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Ecofax a mieux fonctionné que Bloctel. Jean-David Benichou.

Publié le 02 mars 2022 à 10:35 par Magazine En-Contact
Ecofax a mieux fonctionné que Bloctel. Jean-David Benichou.

Prospective de la prospection, par Jean-David Bénichou.

Au pic du fax-mailing, Ecofax a dû gérer 28% de désabonnements : il existait 3 millions de télécopieurs et 850 000 entreprises ne voulaient plus recevoir de fax publicitaires

Mais on voit très rarement un fournisseur se plaindre de harcèlement par ses clients Les entreprises ont toujours prospecté, elles vont continuer de le faire, avec quelles pratiques et quels fournisseurs, quelle vision de ce que supporte leur environnement ? Voilà la bonne question et le point de vue de Jean-David Bénichou (fondateur de Via Dialog).

Ecofax, l’ancêtre de Bloctel, pour les faxs.

En 2003 j’ai créé l’ADPCE, l’Association pour le Développement et la Promotion des Communication Electroniques. Je dirigeais I-Media, l’un des leaders européens de la diffusion de messages par Fax, E-mail, Téléphone et SMS, que j’avais fondé en 1992. I-Media était directement concernée par la transposition en droit français d’une directive européenne régulant le démarchage par voies électroniques, qui perturbait déjà la vie de nombreux français. Étais-je un spammeur fou et irresponsable ? J’espère que non, mais je l’ai souvent entendu dire. Nos diffusions concernaient majoritairement des cibles B2B.Dans le cadre des travaux de l’ADPCE, le rap- porteur avait intelligemment tracé la frontière entre l’opt-in (consentement préalable) pour les consommateurs et l’opt-out (désabonnement) pour les entreprises. A la suite de l’adoption parlementaire, la profession s’est autorégulée en créant Ecofax, une liste d’opposition à la prospection par télécopie, laquelle a géré jusqu’à 850 000 désabonnements sur un parc de 3 millions de télécopieurs. Ecofax a fermé ses portes le mois dernier.

Prospection directe, cold calling, spam, notifications mobiles, comment et pourquoi prospectons-nous ?

Le développement économique dépend intrinsèquement de la rencontre, idéalement au même moment, entre une offre adaptée et une demande non satisfaite. Soit cette rencontre se fait à l’initiative du client, qui initie une démarche active de recherche d’un produit, en se rendant dans une boutique, en achetant en ligne ou en participant à une foire ; soit elle se fait à l’initiative du vendeur, par visite inopinée, appels inattendus ou pli déposé dans une boîte aux lettres. On voit très rarement un fournisseur se plaindre de harcèlement de la part de ses clients. Et quand cela survient, c’est plutôt dans un centre de contact pour un litige. Ou lorsque certains vendeurs, qui organisent la rareté, se font parfois prendre à partie par des clients au désir contrarié. Ce dont notre actualité regorge, ce sont ces démarchages intempestifs, de personnes âgées, harcelées par des vendeurs indélicats.

Or, que nous dit la sociologie des consommateurs ? 

Qu’une minorité est agissante tandis qu’une majorité est attentiste. Certains d’entre nous, très vigilants, décident seuls quoi et quand ils consomment. La majorité, elle, accepte d’être prospectée, à l’affût d’une possible opportunité, tant que cela reste en dessous du seuil de nuisance et de risque. Mais la donne a pourtant changé avec l’avènement des réseaux sociaux. La collecte massive de données personnelles, les algorithmes d’analyse comportementale et l’économie de l’attention permettent à Facebook, Twitter, Snapchat, TikTok, mais aussi LinkedIn, Quora et Reddit d’afficher au bon moment, le bon message à la bonne personne. Et de passer en mode achat en un seul clic! Parce que la publicité digitale a bouleversé les usages de la prospection, offrant des niveaux de segmentations, de personnalisations et d’interactions tellement supé- rieurs à ceux du marketing direct, la prospection doit devenir tiède. La tentation de pratiquer des appels sortants s’explique : aussi longtemps que nous disposerons de numéros de téléphone, d’adresses e-mails et postales, nous donnerons aux fournisseurs la possibilité de nous contacter à leur initiative et par le canal de leur choix. Mais tous les acteurs de la chaîne ont intérêt à adopter sans tarder les usages des GAFAM, en introduisant au plus vite des outils à base d’IA pour créer des approches pertinentes, supportables. Et les téléprospecteurs méritent de retrouver le statut de téléconseillers.

A défaut, le législateur durcira toujours plus la réglementation ; comme le dit le proverbe, qui trop embrasse le prospect mal étreint le client.

Jean-David Bénichou [email protected]

 

Magazine En-Contact n°123

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