Nous allons aider les centres d'appels à gagner la bataille des services. Jean-Louis Borloo

En octobre 2004, Jean-Louis Borloo, alors Ministre du Travail et de la Cohésion sociale, veut lancer un plan de dynamisation de la filière centres d'appels en France. Il confie alors une mission au fondateur de Colorado l'Ecole du télémarketing, Manuel Jacquinet. Ce dernier lui remet, quatre mois plus tard, une série de recommandations dont la création d'une filière de formation, la création du Label de Responsabilité Sociale, la priorisation des achats publics de prestations de service client etc. Vingt-et un an après, que sont-elles devenues ? Quelles furent les étapes de la conception de ce plan ?
Première étape, l'annonce de la mission, de son objectif, des moyens mis en oeuvre
Jean-Louis Borloo : « Nous allons aider les centres d'appel à gagner la bataille des services »
L’Express/L’Expansion - Propos recueillis par Guillaume Evin, publié le 21/10/2004
Entretien exclusif avec le ministre de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale sur le plan d'action gouvernemental en faveur des métiers de la relation-client, et plus précisément les centres d’appels. Objectif : créer 70 000 emplois en trois ans.
Pourquoi l’État s’investit-il dans les métiers de la relation-client et plus précisément dans les centres d’appel ?
Dès mon arrivée au gouvernement, j’ai souhaité lancer deux grands chantiers : le premier relatif à la cohésion sociale et le second, justement, consacré aux services à la personne. Nous y voilà. Aujourd’hui, les centres d’appels, pour adopter un terme générique, créent de l’emploi. C’est même une des rares professions à progresser plus vite que le marché. Actuellement, elle « pèse » environ 220 000 postes ; demain, ou après-demain, elle pourrait atteindre les 5 à 600 000 comme en Grande-Bretagne. Je note du reste que ce différentiel nous coûte environ 1 ou 2 points de chômage. Donc, on ne pouvait plus longtemps ignorer un tel secteur. D’autant qu’il souffre d’un déficit d’image chronique. A court terme, on table sur 75 000 créations de postes d’ici fin 2007.
Quelle sera la finalité de ce plan d’action gouvernemental ?
L’idée, c’est de gagner la bataille du service. Or, le service en France a toujours souffert d’une certaine marginalisation sinon d’un discrédit. Historiquement, de fait, la France cultive deux excellences : l’une dans l’agriculture, l’autre dans l’industrie. Notre nation est un pays d’ingénieurs, un pays fait par les garçons pour les garçons. Il existe du reste un ministère de l’agriculture, un ministère de l’industrie, mais aucun ministère des Services. Plus prosaïquement, ce métier des centres de contact est confronté à un problème de professionnalisation ; il semble, à tort, ne pas favoriser l’ascenseur social. Or, ce sont de vrais métiers, avec des perspectives d’évolution et qui de surcroît sont à même de favoriser une notion éminemment à la mode : l’employabilité.

