Alexandre Viros quitte Oui.sncf. Retour chez France Billet :) ?
L’annonce n’a pas encore été officialisée par le transporteur mais elle ne devrait plus tarder : le DG bien connu et talentueux de Oui.sncf quitte l’entreprise dont il était le Directeur Général depuis Février 2018.
Lui et son équipe ont contribué à développer encore plus l’expérience client et digitale chez le 1er e-marchand français (5 milliards de CA) ainsi qu’ à la mise sur orbite de l’application Assistant SNCF (16 millions de téléchargements ); si l’on était taquin, on supputerait qu’il va rejoindre France Billet, filiale de FNAC-Darty, une entreprise qu’il a bien connue et qui doit gérer, comme la SNCF, un nombre considérable de demandes de remboursements mais.. l’ex chef de gare de Oui.sncf n’a pas encore annoncé sa destination finale. Et France Billet, c’est du passé. Pour aller plus loin, lisez l’interview passionnante que ce dernier nous avait accordée pour les Cahiers de l’Expérience client, édité avec l’Opinion. Pour la rédaction d’En-Contact, Alexandre Viros, dans notre catalogue Panini des figures de l’expérience client, c’est Socrates !
La mauvaise nouvelle est que le livre que nous venons d’éditer est déjà obsolète… Aie aie aie !
*Socrates, joueur de foot mythique, titulaire d’un doctorat en médecine.
L’expérience client, c’est l’affaire de tous chez Fnac-Darty
« L’expérience client est l’affaire de tous au sein de l’entreprise », nous dit Alexandre Viros. En-Contact est allé rencontrer le vice-président de Fnac-Darty en charge du digital et du marketing.
Partie I : L’entreprise
Manuel Jacquinet : De quand date selon vous la prise de conscience que l’expérience client devient une question clé pour un distributeur tel que la Fnac ?
Alexandre Viros : Historiquement, la Fnac a toujours été un lieu d’expérience, les magasins n’étant pas que des espaces marchands : on y venait pour flâner, regarder et consulter les livres dans les rayons – comme l’a même mis en scène une publicité. L’expérience client était déjà là, mais c’est l’irruption du web et le développement du e-commerce qui a « mis la pression » sur nous comme sur tous les distributeurs : lorsque le consommateur peut tout regarder sur et depuis son téléphone mobile, la qualité du parcours client et sa fluidité deviennent des éléments essentiels.
Dès 2012, nous avons engagé le processus de mesure de la satisfaction globale des clients en généralisant le NPS*, mais en 2015 et 2016 nous avons senti une pression encore plus grande sur les questions liées à l’expérience client : il ne s’agit plus uniquement de gérer les parcours client, de travailler les touch point (les points de contacts). Un clic sur le web c’est bien, deux pour parvenir à boucler un achat c’est presque trop dans l’esprit des gens. Tout va de plus en plus vite, mais être rapide et fluide ne suffit pas : c’est la globalité de l’expérience client qui est devenue notre objectif, et qui doit intégrer de plus en plus les aspects relationnels.
Quelles sont les priorités que vous vous êtes données, liées à cette question, depuis cette année 2016 ?
Soigner l’accueil et l’amabilité dans les magasins, faciliter l’orientation grâce à des bonnes digitales notamment et travailler sur la question récurrente qu’est l’attente en caisse, ce sentiment que génère la file d’attente devant les caisses.
Nous travaillons également sur d’autres sujets qui apparaissent, comme celui des opérations qu’un client peut être parfois amené à faire ou demander après son achat lorsqu’il revient en magasin pour demander une facture ou un document. Les faciliter nécessite de travailler sur les process, les actes administratifs. Enfin, nous travaillons sur ce qui va créer du « delight », et que recouvre de plus en plus l’expérience client : être fluide, diminuer l’attente, être aimable sont des choses devenues normales, la base de la base sans laquelle vous n’êtes pas commerçant. Le client attend davantage, et nous recherchons donc ces signatures qui vont marquer (comme le chocolat dans une chambre d’hôtel). Prenons un exemple : nos études sur le NPS indiquent que la vente de billets de concerts est un des items sur lequel le score de NPS diminue parce que c’est souvent long et qu’il y a des pics d’attente liés à l’activité. Proposer à ce moment-là à nos clients un café ou des croissants – si c’est le matin – peut faire la différence : l’attente n’est pas diminuée mais sa perception en est modifiée et l’impact est immédiat. A cet effet, nous organisons chaque année une « compétition interne » entre les magasins dénommée Trophée Client qui permet de recenser les bonnes idées et initiatives des directeurs de magasins. Nous élisons ensuite le meilleur « compétiteur » parmi ces initiatives, et favorisons la diffusion de ces bonnes pratiques. Enfin, parallèlement, nous avons mis en place un dispositif qui fonctionne bien : les directeurs de magasins eux-mêmes reprennent contact par mail ou téléphone avec tous les clients de leurs magasins qui ont indiqué dans leur questionnaire de satisfaction un NPS en deçà d’un certain seuil.
Les marques et distributeurs investissent dans l’expérience client, ces investissements sont-ils payants ?
