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«Je suis la Che Guevara de BNP Paribas Cardif». Victoria Naibo à ECTFF, le Forum de l'Expérience Client, Patients.

Publié le 05 janvier 2024 à 06:48 par Magazine En-Contact
«Je suis la Che Guevara de BNP Paribas Cardif». Victoria Naibo à ECTFF, le Forum de l'Expérience Client, Patients.

Dans les pizzini de Victoria Naibo, Directrice Customer Advocacy chez BNP Paribas Cardif, qui évoque son parcours étonnant, depuis les concerts privés organisés chez Universal Music jusqu’au monde de l’assurance. Marketing d’acquisition, de rétention, émotionnel, la Che Guevara a presque tout fait. Lors de la 11ème édition d'ECTFF, invitée par KPAM et Laurent Garnier, Victoria a témoigné, comme avant elle d'autres personnages au parcours étonnant: Armelle Fichou ( DRH chez hipto) et Frank Colin ( Air Cocaine).  

Victoria Naibo, Directrice Customer Advocacy chez BNP Paribas Cardif

Elle partage aussi  dans cet entretien ses grands combats et la manière dont elle essaie, chaque jour, de redorer le blason de son secteur, « pour qu’on n’ait plus cette vision de  “l’assureur-voleur” ». Pacifique mais déterminée, Victoria a pourtant atterri dans l’assurance, presque sans y croire, et bien qu'elle ait saboté les entretiens de recrutement.

Concerts privés avec Lady Gaga

Je suis un pur produit marketing : études de marketing puis parcours très B2C dans les télécommunications chez Bouygues Telecom et plusieurs passages chez TF1 et Universal Music. J’ai fait du marketing d’acquisition, du marketing de rétention, du marketing émotionnel, ce qui était assez innovant pour l’époque. Beaucoup d’événementiel chez Universal qui proposait des concerts privés avec des stars comme Lady Gaga. J’ai adoré travailler chez Bouygues Telecom, parce que c’était un marché très concurrentiel, qui nécessitait de s’adapter en permanence. Et puis Free est arrivé et nous a tous énormément chamboulés, à tel point que j’ai eu un doute sur la capacité de mon employeur à relever le défi. Alors, je me suis dit que c’était le moment de partir par la grande porte, tant que ça se passait bien. J’ai alors décidé de créer ma boîte, spécialisée dans l’accompagnement des entreprises et la gestion de la motivation des collaborateurs au service de l’efficacité : je m’étais rendue compte que j’aimais faire en sorte qu’il y ait une bonne ambiance au boulot et que personne n’ait la boule au ventre en allant travailler : on y passe énormément de temps, au travail !

Malgré les sabotages, atterrissage, non planifié, chez BNP Paribas Cardif

Durant cette période, je suis  appelée par un ancien collègue de Bouygues Telecom qui était entré chez BNP Paribas en tant que directeur marketing, et qui me propose de rejoindre BNP Paribas Cardif pour y créer l’activité expérience client. Je refuse en bloc : pour moi, les assurances, c’est associé à voleurs et chiant à mourir. Il insiste, me rappelle encore et encore jusqu’à ce que j’accepte de passer un entretien, puis un deuxième, un troisième et ainsi de suite jusqu’à ce que je sois embauchée, malgré mes tentatives de « sabotage » comme de venir mal habillée, à chaque fois. Nous sommes en 2014, et au bout d’un mois, je rédige un rapport d’étonnement dans lequel j’évoque une forme de surprise : en interne, on ne fait que dire que le client est au cœur de nos préoccupations, mais toutes les décisions prises le sont pour favoriser la conquête ou la gestion du risque. Le client est bien absent de tout ceci. Mes interlocuteurs semblent surpris alors que dans mon esprit, je n’évoque que des évidences, de vraies banalités pour une ex-professionnelle des télécoms. Dans le milieu de l’assurance, elles semblent des découvertes ! 

Ça a donc été une super opportunité parce que j’ai eu l’occasion de pouvoir repartir de zéro, d’une quasi page blanche : on a alors  lancé un parcours d’études, un programme d’écoute des clients, on s’est même mis à évaluer l’orientation client des collaborateurs.

Rénovation de l’expérience assuré, du sol au plafond

Au même moment, j’ai la chance de rencontrer Daniel Ray, chercheur à la Grenoble École de Management, qui a monté le Customer Orientation Score, un test de neurosciences qui permet de mesurer l’orientation client intrinsèque des personnes. Lorsqu’on a fait passer ce test à l’ensemble de l’entreprise, les résultats n’ont pas été bons. Et plus on monte dans la hiérarchie, moins ils étaient bons, ce qui n’était pas très étonnant. Ces personnes ont été recrutées à leur poste parce qu’elles étaient de bons financiers. Mais ça ne suffit pas, il faut également être orienté client, de manière à prendre de bonnes décisions. Nous décidons alors de mettre plusieurs choses en place pour créer des déclics. D’abord, la minute clients, lors de chaque Comex : nous écoutons l’enregistrement d’une conversation, d’un appel, qu’il soit positif ou négatif, prenons connaissance d’ un courrier, d’une réclamation afin que tous se rendent compte de ce qu’est un client ; qui n’est pas forcément quelqu’un qui gagne 50KE par mois, c’est quelqu’un qui peut gagner 1200€ pour son foyer et que l’on met dans l’embarras si nous mettons des semaines à l’indemniser. Ensuite je mets en place la double écoute sur les centres d’appels, ce qui aura le double effet aussi démontrer aux collaborateurs que les membres du Comex s’intéressent à leur métier.

