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«La centricité client dont ils parlent tous, c'est souvent l'arlésienne». Cédric Mathé, franc-tireur de l'expérience client

Publié le 10 novembre 2024 à 03:30 par Magazine En-Contact
«La centricité client dont ils parlent tous, c'est souvent l'arlésienne». Cédric Mathé, franc-tireur de l'expérience client

Grâce au Bottin du service, de l'expérience client et de l'hospitalité, identifiez et prenez contact facilement avec l'un des 800 prestataires français spécialistes de l'acquisition et de l'expérience client. La 5ème édition sortira en décembre 2024.

Les alternatives à Qualtrics, Salesforce, les spécialistes de la délégation d'hôtesses à Roland-Garros

Je m'appelle Manuel Jacquinet et j'ai créé, en 2000, un magazine professionnel sur les call-centers, le CRM, l'expérience client, celui dont vous lisez une partie des contenus, en digital. Hier soir, Orange, dont je suis un client fidèle, m'a demandé d'évaluer l'expérience vécue avec eux. Tout comme Fnac-Darty récemment. Dans les deux cas, le questionnaire adressé l'était grâce à Qualtrics, ça m'a interpellé. D'autant que, la semaine précédente, j'avais tenté de résoudre un problème de location de voitures Avis en dialoguant avec l'un des bots de SNCF Connect. Le site permet normalement de prendre un billet ET de louer une voiture. Dialoguer est un grand mot. Peut-on être ou devenir orienté client, customer centric, sans y consacrer des fortunes (car les actionnaires ne sont pas toujours aussi patients que ceux d'Amazon) et si possible en collaborant avec des partenaires agiles, vertueux, français. La proximité d'un partenaire et ce qu'il fait de vos données importent. 

Un Bottin, pour qui, pourquoi, avec qui dedans ? 

Je n'ai pas oublié pour ma part le rôle de Qualtrics dans le scandale* Cambridge Analytica. Je me suis demandé si dans les deux grandes entreprises que sont Orange et Fnac-Darty, on n'avait pas de mémoire, pas de temps pour identifier une alternative française pour faire du survey  basique ou trop peur de collaborer avec des PME. Et si oui, pourquoi ? Mais je sais que Fnac-Darty est également capable d'embarquer Mayday pour optimiser son service après-vente ou Custplace, une petite entreprise française de 20 salariés, pour ses avis clients longue durée, une réelle innovation. Et d'en être satisfait. La réponse à ma question est probablement dans les silos qui doivent exister à Ivry sur Seine ou à Montrouge. Les grandes entreprises, j'y ai travaillé, je m'en suis sauvé. Un bon consultant peut-il aider à casser les silos ? 

Je ne sais pas comment la SNCF a pu avoir un prix Elu Service Client de l'Année ou plutôt, je le sais trop bien. 

Il y a sept ans, En-Contact a donc décidé de créer un annuaire, le Bottin évoqué ci-dessous, afin qu'on puisse identifier les bonnes “tables”, parfois méconnues, de l'expérience client, de l'accueil, les spécialistes de l'envoi de SMS ou de RCS, enrichi avec des indications et recommandations issues de visites mystère, les chefs en devenir. Si le guide Michelin est une marque reconnue et inspirant confiance, c'est grâce à ses inspecteurs, qui payent leur note de restaurant. Et avant d'être leader mondial de son activité -et de faire par exemple des choses remarquables sur l'activité de Trust and Safety (la modération)- Teleperformance a été une PME, localisée notamment rue Firmin-Gillot. Lisez quelques témoignages éclairants de ceux qui y sont passés. 

Quinze catégories existent dans ce Bottin, dont certaines étranges, parce que de nouveaux outils ou de plus anciens sont utiles pour simplifier les parcours client, l'acquisition, l'engagement: le 30 octobre dernier, certains citoyens américains habitant l'un des swing states ont reçu 9 SMS dans la journée. Le premier à 8H30, le dernier à 22H. Le SMS et le RCS, les plateformes pour en envoyer s'avèrent décisifs dans l'expérience client, patient, visiteurs. Chez Chronopost ou Doctolib, la personne en charge des achats de CPaaS occupe un poste stratégique. 

L'équipe de médecins, psychologues qui prend soin de la santé des modérateurs en Colombie, chez Teleperformance. Le groupe y emploie 45 000 personnes et est le 1er employeur privé du pays. Crédit : Edouard Jacquinet. 

*Lisez le récit de Christopher Wylie, le whistleblower ex-employé par l'une de ces sociétés, dans The Guardian.  

Croitre et devenir profitable ? Soyez orienté client. 

