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Klarna, l'IA et le cours de bourse de Teleperformance. Un festival de fake news

Publié le 01 mars 2024 à 06:28 par Magazine En-Contact
Klarna, l'IA et le cours de bourse de Teleperformance. Un festival de fake news

La fintech Klarna, la tulipe de l’IA à l’œuvre ? Klarna, la fintech au service client d'humeur changeante et aux pertes abyssales a raconté un peu n'importe quoi dans un communiqué de presse peu crédible, sur l'efficacité de son callbot et d'une IA efficace. Pourquoi les analystes et journalistes sont-ils aussi…feignants ?

Teleperformance a vu son cours boursier chuter de 14% le 28 février 2024. Concentrix+ Webhelp, 2ème acteur mondial du secteur du BPO, a abandonné lui 11%. La raison invoquée reprise en cœur par les médias? Klarna, société suédoise de prêts en ligne, aurait révolutionné son service client grâce à l’IA. Une extrapolation à l'univers du BPO, ces prestataires spécialisés en service client notamment, fait craindre une bérézina à venir chez ces derniers. Ces proclamations ne résistent pas bien longtemps à l’analyse et s’apparentent surtout à une opération de communication bien menée, en vue d’une introduction en bourse. Elles révèlent, et c'est inquiétant, que la moindre annonce qui vient ajouter aux peurs et parfois aux annonces fabuleuses, ne passe pas au tamis d'une simple vérification, basique. 

Une IA remplaçant 700 personnes, c’est l’assertion principale de Klarna dans son communiqué de presse du 27 février 2024. Disponible 24h sur 24, 7 jours sur 7, en trente-cinq langues, l’IA d’assistance client de Klarna leur permettrait de réaliser 40 millions de dollars de profit, probablement en économies de personnel. 

Pourtant, la société reste étrangement floue sur la nature de cette IA. Son fondateur, Sebastian Siemiatkowski, expliquait dans un communiqué de presse du 30 août 2023 nouer un partenariat avec OpenAi, les créateurs de ChatGPT. Ce dernier n’est pas avare de déclarations sur le potentiel révolutionnaire de l’IA, clamant ces derniers jours : « Power of AI is now ». Pourtant, le partenariat n’est rien de plus qu’une version de ChatGPT dédiée aux entreprises : ChatGPT enterprise. Cette dernière revêt la forme d’un chatbot, aidant les employés. M. Siemiatowski clame que 2500 de ses 5000 employés s’en servent. 

En dehors de cet ajout, le fonctionnement du service client de Klarna reste traditionnel. Le numéro renvoie vers un call-center composé d’humains bien en chair, au terme de plusieurs minutes d’attente. Quant à l’application qui permet de discuter avec le chatbot « boosté à l’IA », elle renvoie à la moindre difficulté vers un conseiller « expert », intégré au chatbot. Intrigués, nous avons mené quelques conversations avec ses experts pour déterminer leur nature. Il s’avère rapidement que ceux-ci sont humains et, surtout, impatients face à nos questions. L’un d’entre eux nous a même révélé qu’un système l’aidait à rédiger ses messages, mais que celui-ci dysfonctionnait parfois.

Cette réalité bien terne face aux annonces tonitruantes cache probablement une manœuvre de communication rappelant la fureur des earnings dopés par le simple fait de prononcer « AI » le plus de fois possible. En effet, en janvier, le fondateur annonçait à Bloomberg vouloir introduire en bourse Klarna et viser une “valuation”, une valorisation de 20 milliards de dollars.

hé hé..

Le service client de Klarna est-il un bon terrain pour un tel test ?  

Cédric Théron, Clara Pumilia et bien d'autres clients de l'entreprise le racontent sur les avis clients de GMB, en France (Google My Business), Klarna ne répond pas toujours, rembourse mal, parfois pas, et accumule les erreurs et les boulettes en matière d'expérience client. En réalité, sur les appels ou sollicitations correspondant à des cas complexes, le once-and-done, la capacité à traiter bien la demande en une seule interaction n'est pas atteint. 

Dans ce domaine, l'entreprise joue en première division, pas loin de N26, la banque qui bloque les comptes des clients ou de HCR bien être, la nouvelle mutuelle imposée aux CHR et vendue par le courtier Diot Siaci. Elle aussi bien située dans la catégorie service client dopé aux callbots anémiques. On comprend alors la volonté de l'entreprise suédoise d'enrichir ses process de service client avec de l'IA. IA= probabilité de faire plus vite, moins cher. 

En résumé, quiconque connait de l'intérieur la réalité actuelle des services clients ou de hotline, écoute les conversations et les motifs d'appels, sait que l'IA apporte déjà des bénéfices incontestables, mais qu'avant quelques années, des agents bien formés ne seront pas remplacés dans les proportions évoquées dans les études.  

Si Klarna maitrise bien la technologie, suggérons lui d'aller aider un autre groupe né en Suède : Ikea, célèbre dans ce domaine du service client pour ses cuisines livrées en retard ou par petits bouts (le hashtag Ikea fucked my life est toujours très actif), ses pratiques de surveillance des salariés, sa consommation frénétique de bois, comme on pu le découvrir sur Arte récemment (merci Arte et Disclose). Tech for good, entend-on souvent. 

Nous avons, bien évidemment, tenté de joindre hier le Country Manager de Klarna en France et le service de presse monde de Klarna. Ils étaient injoignables. Comme il faut sourire de ceci, on a entamé la lecture apaisante d'un livre qui évoque ces petits arrangements avec la vérité : Clause de conscience, de Gilles Martin-Chauffier ( édité chez Grasset)

La rédaction d'En-Contact. 

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