaine  ( ..) La recommandation éclairée sera préservée en testant de nouveaux services hybrides d’information, de conseil et d’assistance. Pour cela, l’Office se structurerait à l’avenir autour de deux projets : le lancement d’un service de conciergerie touristique digitale et le maillage du territoire grâce à des points d’information touristique avec les Kiosques à journaux et certains bureaux de poste.

Le projet  de redéfinition de la mission accueil et du service édition a pour conséquence la suppression de 9 postes ( chef de projet éditorial, Responsable Pôle Accueil et Boutique, Manager de boutique accueil, conseiller séjour et conseiller séjour responsable )

Extraits du document présenté fin d’année aux partenaires sociaux de l’association. Les contours et les modalités de la conciergerie digitale sont encore flous mais un seul poste de répondant serait prévu.

Spot 24 et des formulaires en ligne, la portion congrue proposée actuellement pour informer
Le seul lieu d’accueil d’actuel des touristes s’appelle Spot 24 et est situé près de la Tour Eiffel, quai Jacques Chirac. Le site, qui avait été ouvert en avril, et a hébergé une exposition temporaire durant Paris2024, avait succédé au bureau d’accueil situé près de la Mairie de Paris, rue de Rivoli. Il vit actuellement ses derniers jours de fonctionnement. Dans un article récent, le journal Le Monde le dénommait l’office de tourisme introuvable. Loué à la RIVP, il n'a pas rencontré le succès escompté, en termes de visites et de recettes, notamment à cause de son installation tardive et de la difficulté à le trouver. Son aménagement aurait par ailleurs été assez onéreux. 

Par le passé, la structure a géré et animé jusqu’à huit lieux d'accueil, dans toutes les gares SNCF (sauf Saint Lazare), au métro Anvers, sous la Tour Eiffel et au bureau principal. “L’affluence y a toujours été considérable et les visiteurs heureux de trouver des conseillers en capacité de les renseigner" selon Cat Khe et Gilles B. conseillers séjour expérimentés et salariés de l'OT. Ces derniers parlent en moyenne neuf langues, disposent de plus de trente ans d'expérience et seront peut-être reclassés .. à la conciergerie digitale. “Hors de question de répondre par WhatsApp aux touristes” indique Cat Khe, peu convaincue par les options prises.  

Lors de notre visite à Spot 24, fin décembre, plus de quinze visiteurs et touristes sont venus en l'espace d'une heure demander des brochures ou se renseigner, dont plus de 75% étaient des touristes étrangers. “Qu'est-ce que c'est compliqué de vous trouver” s'est exclamée une provinciale en visite à Paris, en quête d'informations sur les moyens de transport. Comment et où acheter des tickets de métro ou autres titres de transport est l'une des interrogations les plus fréquentes traitées à Parisjetaime nous a indiqué Corinne Menegaux (entretien mené en 2023).

L’accueil physique, téléphonique et digital de l’Office de Tourisme de Paris, état des lieux
L’Office du tourisme de Paris ne propose plus d'accueil téléphonique. Le 01 49 52 42 63, numéro qu'on trouve sur internet à de rares endroits, renvoie sur le message suivant :« Bonjour, vous êtes bien à l’Office de Tourisme de Paris, nous sommes joignables via notre formulaire de contact disponible sur www.parisjetaime.com en ligne. Nous vous souhaitons une agréable visite à Paris ». Pour ce qui est de l'information en ligne, aucun engagement sur un délai de réponse n'est pris et formalisé. En résumé, un touriste n'aura, le 13 janvier, aucun moyen de dialoguer avec l'OT ou l'un de ses conseillers, s'il désire être aidé, conseillé, acheter un billet. Ce à 5 heures du matin comme à 15h. Il lui sera proposé de remplir un formulaire ou de se rendre dans un kiosque. Mais peut-être cela concerne-t-il peu de personnes ?

Les flux de visiteurs, du nombre de passages dans son bureau d'accueil, de demandes digitales, le grand flou chez Parisjetaime 
Dans son récent rapport, rendu fin août, la Cour des Comptes observait que  “ L’OTCP ne dresse pas de bilan annuel qualitatif et quantitatif de son action. La convention d’objectifs et de moyens pour les années 2019 à 2021 prévoit la transmission à la Ville par l’OTCP d’un bilan annuel qualitatif et quantitatif de la mise en œuvre des missions retenues dans la convention. Une annexe à la convention définit les indicateurs et valeurs cibles associes à chaque objectif. Cependant la chambre n’a pu obtenir les bilans correspondant à l’action de l’OTCP pour les années 2019 à 2021”. 

4,5 millions d’euros de subvention annuelle, qui semblent insuffisants 
Dans ce même rapport, la Cour des Comptes a pointé du doigt les difficultés financières rencontrées par l’Office de tourisme de la capitale. La baisse de la subvention de la Ville, depuis 2017 (4,5 millions d’euros par an, contre 6,5 millions auparavant), n’a pas été compensée par une hausse suffisante de ressources propres de l’office, qui « peine à équilibrer ses comptes » − notamment parce que ses ressources propres, issues de la billetterie, auraient du mal à décoller. La structure, qui gère un budget d’environ 6 millions d’euros, était déficitaire de 185 000 euros en 2022, dernier exercice analysé. D’après l’office de tourisme, les pertes étaient du même ordre en 2023. La seule issue pour conserver un PAT serait donc que des recettes procurées par de la billetterie et des ventes d'excursions par exemple équilibrent les coûts associés. Cela est-il possible, imaginable ? 