“Cessez de raconter que vous êtes Customer Centric quand tout ce qui vous intéresse est l'ebitda de la fin d'année”. Ce petit coup de gueule, prononcé par T.C, un ex-directeur de l'expérience client un peu trop passionné, a provoqué son départ de l'entreprise. Il comporte une part de vérité. Il faut des gens pour nommer les choses. Est-il simple d'identifier ces oiseaux rares ?

Cédric Mathé, puncheur mais plus diplomate que TC et couteau suisse du changement, est l’un des rares et très bons consultants spécialistes en expérience client en France. Il plaide pour un retour aux basiques, comme d’écouter vraiment la voix du client, “ce que tout PDG devrait faire”. Il apparaitra en bonne place dans la catégorie consultants CX, l'une des quinze du Bottin En-Contact, 5ème édition. Sortie en décembre 2024.  

Le prochain Bottin du service et de l'expérience client, une sorte de “guide Michelin” de ces métiers stratégiques.

L'éditeur a pris soin d'identifier les oiseaux rares, spécialistes de l'IA, du call-blending, des parcours clients. "On n'est pas ou plus obligés de collaborer avec des grandes sociétés de conseil pour se faire aider à améliorer ses parcours clients ou son accueil, indique l'éditeur. 

Quelques autres exemples de spécialistes référencés. 

Direction de plateaux de télévente, connaissance de l'omnicanal. 

Sandrine Bodo, à Chambéry, qui avait créé et dirigé Pro Contact, a été récupérée et embauchée par Jean Lain, un important concessionnaire automobile de Rhône-Alpes, pour diriger son centre de contacts internalisé. Normal, c'est l'une des rares entrepreneuses du télémarketing affichant trente-cinq ans de métier. Tout comme Flaubert passait au gueuloir les phrases imaginées pour ses romans, Sandrine peaufine les scripts et les argumentaires avant de les faire tester par ses collaboratrices. Un soin du détail remarquable. Que pense-t-elle de Diabolocom, récemment embarqué ? 

Sandrine Bodo et Manuel Jacquinet, 2023. Sur le plateau internalisé de Jean-Lain automobiles, qui a créé son propre centre de contacts, il y a une quinzaine d'années. 

Laurent Kaïd, ex-directeur du centre de Gennevilliers. L'un des trésors de la banlieue nord de Paris. 

Analyse de la voix du client et des conversations. Nicolas Panel, le fondateur de Callity ? Lisez ce qu'en dit le DG d'une des filiales de Santiane, courtier en assurances leader: “ ils ont développé l'outil de speech analytics et d'analyse des conversations qu'on avait rêvé de créer”.

Market place de l'IA appliquée à l'expérience client. Comete.ai est à ce jour la seule entreprise française créée sur cette bonne idée qu'un courtier en solutions technologiques et BPO pourrait accompagner utilement des ETI, grands groupes. Frédéric Donati et ses compères savent de quoi ils parlent : ils ont été la cheville ouvrière de B2S, Comdata, Konecta. 

L'annuaire sortira en Décembre 2024 et référence plus de 800 professionnels, recensés dans des catégories homogènes :accueil téléphonique, mesure de l''expérience collaborateurs, éditeurs de plateformes CPaaS, spécialistes de l'IA, du mystery-shopping, du RCS. Parler encore d'accueil téléphonique fera sourire certains, quand certains parlent de callbots dopés à l'IA. Lisez plutôt les raisons de la collaboration entre Concentrix et Phone Régie (groupe Armonia).

 Interview de Cédric Mathé 

D’où viens-tu, quelles sont les grandes étapes qui furent instructives et t’ont permis de devenir un consultant expert des questions de relation et d’expérience client ?
Cédric Mathé : D’une part, j’ai une connaissance très large de l’expérience client et de la vente, car je ne viens pas des centres d’appels ! J’ai d’abord exercé des responsabilités dans le commerce et le marketing avant d’évoluer vers la relation client et la vente à distance. Ne penser qu’en termes de centres de contact, c’est déjà brider la vision et l’action. D’autre part, j’ai eu la chance de vendre et d’animer des réseaux de collaborateurs non-salariés sans avoir de levier hiérarchique. Mon sens naturel de la relation client et commerciale s’est affûté sur le terrain, où le diplôme compte peu. J’ai appris à manager sans hiérarchie, sans prime variable, etc. J’ai ensuite assumé des fonctions centrées sur la satisfaction client ainsi que sur la performance marketing et commerciale. J’ai été très rapidement confronté aux silos au sein des entreprises, mais j’ai pu conduire de belles innovations transverses !

