Chez BNP Paribas, parler à son conseiller bancaire n'est pas anodin
Le 23 octobre, la Cour de cassation a donné raison à un client de BNP Paribas, victime de spoofing téléphonique. C’est à la banque de prouver la négligence de son client en cas d'escroquerie bancaire. La même banque a imaginé, il y a deux ans, de rendre payant l'accès à son conseiller personnel. Ce service, dénommé Affinité, est facturé 12 euros par mois et permet de joindre son conseiller personnel. Parallèlement, le dispositif MAN, obligatoire en France depuis le 1er octobre, peut-il faire diminuer les escroqueries téléphoniques ?
Le client d’une banque, la BNP, a reçu en 2019 l’appel téléphonique d’un faux conseiller bancaire. Ce faux conseiller l’a persuadé que son compte enregistrait des mouvements possiblement frauduleux. Prétendant mener une vérification, le faux conseiller a demandé à la victime de supprimer cinq personnes de sa liste de bénéficiaires de virements, puis de les y réinscrire en renseignant son code confidentiel.
Induite en erreur, notamment par le fait que le numéro qui s’affichait sur son téléphone était identique à celui de sa véritable conseillère bancaire, la victime a suivi les instructions qui lui était données. Deux jours plus tard, le client a réalisé avoir été victime d’une escroquerie, son compte ayant été débité de plusieurs virements frauduleux. Il a demandé à sa banque le remboursement des sommes prélevées.
Les règles de remboursement en cas d’escroquerie bancaire
Une banque a l’obligation de rembourser immédiatement ses clients lorsqu’ils sont victimes d’escroquerie (art. L133-18 du code monétaire et financier).
Cette obligation est levée si la banque prouve que son client a commis une négligence grave (art. L133-19 du code monétaire et financier).
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la banque et a condamné celle-ci à rembourser la somme de 54.500 euros ainsi qu'à payer 3.000 euros au client, victime de «spoofing téléphonique», indique-t-elle dans sa décision. Elle confirme ainsi l'arrêt rendu le 28 mars 2023 par la cour d'appel de Versailles qui avait estimé que le client lésé «n'avait pas été gravement négligent». «Au regard des circonstances dans lesquelles l'escroquerie a eu lieu, il ne peut être reproché au client d'avoir commis une négligence grave», a confirmé la Cour de cassation dans un communiqué.
Le client de BNP Paribas avait constaté en 2019 «que plusieurs virements frauduleux avaient été réalisés pour un montant de 54.500 euros sur son compte», il avait alors «alerté la banque le jour même, soutenant avoir été contacté par téléphone par une personne se faisant passer pour une préposée de l'établissement lui demandant d'ajouter, grâce à ses données personnelles de sécurité, cinq personnes sur la liste des bénéficiaires de virements». Le numéro d'appel qui était apparu sur le téléphone portable de la victime de l'escroquerie « s'était affiché comme étant celui de (...) sa conseillère BNP» et le client croyait donc «être en relation avec une salariée de la banque». «Le mode opératoire par l'utilisation du ’spoofing’ a mis le plaignant en confiance et a diminué sa vigilance», avait indiqué la cour d'appel.
En 2023, le préjudice de l'ensemble des fraudes aux moyens de paiement représentait près de 1,2 milliard d'euros, dont 379 millions d'euros étaient liés à une manipulation de l'utilisateur, comme la fraude au faux conseiller bancaire, selon l'Observatoire de la sécurité des moyens de paiement. Les banques «remboursent rapidement dans 8 à 9 cas sur 10» les personnes qui déclarent une fraude de leurs moyens de paiement, selon la directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF), Maya Atig.
On notera, concernant BNP Paribas, que comme dans l'affaire des prêts toxiques en francs suisse Helvet Immo, il aura fallu aller jusqu'à la Cour de cassation pour que le ou les clients soient confortés dans leurs droits. ( BNP Paribas Personal Finance avait été reconnue coupable “de pratique commerciale trompeuse”
Et plus si Affinité (s)
En 2021, la BNP Paribas a lancé un service dénommé Affinité, qui permet à un client de disposer d'un conseiller personnel, qu'il a la possibilité de joindre. Facturé 12 euros par mois. La joignabilité des conseillers, des clients, c'est la grande question qui impacte les parcours clients, dans les relations commerciales menées à distance. Le prestataire de BPO Armatis explique dans un article comment il est parvenu à améliorer la joignabilité des prospects, lors de ses campagnes de téléprospection. A découvrir, ici.
