Concentrix licencie des salariés qui ont de l'humour. Bruce Toussaint est journaliste sur TF1. Vrai, Faux ?
Le numéro 2 mondial des call-centers, Concentrix, aurait licencié, à Compiègne, un salarié appréciant Homer Simpson et désireux de recevoir sa paye à la date habituelle du mois. La CGT a relayé, considérablement, ce licenciement considéré comme abusif, ce “scoop” étant repris ensuite par TF1, Le Parisien, France 3 Régions, Oise Hebdo.. Le vrai du faux, dans un secteur, l'industrie des centres d'appels, où les approximations règnent. Et où les cours de Bourse des entreprises concernées peuvent être impactées par ce type d'incidents. Bruce Toussaint, par exemple, qui a relayé et commenté l'affaire, est-il journaliste, devin, qui semble déjà savoir quelle sera l'issue de ce dossier au Tribunal des prud'hommes ?
Les questions posées par le GIF de Loan et son licenciement, chez l'ex-Webhelp, numéro 2 mondial du BPO et la reprise médiatique de ce divorce sans consentement mutuel.
Loan Léton, licencié de Concentrix, l'ex-Webhelp, qui emploie 1200 salariés à Compiègne, l'a-t-il été à cause du GIF de Homer Simpson qu'il a diffusé ? Est-ce légal ? Concentrix est-il une great place to work ? Qui, parmi les nombreux médias qui ont relayé cette séparation entre un salarié et son employeur, a pris la peine de vérifier les faits auprès de Concentrix ? Leur eût-il été facile, dans ce cas, de contacter Concentrix, par exemple.. par téléphone ?
- Aucun média, journaliste n'a joint ou tenté de joindre Concentrix ? Les faits, tels qu'ils ont été relatés, par exemple par TF1 Info, accompagnés des sarcasmes de Bruce Toussaint: “Léon Léton, 23 ans, a été licencié de son entreprise près de Compiègne, pour faute grave. Sa hiérarchie lui reproche d'avoir envoyé un GIF d'Homer Simpson. Ses collègues se mobilisent pour contester son licenciement. Sa plaisanterie lui a valu de perdre son poste” Dans Le Parisien, l'incident est décrit comme suit (..) : L'entreprise a mis fin à son contrat le 9 octobre, après qu'il a envoyé un GIF, une image animée, représentant le personnage de dessin animé Homer Simpson sur Teams. Je voulais simplement détendre l'atmosphère, plaide-t-il en expliquant que l'échange entre les salariés et les RH devenait houleux sur la messagerie professionnelle, après l'annonce d'un versement de salaire. "mon licenciement pour faute grave est uniquement lié au GIF, dénonce Loan Léton. (publié le 21 octobre).
Le 19 octobre, sur le site du journal régional Oise Hebdo, illustré par de nombreuses photos du salarié et de ses parents et d'autres membres de la CGT, on trouve le titre suivant : Un salarié de Webhelp Compiègne se fait licencier pour avoir comparé la direction à Homer Simpson.
Le travail de fact-checking réalisé par les médias qui ont relayé. Plus de quinze grands titres de presse, de radios -dont RTL- de journaux télévisés ont repris l'information. Trois seulement ont questionné le récit fait par le salarié et la CGT : Capital, qui a titré: Un salarié a-t-il été licencié à cause d'un GIF d'Homer Simpson ? Ce que l'on sait de cette affaire rocambolesque ? (..) La direction dément.
Ainsi que: Actu.fr ( un salarié a-t-il vraiment été licencié à cause d'un GIF d'Homer Simpson dans l'Oise?). Le Parisien indique avoir tenté de joindre la direction de l'entreprise.
2. Concentrix est plutôt difficile à joindre et a choisi de ne pas commenter. Ce que dit Concentrix, ce que le numéro 2 mondial a fait pour démentir. Interview de Ludovic Lempire, Directeur général du marché France de Concentrix*, le vendredi 25 octobre et de la directrice de la communication france du groupe, Maylis Leroux. (*qui a racheté Webhelp l'an passé)
En-Contact: Loan Léton a t-il été licencié pour les raisons qu'il évoque et largement reprises ?
Ludovic Lempire : C'est une affaire entre un employeur et un salarié, qui m'empêche de prendre la parole. Je ne peux pas, sauf à dévoiler des informations qui doivent rester confidentielles, la commenter. Nous avons licencié en effet Monsieur Léton pour faute, décision qui lui a été signifiée le 9 octobre 2024.
