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Je vous interdis d'écrire que j'ai travaillé sur ce projet

Publié le 30 juillet 2025 à 10:00 par Magazine En-Contact
Je vous interdis d'écrire que j'ai travaillé sur ce projet

“Je vous interdis d'écrire que j'ai travaillé sur ce projet” 

Chez Worldline, à Lyon, un cadre est devenu une star, sans le vouloir, à l'insu de son plein gré comme aurait dit Richard Virenque. Au LCL, un des chefs de projet Flow, devenu directeur régional désormais, voudrait interdire qu'on relate sa contribution à ce même chantier. Flow, le logiciel de téléphonie pas cher qui rend fou mais avait de bonnes raisons d'être acheté.  

Pourquoi Flow, un logiciel de téléphonie, dopé à l’IA, couplé à des softphones, agite-t-il le petit monde de la relation client et une grande banque ? Pourquoi Worldline a-t-il été retenu par la banque LCL pour sa téléphonie comme logiciel omnicanal équipant son réseau et ses call-centers ? 

Depuis quelques jours, un projet de transformation de la relation client sur lequel les élus et de nombreux salariés de la banque LCL ont alerté, fait la une de quelques journaux. Il a en effet plongé le réseau et les 12 000 conseillers bancaires de la banque dans la situation inconfortable d’être injoignable ou coupés dans leur conversation. Lire ici

Joints par nos soins, des salariés du LCL expliquent ce qui s’est passé
"Alors que la banque a été plutôt en avance sur la digitalisation, avec e.LCL, les investissements ont été réduits à la portion congrue lorsque le Michel Mathieu a été directeur général (..)

(..) Worldline a été choisi lors du renouvellement de l’outil de téléphonie et de relation client, parce que le Crédit Agricole en est actionnaire, ainsi que la BPI. On fait croire qu’il y a des appels d’offres, mais on est obligés de travailler avec des filiales du groupe. Pour la téléphonie, ça a été pareil. Flow est un outil de téléphonie fonctionnant sur softphone (Web RTC)  qui a été retenu et a été apparemment mal dimensionné par Worldline, qui l’a reconnu, parait-il. Lorsque le déploiement a débuté, nous avons tout de suite alerté car nous constations des erreurs, des coupures de communication ou des mauvaises programmations de renvoi et transfert d’appels. Nous avons été étonnés du choix de ce logiciel, en face des concurrents apparemment sollicités, Genesys et Odigo, ce dernier équipant par exemple le Crédit Agricole. Mais on nous a dit qu'il était trois fois moins cher que Genesys. 

La direction a admis que Worldline avait sous-estimé la puissance du réseau nécessaire, ce qui fait qu’à chaque nouveau déploiement, cela engendrait des dysfonctionnements. Le déploiement global aurait dû être différé mais on nous disait que tout marchait, que tous les utilisateurs étaient satisfaits. 

OLB, star malgré lui
L’un des salariés de Worldline, à Lyon, est devenu une star, un peu contre son gré. C’est son nom qui s’affichait sur les smartphones et écrans de nos clients quand ils étaient appelés. On nous a dit qu’il aurait commis une erreur. Il s'appellerait Olivier B.

Le TAT neutralisé
Le TAT, le taux d’accueil téléphonique, est l’un des indicateurs sur lesquels les conseillers sont objectivés. Comme les appels ne nous arrivent pas ou sont mal re-routés, forcément le TAT chute. 

La direction nous a dit que le TAT était neutralisé le mois suivant l’arrivée de Flow, ainsi que les journées d’incidents. Pour les multi-sites, elle a également indiqué que le renvoi systématique d’un appel à l’accueil vers celui d’une autre agence, allait être modifié. L’appel serait d’abord dirigé vers d’autres postes de l’agence avant de basculer vers un autre point de vente. Ceci, qui est une évidence, aurait dû être pensé ainsi dès le début.  

Pour ne rien perdre du contenu des conversations téléphoniques, certains entrepreneurs ont internalisé leur call-center et équipé celui-ci d'outil de speech analytics. Ici Francky Défossé (Acheel) et Frédéric Szakal (Callity). L'outil est compatible avec les principaux logiciels de téléphonie ou plateforme omnicanale.  Au New Biz Forum, en Juin 2025. Crédit En-Contact. 