MAN, l'éradicateur des fraudes au spoofing ?
Depuis le 1er octobre de cette année, le dispositif MAN est entré en vigueur. Il permet d'authentifier l'émetteur d'un appel. Mais tous les opérateurs télécom vont-ils le mettre en place et l'imposer, quand certains d'entre eux font quelques affaires avec des prestataires ou personnes hors-la-loi ? Alain Bieuzent, de Manifone, explique dans l'article qui suit ce qu'est ce dispositif et notamment l'un de ses vides juridiques majeurs: tous les opérateurs télécom opérant en France doivent utiliser MAN, pas ceux qui sont installés à l'étranger.
En France, des opérateurs tels Legos ou Transatel, voire des brokers en télécom ont été parfois suspectés ou reconnus responsables d'acheminement de communications téléphoniques non conformes, dans des campagnes de télémarketing ou de prospection.
“Seuls les opérateurs télécom opérant sur le marché français disposant de ressources en numérotation (des numéros de téléphone pour lesquels ils sont attributaires) ont l’obligation de respecter le programme MAN”
La Cour de cassation a émis un jugement qui change partiellement la donne, puisqu'elle redéfinit précisément la responsabilité des banques en cas d'escroquerie et de virements frauduleux. D'autres victimes de spoofing, domiciliées dans des banques concurrentes vont probablement se fonder sur ce jugement pour demander réparation.
Mais le spoofing risque fort de perdurer, depuis quelques contrées bien connues. Gilbert Chikli a fait des émules, et elles sont douées.
Le Bottin du service et de l'expérience client, 5ème édition. L'histoire et l'avenir du démarchage téléphonique.
En sus du jugement de la Cour de cassation, voici deux publications qui peuvent vous être utiles ou à offrir, si vous êtes passionné, comme nous, de ce qui aide à développer les entreprise, petites ou grandes, en soignant bien ses clients. Avec ou sans IA.
- fin novembre 2024, Malpaso-RCM publiera et sortira le 1er livre édité sur l'histoire, l'avenir et les vertus du démarchage téléphonique. Ne quittez pas un correspondant cherche à vous joindre. L'ouvrage a bénéficié du soutien de Manifone, l'opérateur télécom spécialiste du sujet.
- en décembre, le même éditeur (qui édite En-Contact) publiera la 5ème édition du Bottin du service et de l'expérience client. Une sorte de Guide Michelin des 900 prestataires, éditeurs, consultants français spécialisés dans tout ce qui améliore le service client, l'accueil, l'hospitalité, avec ou sans IA. Klark, par exemple, ça fait et vaut quoi pour répondre à vos clients, puisque l'AFRC n'a pas considéré ce “meilleur outil d'IA générative pour optimiser votre service client” dans ses start-up de l'année ? Qualtrics, complice il y a quelques années de fraude dans des élections, est utilisé par Fnac-Darty pour ses questionnaires de satisfaction, pourquoi ? Qualimétrie a t'-il des concurrents sérieux pour déléguer des clients mystère ? Le Bottin proposera parallèlement une tentative de sélection des 24 personnalités, chercheurs, qui font avancer le sujet de l'expérience client, de sa digitalisation. Pour ce qui est des nouvelles catégories, les spécialistes du RCS ont été sollicités, évidemment, puisque ce remplaçant du SMS va changer la donne, selon nous. Ainsi que les éditeurs de Speech Analytics, tels Callity, l'entreprise française qui caracole en tête dans cette catégorie, en matière d'efficacité, selon ses clients. Feedae, lancée à l'automne par les fondateurs de Callofsuccess, est-elle en capacité de devenir une alternative sérieuse? Le Bottin, demandez le bottin :). Sortie décembre, avec le numéro 134 d'En-Contact.
La rédaction d'En-Contact et AFP.
Photo de une: Gilbert Chikli, l'inventeur de la fraude au président. © Gert Van Kesteren.