EC: Il est évoqué des salaires virés en retard, pour la 2ème fois, ce qui aurait déclenché sa réaction?
LL: Nous versons les salaires le 25 de chaque mois, notamment afin que les primes éventuelles, qui peuvent s'ajouter au salaire de base, puissent être calculées et ajoutées, en reflet de leur performance. Nous avons prévenu nos salariés et avons même prévu des aménagements, comme le fait de proposer de ne pas se déplacer pour éviter des frais, et les avons versés avec un ou deux jours de retard. Rappelons que, même si c'est effectivement dommage, on paye nos collaborateurs avant la fin de chaque mois, pour le mois en cours.
EC: Ce licenciement a été largement relayé, dont sur TF1 Info, animé par Bruce Toussaint, qui est journaliste je crois, et d'autres, ce qui peut occasionner pour vous une forme de perte d'image, de réputation. Des journalistes vous ont-ils appelé pour vérifier les informations de la CGT, ou recueillir votre point de vue ?
LL: Non, vous êtes le premier à le faire (nb: Le Parisien indique avoir tenté de joindre la direction de Concentrix)
EC: Ah. Une précision tout de même: j'ai tenté de joindre le centre de Concentrix, à Compiègne, au numéro qui apparait sur internet, le 03 60 79 84 08. Puis le siège de Concentrix, à Paris, au 01 44 40 33 40. Dans les deux cas, la sollicitation et l'appel sonnent dans le vide et j'ai pourtant tenté plusieurs fois. Au siège France, on est même renvoyé sur une boite vocale avec un message, en anglais. C'est plutôt étonnant, pour le numéro 2 mondial des services clients, exercés souvent par téléphone. Ceci dans un secteur qui indique recruter, par exemple.
ML: Ah, vous me l'apprenez, c'est vrai que ça n'est pas très normal. Retentons ensemble. ( on rappelle ensemble le 01 44 40 33 40. Même résultat)
LL: Oui, bon, plus personne ne nous contacte par téléphone, de toute façon.
MJ: Ok, mais supposons qu'un salarié tente de joindre Concentrix pour savoir par exemple si vous recrutez, pour savoir s'il peut ou a intérêt à venir déposer un CV, et afin que sa candidature soit traitée rapidement. C'est une option que vous proposez par exemple, au Maroc, à Rabat et qui m'avait impressionné, lors de mon reportage.
LL: Nous traitons les candidatures par internet. Il faut postuler en ligne ou sur les job boards.
EC: Le secteur des centres d'appels, de la relation client, est envahi d'images d'Epinal, on entend quantité de choses sur l'impact de l'IA, dont on a pu voir qu'elles étaient souvent fausses comme l'affaire Klarna. Vous pensez que ce n'est pas important de répondre à des personnes qui vous appelleraient pour divers motifs, de tenter de repréciser un contexte avec un média, de demander un droit de réponse par exemple, à TF1 ?
LL: Non. On a choisi de ne pas commenter. Manuel, vous faites les questions et les réponses ..
EC: A force de ne jamais tenter de rétablir la vérité sur cette industrie, très mal connue, très décriée, alors qu'elle ne le mérite pas toujours, et qu'elle a eu l'occasion de s'en plaindre, vous ne craignez pas des effets pervers, persistants ? Le SP2C, par exemple, le Syndicat des grands Prestataires de Centres de Contacts, qu'on voit animer des chroniques sur BFM, aurait peut-être pu réagir sur ce dossier, par exemple. Le syndicat produit des études sur l'importance des RH dans l'expérience client.. Qui est le DRH de Concentrix en France ?
LL: Franck Devos, mais ce n'est pas lui qui prend la parole dans ces cas-là. On préfère passer à autre chose, de plus important. Ce qui est important, ce sont nos clients. Et on en gagne. D'ailleurs, Manuel, qu'est-ce qui vous intéresse autant, dans cette histoire, pourquoi y consacrez-vous du temps ?
EC: Cette histoire banale de RH a été reprise, dans un secteur qui est celui que nous couvrons et concerne un acteur mondial, qui oeuvre pour la prise en compte du bien-être de ses collaborateurs, d'après ce que j'ai souvent constaté. Voilà. Concentrix a t'il publié un communiqué de presse, pour partager sa vision des faits, et qu'on pourrait retrouver sur le site web de l'entreprise ?
ML: Non, mais il va l'être. Du moins, on va vous l'adresser, mais sans l'afficher pour tous sur notre site web corporate.
EC: Ok, Maylis, Ludovic, merci d'avoir pris le temps.
