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Decathlon embarrassé par l’enquête sur le décès d’un intérimaire conduisant un Fenwick

Publié le 13 octobre 2024 à 10:00 par Magazine En-Contact
Decathlon embarrassé par l’enquête sur le décès d’un intérimaire conduisant un Fenwick

Un an après le décès de Mr Traoré, intérimaire délégué par l'agence Temporis chez Decathlon à la Madeleine, où en est l'enquête ? L'enseigne préférée des français dans le domaine du sport ne semble pas toujours accorder ses pratiques RH avec ses paroles. 

Mr Traoré, un intérimaire de 25 ans ( et non pas 35 comme le Parquet de Paris l'indique) est décédé au Decathlon de la Madeleine, lors de son premier jour de travail hier, Mercredi 11 Octobre. 

Deux enquêtes ont été ouvertes mais, selon nos informations, Mr Traoré n’aurait pas dû conduire le chariot élévateur qui l’a emmené vers la mort: Temporis, l'agence d'intérim qui l'a délégué sur place, n'était pas informée de la nécessité de conduire un chariot élévateur, selon le directeur de celle-ci. Une information de nature à rendre Decathlon responsable de l'issue fatale de cette mission et de la réparation du préjudice occasionné ?

Lieu du drame mortel chez Decathlon, Paris

Conduire un chariot élévateur, dans une voie d’accès pentue, parce que le hayon d'un camion ne fonctionne pas,  pour aller décharger des marchandises qui seront mises en vente ensuite en magasin n’était pas la mission, la job description pour laquelle l’intérimaire de l’agence Temporis de Montreuil avait été délégué chez le leader des articles de sport, en plein Paris. Il est décédé hier vers 9H30. 

“ Le travail qu'on a demandé à l'intérimaire d'effectuer ne correspondait pas à la fiche de mission pour laquelle nous l’avions embauché et envoyé sur place. Et Decathlon ne nous a pas informé d’un changement de nature de la mission, ce qui arrive parfois et peut être géré. Notre client* devait assurer de la manutention et un déchargement de camion" ajoute Morgan Boar, directeur de l'agence Temporis. “ Nous sommes dévastés, je le suis, ainsi que les collaborateurs qui ont suivi le dossier, et la famille que nous avons prévenue." * Chez Temporis, les intérimaires sont appelés des clients.

Decathlon semble embarrassé par les deux enquêtes qui ont débuté (Commissariat de Paris centre et Inspection du travail) au point de demander à des salariés membres du CSE de se tenir à un devoir de confidentialité. Le terme est marqué en rouge dans les mails ( que nous avons pu consulter) qui ont été envoyés à ces derniers par la coach organisation réseau, une appellation interne. Qui peut dans un tel cas partager des informations qu'il aurait ?

" Les membres du CSE y sont en effet tenus mais pas les autres témoins ou personnes présentes, qui peuvent décrire tout ce qu’elles ont vu, à la condition de ne pas raconter de mensonges" précise un avocat coutumier de ce genre d’enquêtes.

La colère est vive du côté de la CFDT qui avait émis, le lundi précédent, un droit d'alerte pour danger grave et imminent sur les conditions dangereuses de déchargement des camions sur le site. 

 

Les extraits de la vidéo

Ce qui s’est passé, selon quelques témoins sur place le jour de l'accident.
" Le magasin de la Madeleine est l’un des plus importants d’Ile de France et chaque jour, un gros porteur nous livre de la marchandise, que nous descendons avec un ascenseur, qui était en panne depuis plusieurs jours. La situation est assez dangereuse car il y a beaucoup de passage sur le boulevard de la Madeleine et des motos qui peuvent arriver assez vite (..)
L’intérimaire a dû recevoir une consigne de prendre le chariot élévateur et de descendre les marchandises. La voie d'accès au parking est pentue. Les freins auraient été défaillants, ce qui aurait été déjà signalé.  
Personne n’a vu l’accident, mis à part un témoin, a priori.
Mais il y avait déjà eu des incidents dans ce chemin, sans qu’ils aient abouti pourtant à un véritable accident du travail. Yannis Megal, représentant syndical de la CGT chez Decathlon Madeleine, a indiqué à l'un de nos confrères avoir été témoin de deux accidents causés par le même chariot élévateur. Ils auraient été notifiés au CSE, les 4 et 5 Octobre.