Une fois mes appétits de « manager étoilé » assouvis, le métier de consultant m’a permis d’aborder des problématiques plus variées, dans des secteurs différents. J’ai ainsi pu travailler dans des secteurs aussi divers que le retail et le e-commerce avec Rue du Commerce, Blancheporte, Office Depot, ainsi que dans des domaines comme l’éducation avec Kosmos, la santé avec Pharmadyne, le photovoltaïque avec Sunvie, ou encore les énergies renouvelables avec Everwatt. J’ai participé à des projets de sélection, d’implémentation d’outils de gestion de la relation client, à la co-construction de méthodes clés pour l’expérience client, ainsi qu’à des réorganisations de services clients et commerciaux. En revanche, en tant que consultant, je suis souvent frustré de ne pas pouvoir aller plus loin !

Le magazine CEC # 10

Quelles rencontres t’ont marqué professionnellement et pourquoi ?
CM : J’ai eu la chance d’être managé par des patrons exceptionnels dans le commerce, mais aussi dans le secteur banque et assurance. J’ai également eu la chance d’être un « early adopter » d’outils comme Salesforce, Vocalcom, iAdvize ou feu Télémétris (désormais BVA) à leur début en France. Rencontrer des capitaines d’industrie ou des visionnaires – comme Anthony Dinis – m’a aussi permis d’évoluer et de penser en dehors du cadre. Enfin, et surtout, les associations professionnelles ou les lieux d’échange jouent un rôle essentiel dans mon approche. J’ai également eu la chance de participer à plusieurs magazines professionnels. J’ai longtemps co-présidé activement l’AGORA des Directeurs de l’expérience client, aux côtés de visionnaires comme Philippe Laulanie de BNP, Fabrice André d’Orange, Agnès Rosoor de TF1, et Aude de Laval de Conforama. Depuis près de dix ans, j’assiste régulièrement à ECTFF,  le French Forum de La Baule, qui permet de s’ouvrir à de nouvelles perspectives et à des innovations, tout en faisant de belles rencontres qui débloquent souvent des situations ou des brainstormings ! Et surtout, j’ai eu la chance d’avoir des clients, internes ou externes, exigeants et formidables, qui m’ont fait confiance. Merci à eux. Comme toujours, il n’est de richesse que d’hommes !

Quel est ton métier désormais et quels avantages et limites existe-t-il à être une petite structure, un indépendant ? Peut-on être un bon consultant sans toucher de fees de la part des éditeurs ? Quelle indépendance as-tu vraiment ?
CM : Mon métier reste d’accompagner une entreprise sur l’expérience client et commerciale qu’elle offre ! Vaste programme et cela l’avantage. Il est ainsi possible de cumuler rapidement des expériences et des expérimentations. Même si la tentation de chercher des revenus récurrents est grande - c’est le talon d’Achille du conseil - l’indépendance permet d’être plus libre, dans les faits et dans sa tête ! Oeuvrer dans une petite structure est un défi, surtout lorsqu’on vient de grands groupes où l’on occupait des fonctions de management. Quand l’imprimante ne fonctionne pas, c’est à vous de vous en occuper. Mais l’administratif reste pour moi une punition !

Qu’observes-tu et qui t’étonne dans tes interventions, et plus globalement en matière d’expérience client, dans les sociétés que tu connais ou dans lesquelles tu interviens ?
CM : Tout d’abord, la fameuse « centricité » dont tout le monde se targue n’est pas si présente et développée que cela ! En effet, je pense que la notion de service n’est pas assez « ancrée » dans les entreprises françaises en général. Dans l’esprit français, les mots service, servitude et serf sont trop proches ! Je préfère le terme espagnol « atención al cliente » ou « customer care ». Par exemple, alors que nous croulons sous les données quantitatives et qualitatives de feedback client (études, NPS, CES, etc.), combien de dirigeants ont la capacité d’écouter eux-mêmes une interaction ou une réclamation client, chaque semaine ? Je reste également toujours surpris par la capacité française à « siloter » les sujets et les responsabilités ; l’expérience client en pâtit souvent.

Je suis persuadé que le secret des entreprises performantes réside dans leur capacité à aligner en permanence l’organisation commerciale, le marketing, le service client et la DSI sur la performance commerciale, axée sur le client et le prospect. C’est lui qui nous fait vivre ! Garder le cap de la satisfaction client et de la performance commerciale nécessite un exercice d’introspection complexe pour les entreprises !

Un exemple de mission qu'il a menée. Pour une société de maintenance de produits d'électroménager blanc, prévoir les pièces détachées qui seront utiles au technicien, éviter les biais (un technicien qui a une pièce détachée à disposition a tendance à l'utiliser, car cela fait plaisir au client, qui évalue l'intervention avec une meilleure note). Evaluer le parcours client, les process intégrant le diagnostic par téléphone, la planification de la visite etc. Grâce notamment à une réglage du modèle prédictif en fonction du coût global et non du taux d'erreur, 1 million d'euros économisé. Etude détaillée en page 28 du CEC numéro 10.

Manuel Jacquinet. 

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