Sans aucun doute, oui ! Sans dévoiler de données internes, nous avons mesuré qu’une baisse de 2 points du score de NPS diminue de façon considérable le volume d’achat réalisé par celui qui est détracteur. Il n’y a en fait rien d’étonnant à cela : un client fâché, même seulement un peu, est toujours un client, mais un client perdu est perdu.
Les grandes entreprises américaines ont parfois des directeurs de l’expérience client, souvent positionnés au plus haut de l’organigramme, est-ce le cas à la Fnac ?
Non, l’expérience client est l’affaire de tous au sein de l’entreprise, ce qui ne veut pas dire que ce n’est l’affaire de personne. C’est une question qui doit irriguer toute l’entreprise depuis les magasins, les centres d’appels, la supply chain. Tout le monde doit être sensibilisé, même si la direction marketing a un rôle clé sur la question. Les indicateurs clés sont suivis au comité exécutif.
Alexandre Viros – © Edouard Jacquinet
Partie II : Qui est Alexandre Viros ?
Si vous étiez obligé demain de vous mettre à votre compte, quelle entreprise monteriez-vous ? Même chose avec une obligation, que l’activité soit liée au service ou à l’expérience client.
Je crois que j’ouvrirais un restaurant. C’est un commerce de passion et de contact permanent avec les clients.
Mais si je devais m’obliger à développer une activité directement liée à l’expérience client, je serais tenté de créer une technologie permettant d’en mesurer la qualité sur l’ensemble des points de contacts impliqués dans les différents parcours clients, ou de travailler sur un ou deux des problèmes essentiels qui peuvent la compromettre : l’attente et la défaillance de l’omnicanal.
Vous avez été amené à travailler, ou racheter parfois – via la Fnac – des start-up (Eazieer, Tinyclues etc.) qu’avez-vous appris en travaillant avec ces sociétés ?
Nous avons racheté trois start-up lorsque j’étais président de France Billet : Aparté, Datasport et Eazieer ; et à la Fnac, nous avons notamment collaboré ou collaborons avec Tinyclues ou Earlybirds. Cette « fréquentation » des start-up nous apporte, je crois, une agilité, une rapidité qui sont devenues essentielles et qui forcément sont moins développées à mesure que les entreprises sont plus grandes. Les dirigeants et fondateurs de ces entreprises sont souvent de très bon niveau et se prêtent volontiers à une forme de ping-pong intellectuel très enrichissant. Ils ont intégré la technologie dans le commerce, participant ainsi à la création de nouveaux standards, qui s’installent très rapidement : qui aurait pensé que la personnalisation d’une homepage de site web deviendrait un pré-requis, ou que la qualité et la fiabilité de la livraison progresserait au point de devenir un levier essentiel de différenciation ? On se trompe si on croit que ces changements technologiques sont des commodités : ce sont ces innovations qui développent le commerce aujourd’hui.
La difficulté pour quantité de cadres et de dirigeants est, je crois, l’allocation de leur temps et la nécessité de gérer (ne pas « endommager » leur image, voire la travailler). A quoi consacrez-vous du temps, dans un objectif professionnel, sans concessions ?
J’essaie de passer du temps avec les équipes avec lesquelles je travaille, de conserver une réelle proximité avec elles et du temps informel, y compris en période d’intégration, comme ce que nous vivons en ce moment en rassemblant les équipes de la Fnac et celles de Darty. C’est compliqué de tout faire tenir dans l’agenda, mais c’est essentiel.
J’ai adoré, parmi des milliers d’autres films et disques : 24 heures avant la nuit (de Spike Lee), Twenty Feet from Stardom (film documentaire de Morgan Neville) ou The Kid Stays in the Picture. Chacun d’eux résonne en moi, m’aide à vivre, voire à travailler, prendre des options, faire des choix. Et vous, lesquels donneriez-vous à un ami, pourquoi ?
Ce sont des livres qui me viennent plutôt à l’esprit, et en l’occurrence des ouvrages de philosophie, notamment ceux des grands philosophes grecs qui s’intéressent à la sagesse pratique, en la distinguant de la rationalité purement théorique. Aristote, au premier chef. Ou des moralistes tels que Montaigne et la Bruyère. Dans une entreprise, se concentre et se niche la nature humaine, on y retrouve les caractères, les passions. Et si je devais aller lorgner du côté du cinéma, les films de François Truffaut, et surtout la saga d’Antoine Doinel, me parlent toujours autant.
Est ce qu’on rigole de temps à autre, au comité exécutif de la Fnac ?
Bien sûr qu’on rigole au comité exécutif de la Fnac, pas en permanence, mais pour de vrai et chacun de ses membres a son humour.
*(Net Promoter Score, indice qui permet de distinguer et mesurer à quel point un client devient promoteur ou détracteur de la marque)
Propos recueillis par Manuel Jacquinet
paru dans le numéro 99 d’En-Contact, août 2017
Relisez l’interview de Patrick Ropert, directeur général de SNCF Gares & Connexions.
Depuis cette interview, Alexandre Viros a travaillé au sein de la SNCF et a rejoint depuis le groupe Adecco dont il est le Président France.
Cet article fut publié dans les pages du quotidien “l'Opinion” n° 1036 le lundi 26 juin 2017
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