Lisa Maruskin

Décathlon embarrassé.

Sur place, notre journaliste été renvoyé vers le service de presse de Decathlon, sans pouvoir dialoguer avec Natacha Cattoire, la directrice du magasin concerné.
Les membres du syndicat CFDT indiquent que l’enquête, qui devait débuter ce jeudi, a été décalée et que les avocats de l’enseigne ont, dès hier, tenté de circonscrire tout ce qui est dit sur les faits. “En tant que lanceuse d'alerte, j'aurais dû être présente au début de l'enquête, ce qui n'a pas été le cas,” nous a indiqué Lisa Maruskin, déléguée CFDT et membre du CSE, vendeuse au magasin de la Madeleine. 

Ce que l'on sait déjà :
- la lettre de mission donnée et transmise par Decathlon à son partenaire, l’agence Temporis, va probablement peser lourd dans l'enquête, entamée hier.
 - il y aurait déjà eu un autre incident dans cette voie d'accès, avec un Fenwick ou chariot élévateur électrique.
- la CFDT avait émis un avis dans le cadre du droit d'alerte, le lundi précédent.
- même s'il y avait quantité de salariés au sein du magasin chez Decathlon sur place, l'accident survenu dans la rampe d'accès au parking souterrain n'aurait pas eu de témoin, sinon, peut-être, l'agent de sécurité d'un prestataire.
- les collaborateurs de Decathlon ne sont pas formés ni habilités pour conduire des chariots élévateurs sur site, ce qui a occasionné et occasionne fréquemment le recours à des agences de travail temporaire, telle Temporis.
- le parquet et l'AFP ont communiqué des informations erronées, sur l'âge du travailleur intérimaire, selon nos sources.     

Ci-après, le témoignage d'une salariée, vendeuse chez Decathlon Madeleine et élue CFDT, présente hier au moment des faits. 

Les enjeux:  l'expérience collaborateurs, la réputation de l'enseigne et l'indemnisation de la famille de Mr Traoré.

Decathlon, comme de nombreuses entreprises aujourd'hui, veille à l'expérience collaborateurs. Les mêmes sont d'ailleurs parfois tentées de communiquer sur le fait qu'elles sont labellisées Great Place To Work. “Mais il faut également servir les clients, produire du chiffre d'affaires et la Madeleine est à cet égard un vaisseau amiral pour le groupe. Disposer le plus vite de marchandises pour ne pas décevoir les clients, tout faire pour tenir délais et objectifs a peut être provoqué ce drame, confirme un salarié. Mais sur le sujet des RH, Decathlon doit progresser. Les fonctions RH, sécurité, y sont tenues par d'anciens vendeurs ou directeurs de magasins, qui ne sont pas de culture et de formation RH."

Voilà l'entreprise nordiste, l'une de celles préférées des français, emmenée dramatiquement dans une affaire compliquée. Le décès concerne un travailleur intérimaire, qui effectuait son premier jour de travail chez Decathlon, pour une mission qui devait durer une seule journée. Et la police va devoir enquêter. Avec rigueur, ce que le Parquet de Paris a plutôt mal entamé: partout, Mr Traoré est présenté comme un homme de trente-cinq ans, comme le Parquet l'aurait indiqué. L'intérimaire en avait vingt-cinq, selon son employeur, Temporis, 

Divers syndicats, dont la CGT et la CFDT, ont appelé à une mobilisation vendredi 13 octobre, devant le magasin de la Madeleine, à partir de 11H. 

Mr Traoré, l'intérimaire qui n'aurait pas du mourir ? Une enquête à lire dans le numéro 134 d'En-Contact. 

Manuel Jacquinet

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