3. Ce que dit et répand la CGT, par la voix de Belinda Hafid, sa représentante. Jointe par nos soins, le 25 octobre, Belinda Hafid a été laconique.
EC: Bonjour, je suis le rédacteur en chef d'En-Contact. Je vous appelle au sujet d'une affaire de licenciement qui serait intervenue à Compiègne et j'aimerais avoir votre point de vue.
Belinda Hafid: Pour transformer mes propos et les reprendre dans le sens de Concentrix? Je ne vous parlerai pas. (Elle raccroche)
Nb: notre dernier échange avec Belinda date de quelques années, lorsque cette dernière avait alerté la presse locale sur un dossier RH. Nous avions à l'époque vainement attendu les éléments étayant ses propos. Nous avions alors écrit qu'elle pourrait tenir un rôle significatif dans Voyage au bout de l'enfer, saison 2, dans l'Oise. Un peu comme le film Dunkerque de Christopher Nolan. Figurant ou silhouette dans une grosse production, c'est assez bien payé. Mais je m'égare, revenons aux faits.
4. “Concentrix, ils appellent les gens, mais on ne peut pas les joindre, eux”. Oise Hebdo, le journal local qui résiste
Nous avons joint Guillaume Grasset, le journaliste de Oise Hebdo qui a rédigé l'article sur Concentrix, évoqué en tête d'article.
EC: Avez vous pris le temps de joindre Concentrix, avant de rédiger et publier votre article ?
Guillaume Grasset: Non, pourquoi me posez-vous cette question ?
EC: Parce que les éléments ont été repris partout. Je cherche à comprendre si les journalistes qui ont rédigé des articles ont joint Concentrix ou, au moins, tenté de les questionner.
GG: Vous avez raison, j'aurais dû le faire et ça n'a pas été le cas, malheureusement. Pourquoi, vous avez des infos, de nouvelles infos ?
EC: Non. C'est une industrie qui emploie quantité de salariés, et dont je trouve, pour bien la connaitre, qu'elle est méconnue et qu'on y trouve certes des employeurs parfois moins disant socialement mais également des entrepreneurs qui ont innové socialement.. Je cherche à comprendre ce qui a passionné les médias qui ont relayé ce licenciement, apparemment sans avoir beaucoup questionné les parties concernées.
GG: Je crois que je ne les ai pas contactés, parce que la dernière fois que je les ai sollicités, je n'ai pas réussi à joindre quelqu'un ou à obtenir une réponse. (Il ajoute, avec un sourire dans la voix): Concentrix, ils appellent les gens, mais eux, on ne peut pas les appeler ou les joindre.
En-Contact a tenté trois fois cette semaine de joindre la direction de Concentrix, à Compiègne, et sa directrice, Stéphanie Grangeon. Guillaume Grasset ne ment pas : ça ne répond jamais, du moins au numéro mentionné sur les Pages Jaunes et Google. Ce doit être parce qu'il convient d'adresser un e-mail, comme partout désormais. Le téléphone, c'est has been, ce qui expliquerait pourquoi les cours de Bourse des grandes sociétés de BPO, issues de l'answering services ou de la télévente, soient si dégradés.
Les actions de Concentrix, de Teleperformance, respectivement numéro 2 et un mondial, ont chuté de 60 à 80% depuis un an. Chacune de ces deux entreprises emploient plus de 300 000 collaborateurs dans le monde. Retrouvez ici, la réponse officielle que la direction de Concentrix France nous a fait parvenir, sans qu'elle puisse être considérée comme un communiqué de presse officiel.
Service clientèle.
Benoit Duteurtre, écrivain, animateur de radio à ses heures, est décédé cet été, le 16 juillet 2024. En 2003, il avait écrit et publié Service Clientèle, un récit bref et drôle, l'histoire d'un homme qui se décide à acheter un téléphone portable. Et à s'abonner au service. Et qui désire un jour joindre la directrice de la relation client de l'opérateur. Celle-là même qui a signé le courrier personnalisé dans lequel elle se félicite d'accueillir ce nouveau client. Ne parvenant pas à la joindre, le héros va se rendre au siège de l'entreprise.. On a peu parlé du décès de Benoit Duteurtre, comme de celui de Christian Bobin. Pas sur TF1 en tout cas, avec des sourires entendus.
Manuel Jacquinet
Illustration de une : Loan Léton et sa famille, venue le soutenir lors d'une manifestation, photo fournie par la CGT à Oise Hebdo. Montage : En-Contact.