Le LCL, Worldline et tous les protagonistes mutiques
Jointe par nos soins à plusieurs reprises, la direction du LCL et l’un des chefs de projet qui a suivi le déploiement de Flow, Thibaut Paiolle-Malpart, désormais directeur régional, n’ont pas désiré commenter. Selon ce dernier «  il est faux d’indiquer que Flow ne fonctionne pas. Je ne veux pas être cité, ni qu'on indique que j'ai été associé au projet ». Chez Worldline, même silence. L'antenne du bureau de Lyon dispose bien d'un numéro de standard, qui place l'appelant en file d'attente, éternellement. 

Malgré la promesse faite par Thibaut Paiolle, le service presse du LCL n'a pas recontacté la rédaction d'En-Contact. Mais The Arcane, une agence de RP et de communication, a été déléguée pour éteindre l'incendie. Le communiqué est à découvrir dans le numéro 137 d'En-Contact et ici, pour les abonnés au magazine.  

La fiabilité des outils CRM et de téléphonie n'est nulle part anodine mais l'est encore plus dans les environnements de banque à distance, où travaillent  et où sont “déplacés” désormais de nombreux collaborateurs d'agence. Les Echos l'évoquaient cette semaine :  à la BNP, certains conseillers actuellement en agence seront ainsi amenés à basculer vers la plateforme 100 % à distance de la banque dénommée « Service client ». Celle-ci emploie actuellement 700 personnes. Un chiffre qui doit au moins doubler à horizon fin 2027. 

Des économies de bout de chandelle ? 

Le LCL, filiale du groupe Crédit Agricole, est-elle la seule banque tentée de travailler parfois à l'économie ? Non: BNP Paribas n'a pas suffisamment investi dans ses systèmes de sécurité, tout comme bien des concurrents, c'est l'un des attendus d'un jugement instructif. Les fraudes au faux conseiller se sont multipliées, faisant des milliers de victimes, que les établissements bancaires rechignaient jusque-là à rembourser. Or BNP Paribas vient d'être condamnée, une deuxième fois, à rembourser un client professionnel, un de ses clients depuis quatorze ans, Auvray Transports. L'avocate Me Sylvie Noachovitch vient de remporter une deuxième bataille majeure. Lire ici. 

Joignabilité et autonomie 
“Dans de nombreuses banques et compagnies d'assurance, la joignabilité des conseillers, des services de back-office, s'est dégradée depuis dix ans, en raison de choix techniques et organisationnels mais également parce qu'existe une réelle difficulté à recruter des collaborateurs, une réticence à leur donner de l'autonomie” indique F.D un consultant en expérience utilisateur expérimenté. 

Au New Biz Forum (2ème édition) des spécialistes des médias, du retail, de la banque et de l'énergie ont échangé sur les sujets d'acquisition client et de fidélisation. Ici des représentants de Konecta, Edenred, hipto, Manifone, Acheel, Callity, Baccarat.   

“Les grands établissements bancaires indiquent qu'ils vont fermer, qu'il faut fermer 40% d'agences, parce que les clients n'y viennent plus, satisfaits de leurs services de banque en ligne. C'est en partie vrai et en même temps très cynique : les clients ne se rendent plus en agence parce qu'on ne peut plus rien y faire, y réaliser. Le conseiller n'a plus aucune autonomie, c'est un agent d'accueil, qui indique dans 50% des cas à la personne qui est en face de lui qu'il faut prendre rendez-vous. Et lorsque il a quelque autonomie et qu'il parvient enfin à connaitre ses clients, son portefeuille, il est muté. On marche sur la tête". 

Parce qu'ils ont choisi d'autres options, quelques acteurs du monde bancaire ou de l'assurance tirent leur épingle du jeu et parviennent à conquérir des parts de marché : Qonto, Pacifica (la filiale assurances du Crédit Agricole),  Acheel. “L'accueil téléphonique externalisé et les agents conversationnels, qui en sont une déclinaison efficace, sont promis à un bel avenir” ajoute F.D.    

NB: BNP Paribas annonce 22 milliards de résultats pour 2025, un chiffre en progression sur 2024. 

Manuel Jacquinet. 

visuel de une : l'écran 1 d'une présentation Powerpoint détaillant le déploiement d'une IA générative au LCL. 

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