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Les IA génératives vont secouer les services clients. L'Afrique en profitera.

Publié le 25 mai 2023 à 15:12 par Magazine En-Contact
Les IA génératives vont secouer les services clients. L'Afrique en profitera.

Depuis 25 ans, Charles-Emmanuel Berc, Président de Vipp-Interstis, a vécu trois mutations majeures dans son métier : les services clients, la télévente et le BPO. Il est convaincu que le continent africain peut profiter du bouleversement de l'IA pour consolider sa place de hub digital. En novembre, il participera à la première édition de l' Africa BPO Forum à Cotonou, Bénin. Interview exclusive.

Un récent article publié dans Les Échos vous présentait comme le trublion du secteur. Vous avez en effet innové, avec beaucoup d’agilité, dans quantité de domaines considérés comme clé dans l’univers du BPO Quels sont les futurs chantiers qui vous semblent prioritaires ?

Charles-Emmanuel Berc, Président de Vipp-Interstis © Edouard Jacquinet

Charles-Emmanuel Berc : Ce qui nous anime chez Vipp, c’est la volonté permanente de remettre en question l’existant, de l’améliorer. En réalité, il s’agit d’agir et de s’adapter. Ce début 2023 ouvre de très nombreux nouveaux chantiers. En premier lieu, nous positionner correctement par rapport aux IA génératives et à la déferlante qui va secouer le monde, des services clients.

Au-delà de la maîtrise de ces technologies que l’on propose à nos clients pour la satisfaction de leurs propres clients et la performance économique, nous positionnons le contact humain quand l’émotion est nécessaire, qu’il est primordial. C’est une opportunité.

Avec le déploiement de l’IA, le recours à un vrai conseiller doit être synonyme de valeur. Plus question d’échanger avec un humain pour décrire ou expliquer une procédure car l’IA sait la communiquer admirablement. Le conseiller doit être capable de sortir du cadre, prendre des initiatives d’actions pour rendre un service réel, quand le processus a trouvé ses limites.

En second lieu, sur la télévente, l’encadrement législatif des appels sortants de ce début d’année est une confirmation : celle du ras le bol de nos concitoyens vis à vis du harcèlement et des arnaques téléphoniques. La télévente est morte, vive la télévente ! Ce n’est pas parce que le « cold call » est mort que les ventes via le canal voix sont mortes. VIPP s’est mobilisé il y a plusieurs mois pour intégrer la dimension digitale au processus d’acquisition. Il s’agit pour nous d’une évolution saine que le marché doit suivre : l’entreprise doit répondre aux exigences des consommateurs et clients.

Enfin, à côté de la montée en puissance technologique de VIPP, je souhaite continuer à changer l’image de l’Afrique subsaharienne, désormais incontournable tant sur la partie BPO et sa dimension CX, mais aussi sur les technologies associées.  VIPP propose non seulement des prestations de BPO telles qu’entendues habituellement, mais également des prestations étendues. Nous avons la capacité aujourd’hui d’opérer de façon complète des processus complexes impliquant expertise IT, coordination et pilotage de différents fournisseurs de toute nature.

La concentration est en marche chez les plus grands acteurs du BPO, comme en témoigne le rapprochement Concentrix-Webhelp, et celui annoncé de Teleperformance-Majorel, il y a-t-il encore une place pour des acteurs francophones, indépendants, pourquoi?

CEB : J’observe ces rapprochements depuis trente ans et ils me laissent toujours perplexes. J’en comprends évidemment la logique financière, qui atteint cependant de plus en plus sa limite. Cette course à la taille bute sur l’approche unifiée qu’elle induit dans son offre. Elle laisse la place à des raccourcis néo-colonialistes dangereux : sur le marché francophone j’entends des prestataires appuyer leur cartographie en affirmant qu’en France on fait des prestations premium, au Maghreb du standard, en Côte d’Ivoire et au Sénégal du low cost et ailleurs du very low cost.

C’est bien évidemment inadmissible intellectuellement, mais concrètement, ça laisse l’opportunité aux prestataires indépendants et très agiles comme Vipp de démontrer qu’aujourd’hui, on fait du premium partout. La réduction à la pensée unique donne paradoxalement plus de force à des expressions alternatives. Sur le fond, l’Afrique est non seulement une destination ultra qualitative avec des salariés très motivés et bien formés pour proposer la meilleure qualité possible, mais aussi l’avenir avec des économies en forte croissance, une jeunesse bien formée et qui a grandi avec un smartphone dans la main. Cette confiance en l’avenir de nos salariés est comme le sourire, elle s’entend au téléphone :)

Dans le call-center de Vipp-Interstis à Yaoundé, Cameroun © Edouard Jacquinet

Selon vous quel impact pourrait avoir ChatGPT et à quelle échéance sur les prestations de service client ?

CEB : Chat GPT est une révolution pour la relation clients et notre secteur d’activité. On pourrait reprendre l’analogie de l’iPhone. Tout existait avant mais la façon dont Apple l’a proposé a changé la donne.

L’impact va être majeur et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle le rapprochement entre géants me laisse songeur. Ses développements vont être exponentiels. La réponse aux interrogations transactionnelles des consommateurs (80% des flux) par l’humain est compromise à très court terme. L’IA aura la possibilité de traiter la majorité des flux téléconseillers  dans un délai de 18 mois, poussant ainsi le métier à se réinventer, de la conception de ses missions jusqu’au rapport avec les marques. OpenAI a annoncé la possibilité d’utiliser Chat GPT dans des environnements maîtrisés, et non plus uniquement sur le Cloud. Ca va aller très vite, d’autant plus que les sociétés comme OpenAI vont se multiplier.

C’est donc la fin du téléconseiller tel qu’on le définit aujourd’hui. La relation entre les marques et les prestataires va elle aussi devoir évoluer. Et là encore dans cette évolution majeure, VIPP et l’Afrique devront saisir l’opportunité. Je nous sais suffisamment « roseau » dans l’âme pour accompagner ce nouveau souffle.

Vous êtes l’un des partenaires et l’hôte du 1er Africa BPO Forum. Qui espérez-vous y accueillir, quels seront les temps forts du Forum ?

CEB : L’Afrique poursuit son émergence et je regrette que si peu de gens s’en rendent compte en Europe. Le temps du quart-monde, ou l’on se plaisait à amener des stylos et des cahiers aux écoliers vers ces destinations est bien lointain. De partout, la volonté politique et l’ambition de la jeunesse africaine ont permis un développement tangible des économies. Ce continent s’affirmera bientôt comme le moteur et la force vive de l’économie mondiale. La tertiarisation de l’Afrique est en marche le continent est dès maintenant celui tout indiqué pour le BPO. De la dimension relation clients jusqu’à la réalisation de projets de développements informatiques, l’Afrique est prête. Reste à ce que nos entreprises françaises l’intègrent intrinsèquement dans leurs processus de décision.

Nous espérons donc accueillir les donneurs d’ordre français encore sceptiques et les convaincre définitivement que c’est là que cela se passe. Les anglo-saxons ne s’y trompent pas : ils le voient et le perçoivent. Ils initient de  très nombreuses actions pour recruter des centres de services en Afrique. Ce forum sera donc bilingue : je suis certain que cela créera de l’émulation.

Ce sera également l’opportunité d’écouter des politiques et universitaires africains qui donneront leur vision économique et sociale du continent et enfin, VIPP sera heureux de proposer une manifestation lors de l’une des soirées du Forum, pour mettre en valeur le riche patrimoine culturel de ces régions.

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