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«L’ACPR ne dispose d’aucun pouvoir normatif. Et ils sont d’une incompétence notable»

Publié le 26 septembre 2025 à 11:00 par Magazine En-Contact
«L’ACPR ne dispose d’aucun pouvoir normatif. Et ils sont d’une incompétence notable»

L'ACPR, forte avec les vertueux, faible avec les escrocs du courtage, est-elle le gendarme de Saint-Tropez de l'assurance ?  

La question mérite d'être posée. En effet, le gendarme de l'assurance a mis six ans à réagir face aux escroqueries de la SFAM et de Sadri Fegaier. Mais déclenché récemment des angoisses métaphysiques chez Santiane, Armatis, Spirica, L'olivier Assurance, Anavie (Michael Sitbon) etc.. avec son courrier du 15 septembre. Le démarchage téléphonique réalisé depuis le Maroc ou hors EEE serait souvent illégal. Il faut que ça cesse, indique en substance l'autorité dans ce courrier, avec une clarté toute relative.

Lorsque Intelcia ou ADM Value, par exemple, prospecte des futurs probables assurés, depuis le Maroc ou le Sénégal, sont-ils dans l'illégalité ?Qu'est-ce qu'une succursale, qu'un recours abusif au démarchage téléphonique ? On a tenté hier de joindre Nathalie Aufauvre, la secrétaire générale de l'ACPR. Puis la cheffe de la brigade numéro 5, Anne-Laure Kaminsky. Sans succès. Elève studieux, on a envoyé des mails, ce qui est la procédure exigée. On attend la ou les réponses.  

Ce courrier mélange tout
Me Lionel Lefebvre et un autre spécialiste de l’assurance et du démarchage téléphonique dénoncent les insuffisances de l’ACPR, gendarme de l’assurance.. "fort en gueule mais peu rigoureux dans ses contrôles et ses affirmations. Et qui n'a pas le pouvoir normatif. 

En date du 15 septembre, l'ACPR a envoyé aux assureurs et courtiers, un courrier qui a déclenché une mini panique dans le secteur. Il laisse croire à l’illégalité du démarchage téléphonique et de la souscription de contrats d’assurance, dès lors qu’ils seraient conclus au Maroc ou en Afrique du Nord où quantité d'entités de téléprospection, de call-centers et de succursales sont installés. Sont évoqués le rôle de succursales, la distribution de contrats d'assurance, le recours abusif à des plateformes de centres d'appels hors EEE et localisées en Afrique du Nord, la nécessité de conserver durant deux ans les enregistrements de conversations téléphoniques. 

Un spécialiste du secteur et un avocat expert des spécificités de l’assurance dénoncent l’improvisation et le manque de rigueur de cette prise de position et plus généralement des services qui organisent les contrôles au sein de l’Autorité de contrôle. 

Avocat spécialisé du secteur de l’assurance, Me Lionel Lefebvre

Avocat spécialisé du secteur de l’assurance, Lionel Lefebvre ( Orid Avocats) explique pourquoi le courrier en question aurait dû rester dans la bannière de l’ACPR, tant il contient un mélange de constats et d'affirmations érronées :

"L’ACPR ne dispose d’aucun pouvoir normatif et ne peut considérer comme illégale des opérations considérées comme licites. Si elle venait à sanctionner des courtiers sur le fondement de qu’elle indique dans le courrier, elle serait retoquée par le Conseil d’Etat, sur recours

Le recours à des succursales pour distribuer des contrats d’assurance est parfaitement possible dès lors que la supervision de ces succursales est effective. 

Parler et évoquer d’abus signifie bien qu’il existe un droit de recourir à des succursales offshores"

Un second spécialiste du droit, qui désire rester anonyme, conforte la position de l’avocat associé d'Orid : « Le secteur de l’assurance et du courtage n’est pas peuplé que de gens honnêtes, il y a même un grand nombre d’escrocs, de gens peu regardants, qui vendent des assurances inutiles ou pour des risques déjà couverts ou qui vendent avec des méthodes illégales. Il faut donc qu’il y ait une police et des sanctions, personne ne le conteste. Et cette police, c'est l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui dépend, rappelons-le, de la Banque de France.   

Comdata à Casablanca

Mais l’ACPR a démontré ses insuffisances et son incapacité à faire des contrôles ou à faire peur. S'il y a tant de prestataires qui agissent hors des clous, c'est précisément parce que l'ACPR est défaillante, forte avec les faibles et faible avec les forts. 

La SFAM et les escroqueries d’Indexia n’ont jamais été relevées à l'époque. Pascal Evrard, de Viva Assurances a été sanctionné en 2022 mais continue d’opérer, par exemple, après avoir simplement changé de raison sociale. C’est probablement parce qu’elle veut faire croire qu’elle surveille les entreprises du secteur que ce courrier et ces mises en demeure surgissent maintenant. Le problème de l’ACPR est l’incompétence et le manque de travail ou de moyens de ses équipes. Pour avoir été en réunion parfois avec les brigades de contrôle, avant que ne soient prises des sanctions, j’ai été stupéfait de leur ignorance et légèreté. 

Le courrier que vous évoquez avait été émis en juillet puis retiré de leur site. On a pensé alors que l'ACPR avait compris son manque de rigueur. Il est réapparu mi-septembre et mélange tout. 

Il faut encadrer la distribution d’assurances et parallèlement, reconnaitre l’utilité du canal de vente à distance, qui permet d’avoir accès à des tarifs moins onéreux pour un contrat »

Un policier qui poursuit les gentils et laisse filer les escrocs ? 
Jointe par nos soins, l’ACPR n’a pas désiré ou pu répondre à nos demandes d’éclaircissement : son standard se borne à vous mettre en relation avec des interlocuteurs apparemment aux abonnés absents. Egalement sollicitée, Nathalie Aufauvre, sa secrétaire générale, n'est pas disponible. 

Six ans pour réagir : l'ACPR et la Banque de France et son contrôle bien tardif de la SFAM et de Sadri Fegaier
Une association de consommateurs a par ailleurs mis en demeure la Banque de France d'indemniser les clients lésés par la SFAM et Indexia ( l'UFC Que Choisir). Le procès de 2024 a également mis en lumière le fait qu’en dépit du caractère éminemment public des scandales SFAM depuis 2019, et le nombre de réclamations des consommateurs dès cette date, l’ACPR, organe de la Banque de France, a attendu la fin de l’année 2022 pour se décider à agir et le 27 avril 2023 pour adopter, enfin, une décision de suspension de l’autorisation du courtier d’exercer son activité de courtage en assurances. 

Les courtiers et assureurs vertueux défavorisés ? 
“Une conséquence plus grave résulte de tout ceci, complète Me Lefebvre: les assureurs et courtiers qui sont vertueux et respectent les règles se retrouvent désavantagés : respecter les procédures, s’équiper par exemple d’un contrôle de la conformité des ventes avec un système de speech analytics renchérit le cout d’acquisition d’un client. Au contraire, les courtiers borderline ne se préoccupent pas, eux, de se mettre en conformité”.

nb: différents services au sein de l'ACPR contrôlent les courtiers et assureurs. Dirigés notamment par Mary Cécile Duchon, Grégoire Vuarlot, Anne-Laure Kaminsky. 

La rédaction d'En-Contact. 

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