Quelles en seront les modalités ?
Notre rencontre avec l’ensemble des acteurs de la profession, que ce soit les outsourcers, les organisations représentatives ou bien les donneurs d’ordre ? j’insiste sur ce point car celle-ci, bien qu’émergente, recèle aussi ses courants contradictoires ? nous a permis de dégager deux axes concrets de travail : d’une part, la certification et d’autre part, la formation. Le tout permettant de déboucher sur une convention collective spécifique aux métiers de la relation client. Dans le détail, nous prévoyons de lancer un label de « mieux disant social ». Car, il fallait travailler en profondeur sur le qualitatif. Ce label, visé par l’État dans des conditions qui restent à définir, sera suffisamment souple pour ne pas induire des distorsions de concurrence lors des appels d’offre, mais suffisamment attractif et valorisant pour inciter la filière à l’adopter massivement. Concernant le volet formation, les structures existent, reste juste à les mobiliser et les dynamiser. Sait-on par exemple que des diplômes de télé-conseillers ou bien de superviseurs existent, mais qu’ils souffrent d’une pénurie de candidats, faute de publicité.
Question calendrier, quand comptez-vous officialiser le dispositif ?
Nous nous sommes réunis le 6 octobre, puis le 19. Les premières conclusions des groupes de travail recensées par l’expert indépendant Manuel Jacquinet de la société Colorado Conseil me parviendront courant novembre. Ce qui nous permettra, j’espère, de boucler le dossier à la fin du mois prochain pour une mise en route effective avant la fin de l’année.
L’Express/L’Expansion - Propos recueillis par Guillaume Evin, publié le 21/10/2004
Deuxième étape, le plan d'action qui en a découlé et qui fût présenté aux médias en décembre 2004 : 100 000 emplois en France, dans les cinq ans qui viennent
Jean-Louis BORLOO, ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, a présenté, le 14 décembre, un plan d’action pour promouvoir la création d’emplois dans le secteur des centres d’appel, en liaison avec le groupe de travail sur l’industrie de la relation clientèle constitué par Patrick DEVEDJIAN, ministre délégué à l’industrie.
Ce plan, élaboré par les groupes de travail mis en place par Jean Louis BORLOO le 6 octobre dernier avec les principaux opérateurs du secteur constitue une première. Il a pour objectif de créer 100 000 emplois en France dans les cinq ans qui viennent. Il comprend :
- la signature d’un accord cadre pour la formation professionnelle dans la filière des centres d’appels. Cet accord a été signé ce jour par les entreprises de centres d’appels représentées par le Syndicat national du marketing téléphonique (SMT) et l’Association française des centres de relation client (AFRC), le ministère de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, l’ANPE, l’AFPA et l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFPIH). Il permet notamment de faciliter la création d’emplois durables, de mettre en place une offre de formations adaptées, de favoriser l’insertion de personnes handicapées et le recrutement de jeunes.
- la création par la profession d’un « Label Responsabilité Sociale » qui distinguera les opérateurs du secteur respectant un code de bonne conduite sociale (procédures de recrutement, pratiques de formation initiale et formation continue, conditions de travail, conditions d’achats des prestations).
- une mission, confiée à Jean Baptiste de Foucauld, inspecteur général des finances, concernant l’application de la clause du « mieux disant social » dans les marchés publics de services et plus particulièrement des centres d’appels.
- un décret du premier ministre actualisant la liste des dérogations de plein droit au repos dominical incluant les entreprises et services de surveillance, d’animation et d’assistance de services de télécommunication

Lors de la présentation du plan, les représentants des principaux opérateurs de la filière, professionnels de la relation client et donneurs d’ordre, se sont engagés dans sa mise en œuvre. « Le secteur des centres d’appels emploie plus de 220 000 personnes en France. Ce plan sera gagnant pour le développement de l’emploi en France car il a été élaboré avec et pour tous les professionnels du secteur », a indiqué Jean-Louis BORLOO. Il constitue une étape décisive du programme de développement des services à la personne qui sera présenté par le ministre mi-janvier.

Fin 2025, la France compte environ 250 000 salariés dans des centres de contacts internalisés ou externalisés.
La filière a créé plus de 80 000 emplois, situés prioritairement en Afrique sub-saharienne, au Maghreb, en Europe du Sud pour le marché francophone.
SR Teleperformance est devenu Teleperformance puis TP, est le numéro 1 mondial du secteur et a lancé, en novembre 2024, en France, un plan de réduction de ses effectifs. Lire ici.
De nombreux centres de contacts sont encore internalisés, tels ceux d'Acheel, situé à Fès, de Speedy (qu'on a tenté de joindre récemment ) d'Octopus Energy, situés en France, à Lille, Paris. Les opérateurs télécom, les énergéticiens, les banques, les assurances, la VPC ou les services publics sont les plus importants employeurs de collaborateurs dans des centres de contacts. Dans le monde, toutes activités confondues, plus de 52% des interactions à distance entre des marques et leurs clients sont encore gérés par téléphone. Le chiffre est quasi stable depuis plus de dix ans. Les motifs d'appels différent selon les secteurs. Dans le e-commerce ou la VPC, ce sont les interrogations liées à la livraison qui génèrent le plus d'appels. Le WISMO: Where is my order ?
La rédaction d'En-Contact.