"Google organise un séminaire pour la défense des mers et du climat. En Sicile." (Clause de Conscience)
“Google organise un séminaire pour la défense des mers et du climat. On attend le gratin de Hollywood. On veut des images de L.D, il compte démissionner de son poste de ministre de l'Ecologie sous prétexte que Macron traine des pieds.”
Grâce aux extraits qui suivent, découvrez "Clause de Conscience" (Grasset) de Gilles Martin-Chauffier, un ouvrage qu'on conseille, drôle et décapant. On y évoque les journalistes, leurs pratiques, leurs déjeuners, Mimi Marchand, Paris Match et tous ceux qui font des pieds et des mains pour y apparaitre !
Grâce aux extraits qui suivent, découvrez la tonalité et le sujet du livre, publié chez Grasset Et lisez ensuite l'entretien que nous a accordé Gilles Martin-Chauffier, son auteur.
Quand on évoque la collègue du journal, journaliste spécialiste du Vatican.
P. 107 - 108 : « Quand elle donnait des dîners, Carette, le traiteur du Trocadéro, prenait tout en main. Du coup, d’habitude, je l’emmenais au chinois du coin. Cette fois-ci, pour profiter de l’été, on est allés aux Petites Mains, sous les arcades du Palais Galliera, au bout de la rue. Le musée en parle comme de sa guinguette. Une vraie blague : chaque table empeste la fashion week, la bourgeoisie accessoirisée, la dircom liftée et le branché 2.0. Rien à voir avec le petit vin blanc, les bals musette et Casque d’or. On a pris deux soles mais, avec elle, au menu, ce que je préfère, ce sont les commérages. Et là, c’est buffet à volonté. Elle connait tout le monde à Paris. Parmi ses copains d’enfance, il y avait « Vincent ». Elle avait été en classe avec une de ses sœurs. À moins qu’elle l’ait connu au Rallye Ségur. Ou au Racing. Ou dans je ne sais quel Summer Camp. Ces enfants de millionnaires fréquentent tous les quinze mêmes endroits. En tout cas, elle l’appelait par son prénom. Selon elle, il avait déjà glissé un pied dans la porte de Scoop.
Quand on évoque l’intérim au poste de rédacteur en chef, l’été.
P. 126 – 127 : En juillet, Edith partie pour Saint-Trop, impossible d’y couper. Une fois par an, c’était ma mission par intérim. En particulier le mardi, jour de la conférence générale où tous les journalistes proposent des sujets de reportage ou d’enquête. À croire qu’Air France sponsorise la réunion : ils ont toujours de lointains sujets brûlants. Ce jour-là, ils sont tombés sur un os : Fallet aidant, j’étais plus terroir que jamais. J’ai refusé à Monica une invitation à Los Angeles pour l’interview de Charlize Théron parlant de son prochain film. Qui a envie de lire le bla-bla d’une star ronronnant sur ses partenaires, son metteur en scène et le sens de son rôle ? J’ai aussi envoyé promener la critique d’art qui voulait passer deux jours à Amsterdam pour une expo Frans Hals ou Ruysdael ou je ne sais plus qui. Un génie, en tout cas, qui avait peint un poisson auquel ne manquait aucune écaille, ni aucune nervure de nageoire. Elle n’en revenait pas. Même les algues et les cailloux au fond de l’eau semblaient pris en photo. Au passage, sur un ton rebelle, elle s’est moquée des œuvres contemporaines de François Pinault ou de Bernard Arnault auxquelles nous consacrions rituellement des pages. Elle était remontée :
« Parce que ce sont de gros annonceurs publicitaires, on couvre d’hommages leurs croûtes alors qu’on passe sous silence les grands maîtres qui, eux, savaient tenir un pinceau. »
Comment c'est, un déjeûner avec la patronne d’une agence photos, bien renseignée ?
P. 135 – 137 : « Bon, ok. On va pouvoir s’entendre. Mais dis-moi la raison de ce déjeuner. Tu n’es pas venue pour me faire la danse du ventre ». En effet, Madame avait une idée. Excellente, d’ailleurs. Un vrai sujet marrant pour Scoop :
« Google organise un séminaire pour la défense des mers et du climat. En Sicile, dans un palace coupé du monde, un vrai raout, luxueux comme Carthage. Une police privée va se charger d’écarter les curieux. On attend le gratin de Hollywood. Des chanteurs, des acteurs, des milliardaires, le gotha de la Silicon Valley. De Bill Gates à Léonardo DiCaprio, toutes les divas seront là. Or ces majestés viennent en avion privé. Ils ont réservé plus de 100 places pour leurs jets personnels sur l’aéroport de Palerme. ça ferait un sujet génial pour ton canard. Qu’est-ce que t’en penses ? »
Ce que j’en pensais ? J’étais au septième ciel. Je voyais déjà le titre du reportage : « Pleins gaz pour la planète ». Et j’allais pouvoir faire un petit cadeau à Monica : au lieu de Los Angeles, elle s’offrirait la Sicile. Elle a beau adorer les stars, elle leur ferait passer un sale quart d’heure. Sauf que je connaissais aussi Coco. Il y avait forcément anguille sous roche. La preuve : elle exigeait que les prises de vue soient faites par un de ses voyous habituels. Et pas par un photographe de Scoop. J’ai fini par lui arracher les vers du nez :« On veut des images de Laurent Defoix. Il compte démissionner de son poste de ministre de l’Ecologie sous prétexte que Macron traîne des pieds. Or il va à Taormina avec sa chef de cabinet. C’est sa maîtresse. On les veut en amoureux ; ça le calmera quand il partira en claquant la porte. Qui va tendre l’oreille aux leçons d’un mec qui se la joue VIP et batifole sans sa légitime ? » Quel français ! Elle charabiatait. Et elle me mêlait à ses combines. Bizarres mais tentantes. Je me tâtais encore quand elle m’a demandé de lui passer mon portable. Pourquoi donc ? Parce que la justice lui interdisait d’entrer en contact avec la direction de Scoop : « Même si tu n’es là que pour la figuration, je laisse mon iPhone au bureau quand je te rencontre. Des fois que le juge croirait que tu joues vraiment un rôle. »
Ce besoin de faire mal. Du coup, j’en ai rajouté dans le côté bien élevé et lui ai passé l’appareil. Le temps qu’elle aille faire ses petites magouilles, j’ai réglé la note. Sans me poser de nouvelles questions. J’aurais mieux fait. Mais c’est une autre qui me hantait depuis le début du repas. A son, retour, je me suis lâché : « Et Clémence ? Tu as des nouvelles ? Elle devait me faire signe. »
Pas question pour Coco de ménager ses proies. Elle m’a crucifié: « Réveille-toi, beau gosse. Clémence en a rien à foutre de toi. Ni de moi, d’ailleurs, ni de Frédéric. Elle se sert de nous, point barre. En ce moment, dans le dos de Frédéric, elle doit s’envoyer en l’air avec le débile tatoué qui partage l’affiche de son film. Elle nous voit comme on est. Tu te balades peut-être dans le XVIème comme un serpent dans l’herbe mais, dans Paris, t’es qu’une limace. Même si tu sors de Saint-Jean-de-Passy, côté ambition, t’es classe moyenne. Elle l’a déjà compris. Quand elle se décidera à jouer Lolita, ce sera avec Bernard Arnault au moins. Te fais surtout pas de film. Capito ? » Le pire, c’est que je ne l’ai pas crue.
Pour lire l'entretien accordé par Gilles Martin-Chauffier, c'est ici.