150 milliards d'euros, le marché mondial des excursions  
Dans les villes où ils sont maintenus, les boutiques et points d'accueil sont tous fréquentés, bien que le monde du tourisme ne soit pas très habitué à la collecte et communication de données statistiques fiables. La possibilité d'y accéder à une information actualisée, commentée, et à des conseils personnalisés est appréciée, si l'on en croit les avis clients des OT de Marseille, d'Annecy, de Megève, de Londres.. et débouche fréquemment sur des ventes de séjours, forfaits, excursions. En 2007, la ville de New York avait lancé une campagne de publicité, dénommée Just Ask The Locals, qui suggérait que ce sont ceux qui habitent sur place qui savent le mieux partager les tips et bons conseils pour découvrir la ville. Proposer une recommandation éclairée évoquée plus haut est donc le bon sujet. Reste à savoir de quelle façon elle doit et peut être donnée : en face à face, par téléphone ou via des formulaires, peu interactifs ? Des entreprises, telle GetYourGuide et d'autres sont bien décidées à s'emparer de ce magot, grâce à des moyens digitaux et publicitaires conséquents engagés. 

Par ailleurs, selon nos informations, Come To Paris, une entreprise privée, a étonnamment encaissé, durant plusieurs mois en 2023, le produit des ventes effectuées par les conseillers en séjour salariés de l’office de Tourisme de Paris. Come to Paris a été racheté fin 2023 par Butler Industries. Tout ce qui est facturé et vendu à l'Office de tourisme de Paris arrive-t-il bien dans ses caisses ? 

De cinq lieux d'accueil à un seul, comment Paris a supprimé petit à petit tous ses lieux d'accueil opérés en propre
La réorganisation de la fonction accueil sur deux sites au lieu de cinq (extraits du rapport de la Cour des Comptes, août 2024)

En 2017, l’Office disposait de cinq points d’accueil dont la fonction principale était de recevoir les visiteurs de la capitale qui trouvaient en ces lieux informations, conseils et produits touristiques. Le nombre de visiteurs dans ces points d’accueil étaient en diminution (574 000 en 2015 et 424 000 en 2016), de même que le chiffre d’affaires qui passait de près de 8 M€ en 2015 à 4,7 M€ en 2016. 23 agents étaient affectés au fonctionnement de ces points d’accueil.

Le conseil d’administration de l’OTCP a décidé le 1er juin 2017 de supprimer trois des cinq points d’accueil. À l’issue de ces suppressions ne demeuraient plus que le point d’accueil de la gare du Nord et celui de Paris centre, alors situé rue des Pyramides, au siège de l’Office.

L’économie de charges locatives attendue de ces fermetures était de l’ordre de 280 000 €/an et s’ajoutait à la diminution de la masse salariale de l’ordre de 735 000 € (cf. 5.2.1 ci-dessus). Faute de pouvoir négocier avec le propriétaire des locaux de la rue des Pyramides, l’Office a décidé de fermer le point d’accueil et de le transférer dans les bâtiments de l’hôtel de Ville.

Comment être hospitalier et bien informer, la bonne question
Partout ailleurs dans le monde, des capitales et villes touristiques ont conservé leur boutique, leur lieu d’accueil des publics: Amsterdam, Madrid, Istanbul, Singapour, New York, Tokyo…Seul Dubaï n'en dispose pas, parmi les destinations très fréquentées. Ce sont parfois plusieurs lieux qui sont mis à disposition des touristes.

Une étude rapide des commentaires, nombreux, laissés sur les sites web des offices de tourisme de communes touristiques permet de cerner ce qui est attendu et apprécié dans ces situations ; à Megève : “je les joins toujours par téléphone. C'est l'office de tourisme le plus efficace que je connaisse de tous confondus. Personnel très au fait (..)”. A Saint Malo : “informations nombreuses et délivrées avec attention et sourire. Possibilité d'acheter des billets sur place notamment pour l'aquarium de Saint Malo, office de tourisme bien situé et accessible pour tous.” A Chenonceaux :  “ Accueil très agréable. Le château étant encore fermé à la visite durant mon séjour, les 2 hôtesses m'ont conseillé de le découvrir depuis la rive opposée offrant la plus belle vue ont-elles ajouté. Repassant les voir pour les remercier, l'une des 2 voyant ma bouteille d'eau vide, m'a gentiment proposé de la remplir. J'ai vraiment apprécié”.

Pour aller plus loin : comment Genève soigne l'expérience visiteurs et touristes, avec ses Tourist Angels. Mobiles, ces derniers vont au contact des touristes et en renseignent plus de 50 000 en six semaines, l'été. Les guides conférenciers participent à la découverte des villes, dont Paris et ses musées, parcs etc. Leur métier a changé mais ils sont très demandés. Les portraits d'Anne-Sophie Perret et Michel Faul. 

L'Office de Tourisme, depuis 1971
L’Office de tourisme de Paris, créé en 1971, est présidé par Pierre Rabadan qui a pris la suite de Jean-François Rial, qui avait lui-même succédé à Pierre Schapira. Paul Roll, Nicolas Lefebvre l’ont dirigé successivement, avant la nomination de Corinne Menegaux. La structure a dépensé jusqu'à un million d'euros en loyer pour son siège social et point d'accueil, lorsque celui-ci était situé rue des Pyramides. Il salarie actuellement 63,7 ETP (équivalent temps plein) dont 10 directeurs plus la directrice générale. Est outillé avec Salesforce. 

Etre équipé de licences d'un logiciel de CRM mais plus d'un accueil, substituer au conseil en face à face un formulaire en ligne, des options pittoresques, pertinentes ? Nous vous souhaitons un agréable séjour à Paris.  

La rédaction d'En-Contact et Manuel Jacquinet.