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Auvray Transports contre BNP Paribas, fraude par spoofing. La banque condamnée après une belle défense de Sylvie Noachovitch

Publié le 28 juillet 2025 à 10:00 par Magazine En-Contact
Auvray Transports contre BNP Paribas, fraude par spoofing. La banque condamnée après une belle défense de Sylvie Noachovitch

Les banques peuvent être condamnées à rembourser leurs clients professionnels. La BNP vient de l’être, après une belle défense de Me Sylvie Noachovitch, devenue sa bête noire ? Fraude par spoofing : la Cour de cassation impose désormais aux banques une vigilance renforcée, y compris envers les clients professionnels.

Par un arrêt du 12 juin 2025 (Arrêt n 321 F-B Pourvoi n° 24-13.777), la Cour de cassation confirme et renforce la jurisprudence en matière de fraude bancaire par spoofing.
Pour la première fois, elle étend explicitement la protection des victimes aux clients professionnels, en imposant aux banques une obligation accrue de vigilance. La responsabilité bancaire ne peut désormais être écartée que si la banque prouve une négligence grave, même lorsque la fraude cible une entreprise.

Cette décision, issue d’un pourvoi formé par la Bnp contre un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris du 7 février 2024, consacre une interprétation rigoureuse de la notion de « négligence grave » et impose aux banques une vigilance accrue face aux techniques de fraude comme le spoofing.

Me Sylvie Noachovitch

La confirmation de la charge de la preuve de la négligence grave par la banque
Dans la continuité de l’affaire Laurent D. déjà exposée où la victime d’un appel usurpant le numéro de sa conseillère Bnp Paribas avait été indemnisée pour des virements frauduleux, la Cour de cassation réaffirme ici que la charge de la preuve incombe à la banque, en application de l’article L133-19 du Code monétaire et financier.

L’affaire concerne cette fois une société de transport, dont une salariée a été trompée par un escroc se présentant comme technicien de Bnp Paribas. L’appel, usurpant le numéro de la banque, était d’autant plus convaincant qu’il s’accompagnait de détails techniques précis et de la connaissance des écritures bancaires du jour.

Sous l’apparence d’une intervention de maintenance, l’escroc a demandé à la salariée de réaliser des manipulations sur la plateforme bancaire, aboutissant à deux virements vers l’Allemagne pour un total de 98 000 €. La société, estimant qu’aucune faute grave ne pouvait être reprochée à sa salariée, a demandé le remboursement des sommes.

La Cour d’appel de Paris, par arrêt du 7 février 2024, avait donné raison à la société.

Un appel avait été formé par la société victime à l’encontre d’un jugement du 23 septembre 2021 par le Tribunal de commerce de Paris qui avait donné raison à la S.A. Bnp Paribas.

Thierry Laborde, DG Délégué de BNP Paribas. 

La société était cliente de la banque depuis .. quatorze ans
Elle utilisait un service en ligne sécurisé, avec carte à puce, code PIN et boîtier d’authentification à usage unique, permettant d’ajouter des bénéficiaires et d’exécuter des virements. La société a été appelée au téléphone le 23 juillet 2019, par un numéro dont elle dit qu’il serait celui du service technique de la société Bnp Paribas, par une personne se faisant passer pour un technicien de cette banque.

Ce dernier, alléguant un bug informatique, a demandé à une salariée de la société de procéder à diverses manipulations à la suite desquelles cinq virements furent réalisés.

Trois virements vers des numéros de compte suspects ont été rejetés par la société Bnp Paribas, et deux ont été débités vers l’Allemagne pour un montant total de 98 000 euros.

Le 23 juillet 2019, la société a déposé une plainte pour escroquerie.

Se heurtant au refus de la banque de rembourser, la société a assigné la Bnp devant le Tribunal de commerce de Paris afin de la voir condamnée à rembourser les virements débités. Par jugement contradictoire en date du 23 septembre 2021, le Tribunal de commerce de Paris a débouté la société victime de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à payer à Bnp Paribas la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Déboutée en première instance le 23 septembre 2021 par le Tribunal de commerce de Paris, la société de transports a interjeté appel. Par arrêt du 7 février 2024, la Cour d’appel de Paris lui a donné raison. La banque a alors formé un pourvoi, rejeté par la Cour de cassation le 12 juin 2025.

Dans le cadre de la procédure d’appel, l’entreprise a fait valoir qu’en vertu du Code monétaire et financier, le payeur ne voit pas engagée sa responsabilité vis-à-vis d’opérations de payement non autorisées et effectuées, à son insu, par le détournement de l’instrument de paiement ou des données qui lui sont liées.

Il n’a pas non plus à en supporter les conséquences financières, sauf s’il est démontré une négligence grave de sa part ou des agissements frauduleux. En l’espèce, la société a été victime d’une escroquerie du fait d’un tiers, à la suite d’un stratagème clairement établi.

Or cette escroquerie a pu aboutir en raison d’une faille de sécurité du système informatique de la société BNP Paribas 
Celle-ci a permis à l’escroc d’accéder à des informations confidentielles de la société et pire encore, de faire disparaître des opérations comptables, avant même qu’il n’ait donné de directives à la salariée de la société A.T. Ainsi, elle a été contactée téléphoniquement via le numéro de téléphone du service technique de la société Bnp Paribas. En l’espèce, tout portait à croire que l’interlocuteur était un membre du personnel de la société BNP Paribas

“Ne quittez pas, un correspondant cherche à vous joindre” - histoire, avenir et vertus du démarchage téléphonique, disponible ici

Au moment des faits, la société BNP Paribas ne sensibilisait et n’informait pas les clients des potentiels d’escroquerie au conseiller, contrairement à certaines banques. La cour d’appel a estimé que la société BNP Paribas ne démontrait pas en quoi son client avait fait preuve d’une négligence grave dans ses obligations, notamment la conservation de ses données personnelles.

Enfin, la cour a indiqué que l’affichage du numéro de téléphone du service technique avait nécessairement mis en confiance son interlocutrice et aucune négligence grave ne saurait s’en déduire. 

Pour aller plus loin, lisez deux livres : Les Caméléons et Ne quittez pas, un correspondant cherche à vous joindre. Le premier est une enquête sur ces fraudes massives par téléphone, qui n'épargnent personne, pas même les juges ou les ministres. Le second relate l'histoire du télémarketing et sa mue, car les appels commerciaux ont muté. On prend désormais contact sur WhatsApp !

Comment recruter désormais des commerciaux sédentaires, à quelles heures faut-il appeler les PDG, qu'est-ce qu'un lead intentionniste conforme ? Vous saurez presque tout après la lecture de ce Que sais-je des temps modernes. 

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