«La centricité client dont ils parlent tous, c'est l'arlésienne». Cédric Mathé, franc-tireur de l'expérience client
“Cessez de raconter que vous êtes Customer Centric quand tout ce qui vous intéresse est l'Ebitda de la fin d'année”. Cédric Mathé, puncheur et couteau suisse du changement, est l’un des rares et très bons consultants spécialistes en expérience client en France. Il plaide pour un retour aux basiques, comme d’écouter vraiment la voix du client, “ce que tout PDG devrait faire”. Il apparaitra en bonne place dans la catégorie consultants CX, l'une des quinze du Bottin En-Contact., 5ème édition. Sortie en décembre.
Le prochain Bottin du service et de l'expérience client, une sorte de “guide Michelin” de ces métiers stratégiques.
L'éditeur a pris soin d'identifier ces oiseaux rares, spécialistes de l'IA, du call-blending, des parcours clients. "On n'est pas ou plus obligés de collaborer avec des grandes sociétés de conseil pour se faire aider à améliorer ses parcours clients ou son accueil, indique l'éditeur.
Quelques exemples ? Cédric Mathé, c'est du concret, du ROI en barre. La liste des chantiers qu'il a menés récemment et des conclusions auxquelles il est parvenu est éloquente. Et à découvrir dans les Cahiers de l'Expérience Client, numéro 10. .
Sandrine Bodo, à Chambéry, qui avait créé et dirigé Pro Contact, a été récupérée et embauchée par Jean Lain, un gros concessionnaire automobile, pour diriger son centre de contacts internalisé. Normal, c'est l'une des rares entrepreneuses du télémarketing qui a trente-cinq ans de métier. Tout comme Flaubert, qui passait au gueuloir les phrases imaginées pour ses romans, Sandrine peaufine les scripts et les argumentaires avant de les faire tester par ses collaboratrices. Un soin du détail remarquable. Que pense-t-elle de Diabolocom, récemment embarqué ? Nicolas Panel, le fondateur de Callity ? Lisez ce qu'en dit le DG d'une des filiales de Santiane, courtier en assurances leader: “ ils ont développé l'outil de speech analytics et d'analyse des conversations qu'on avait rêvé de créer”
L'annuaire sortira en Décembre 2024 et référence plus de 900 professionnels, recensés dans des catégories homogènes : accueil téléphonique, mesure de l''expérience collaborateurs, éditeurs de plateformes CPaaS, spécialistes de l'IA, du mystery-shopping, du RCS.
Cédric Mathé, consultant, expérimenté, indépendant, cultivé. Le Prytanée forme des esprits rigoureux.
Il croit en l’expérience client opérationnelle, adaptée aux enjeux business des entreprises qu’il accompagne depuis dix ans. Avoir œuvré dans le commerce et côtoyé des patrons ou entrepreneurs innovants, voire out of the box sont les deux chances que Cédric Mathé reconnait avoir eues. Il a su les transformer et surtout conserver une indépendance bien rare dans le monde des consultants.
D’où viens-tu, quelles sont les grandes étapes qui furent instructives et t’ont permis de devenir un consultant expert des questions de relation et d’expérience client ?
Cédric Mathé : D’une part, j’ai une connaissance très large de l’expérience client et de la vente, car je ne viens pas des centres d’appels ! J’ai d’abord exercé des responsabilités dans le commerce et le marketing avant d’évoluer vers la relation client et la vente à distance. Ne penser qu’en termes de centres de contact, c’est déjà brider la vision et l’action. D’autre part, j’ai eu la chance de vendre et d’animer des réseaux de collaborateurs non-salariés sans avoir de levier hiérarchique. Mon sens naturel de la relation client et commerciale s’est affûté sur le terrain, où le diplôme compte peu. J’ai appris à manager sans hiérarchie, sans prime variable, etc. J’ai ensuite assumé des fonctions centrées sur la satisfaction client ainsi que sur la performance marketing et commerciale. J’ai été très rapidement confronté aux silos au sein des entreprises, mais j’ai pu conduire de belles innovations transverses !