Un jour, alors que le directeur général écoute l’appel d’une bénéficiaire désespérée face à l’incompétence administrative des services (alors qu’elle est en pleine succession), la situation provoque  une véritable prise de conscience et  permet d’accélérer les changements en cours. Puis nous lançons la customer room, inspirée de la maison d’Anne Frank à Amsterdam, expérience immersive qui m’avait bouleversée. Puisqu’il est impossible d’aller chez les clients, il faut trouver un moyen de faire venir le client chez nous. On a donc recréé complètement et dans nos locaux  la maison d’un véritable client, qui avait été victime d’un accident domestique,. Parallèlement, nous organisons, une fois par trimestre, des rencontres clients avec le Comex afin de disposer de feedbacks de la part de clients. Je me suis rendu compte alors que je désirais provoquer une autre petite révolution, grâce à ces transformations : changer l’image de l’assurance aux yeux de nos clients afin qu’ils puissent dire : « moi, mon assureur, il est là quand j’en ai besoin ».

L’une des plus grandes satisfactions obtenues a été très concrète: les NPS ont explosé. Ce que j’en ai retenu est que la principale difficulté a été et reste la résistance au changement et le fait de parvenir à convaincre en interne que la satisfaction des client ne s’oppose pas au new business.

Le vendredi, on n’envoie pas de mails, on se déplace

Tout le groupe, moi y compris, effectue deux jours et demi de télétravail par semaine. De mon côté, j’essaie de m’organiser avec mon Codir et mes N-1 pour que nos réunions se fassent en présentiel. Ma journée type souffre de réunionnite aiguë, alors je travaille le soir, après toutes mes réunions. Malheureusement je crois bien que ce n’est pas loin d’être la même chose pour mes N-1. Dans mon ancienne boîte, on faisait en sorte de ne s’envoyer aucun mail le vendredi et de se déplacer s’il fallait communiquer. J’ai essayé d’importer ceci chez BNP Paribas Cardif : le vendredi, pas de réunions. Le problème, c’est que tout le monde sait que je suis « libre » le vendredi, alors je reste très sollicitée. Mais, d’une manière générale, j’essaie d’avoir le vendredi un peu plus loose de façon à pouvoir travailler sur des présentations que je dois rendre pour les semaines suivantes, sur de nouvelles opportunités de cohésion d’équipe…

Hyperactive

J’adore voyager, mais je ne trouve pas toujours le temps de le faire, ou de pratiquer du sport, ce que j’ai beaucoup fait. Je suis un peu une hyperactive. Je travaille beaucoup et je dors très peu. Pour l’instant je tiens le coup, car je suis passionnée par ce que je fais et que je ne considère pas  comme une simple mode de se centrer autour du client, au contraire. Je suis la Che Guevara de la BNP Paribas Cardif.

En Contact n°130

Tuer les processus. Le bouquet de fleurs

Nos enjeux actuels tournent autour de l’expérience collaborateurs, des bons usages de l’intelligence artificielle : comment moins solliciter nos clients, et  favoriser davantage  l’émotion et l’humain. Je suis persuadée qu’on va revenir à des basiques comme la dimension humaine, encore plus dans l’assurance. Voilà pourquoi je suis très axée en ce moment sur des sujets qui peuvent apparaitre comme revival, vintage, des petites attentions pour nos clients, des choses tangibles tel un bouquet de fleur qui les attendrait chez eux après un sinistre, une carte « bienvenue chez vous » . 

Une autre piste de travail concerne les usages adéquats de l’intelligence artificielle pour récupérer du feedback, tout en arrêtant de solliciter les clients. Et en la mettant au service de l’expérience collaborateurs. Il faut faire comprendre aux collaborateurs que la nouvelle façon de travailler sera au final beaucoup plus satisfaisante que les anciens processus. L’automatisation de tâches à faible valeur ajoutée  va permettre à nos équipes de se consacrer entièrement à créer du lien avec le client. Et pour créer le lien, je demande à mes équipes d’arrêter de réfléchir comme des employés de BNP Paribas Cardif, et de se demander plutôt ce qu’ils aimeraient qu’on leur fasse vivre à eux en tant que client. Il y a quelques années, j’avais lancé le « qu’est-ce que tu n’aimerais pas qu’on fasse à ta grand-mère ? ». L’an dernier, nous avons monté des formations de gestion des émotions pour que les collaborateurs puissent entrer dans l’émotion avec le client et prendre du recul. Afin de ne pas rentrer le soir abattus par la misère des autres. 

Baudelaire disait que « le génie, c’est l’enfance retrouvée à volonté ». Qu’est-ce que cette phrase vous inspire ?

Je trouve qu’il est important de conserver un regard neuf. Je n’adhère pas forcément à cette culture du changement de poste tous les trois ans qu’on a, par exemple à la BNP. Lorsqu’on est bien dans ce qu’on fait, si l’on a encore un regard neuf, je trouve que c’est bête de changer. En l’occurrence, si vous êtes toujours offusqué de ce qui se passe, c’est bon signe : vous êtes encore en capacité de faire en sorte que ça change. Pour ma part, j’ai encore ce regard de novice, comme si je venais d’arriver. 

Propos recueillis par Bastien Gerboud, lors de la 11ème édition de ECTFF, le Forum de l'expérience client. Victoria Naibo y est venue, avec le partenaire qui l'a aidée dans la réflexion sur les parcours clients, KPAM ( Laurent Garnier )

Propos recueillis par Bastien Gerboud

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