Une fois mes appétits de « manager étoilé » assouvis, le métier de consultant m’a permis d’aborder des problématiques plus variées, dans des secteurs différents. J’ai ainsi pu travailler dans des secteurs aussi divers que le retail et le e-commerce avec Rue du Commerce, Blancheporte, Office Depot, ainsi que dans des domaines comme l’éducation avec Kosmos, la santé avec Pharmadyne, le photovoltaïque avec Sunvie, ou encore les énergies renouvelables avec Everwatt. J’ai participé à des projets de sélection, d’implémentation d’outils de gestion de la relation client, à la co-construction de méthodes clés pour l’expérience client, ainsi qu’à des réorganisations de services clients et commerciaux. En revanche, en tant que consultant, je suis souvent frustré de ne pas pouvoir aller plus loin !
Quelles rencontres t’ont marqué professionnellement et pourquoi ?
CM : J’ai eu la chance d’être managé par des patrons exceptionnels dans le commerce, mais aussi dans le secteur banque et assurance. J’ai également eu la chance d’être un « early adopter » d’outils comme Salesforce, Vocalcom, iAdvize ou feu Télémétris (désormais BVA) à leur début en France. Rencontrer des capitaines d’industrie ou des visionnaires – comme Anthony Dinis – m’a aussi permis d’évoluer et de penser en dehors du cadre. Enfin, et surtout, les associations professionnelles ou les lieux d’échange jouent un rôle essentiel dans mon approche. J’ai également eu la chance de participer à plusieurs magazines professionnels. J’ai longtemps co-présidé activement l’AGORA des Directeurs de l’expérience client, aux côtés de visionnaires comme Philippe Laulanie de BNP, Fabrice André d’Orange, Agnès Rosoor de TF1, et Aude de Laval de Conforama. Depuis près de dix ans, j’assiste régulièrement à ECTFF, le French Forum de La Baule, qui permet de s’ouvrir à de nouvelles perspectives et à des innovations, tout en faisant de belles rencontres qui débloquent souvent des situations ou des brainstormings ! Et surtout, j’ai eu la chance d’avoir des clients, internes ou externes, exigeants et formidables, qui m’ont fait confiance. Merci à eux. Comme toujours, il n’est de richesse que d’hommes !
Quel est ton métier désormais et quels avantages et limites existe-t-il à être une petite structure, un indépendant ? Peut-on être un bon consultant sans toucher de fees de la part des éditeurs ? Quelle indépendance as-tu vraiment ?
CM : Mon métier reste d’accompagner une entreprise sur l’expérience client et commerciale qu’elle offre ! Vaste programme et cela l’avantage. Il est ainsi possible de cumuler rapidement des expériences et des expérimentations. Même si la tentation de chercher des revenus récurrents est grande - c’est le talon d’Achille du conseil - l’indépendance permet d’être plus libre, dans les faits et dans sa tête ! Oeuvrer dans une petite structure est un défi, surtout lorsqu’on vient de grands groupes où l’on occupait des fonctions de management. Quand l’imprimante ne fonctionne pas, c’est à vous de vous en occuper. Mais l’administratif reste pour moi une punition !
Qu’observes-tu et qui t’étonne dans tes interventions, et plus globalement en matière d’expérience client, dans les sociétés que tu connais ou dans lesquelles tu interviens ?
CM : Tout d’abord, la fameuse « centricité » dont tout le monde se targue n’est pas si présente et développée que cela ! En effet, je pense que la notion de service n’est pas assez « ancrée » dans les entreprises françaises en général. Dans l’esprit français, les mots service, servitude et serf sont trop proches ! Je préfère le terme espagnol « atención al cliente » ou « customer care ». Par exemple, alors que nous croulons sous les données quantitatives et qualitatives de feedback client (études, NPS, CES, etc.), combien de dirigeants ont la capacité d’écouter eux-mêmes une interaction ou une réclamation client, chaque semaine ? Je reste également toujours surpris par la capacité française à « siloter » les sujets et les responsabilités ; l’expérience client en pâtit souvent.
Je suis persuadé que le secret des entreprises performantes réside dans leur capacité à aligner en permanence l’organisation commerciale, le marketing, le service client et la DSI sur la performance commerciale, axée sur le client et le prospect. C’est lui qui nous fait vivre ! Garder le cap de la satisfaction client et de la performance commerciale nécessite un exercice d’introspection complexe pour les entreprises !