Adrien Moreira : « Pour recruter, la vidéo s’avère plus utile que de traverser la rue »
Fondée voici sept ans par deux ex-cadres de la galaxie Casino, Adrien Moreira et Henrik Perrochon, Bruce.work a vite marqué de sa patte un secteur plutôt traditionnel, peu réactif : celui du recrutement et de l'intérim. On recrute souvent comme on l’a toujours fait. Pas rue Soleillet* près de Ménilmontant, pas à Barcelone, l’autre hub de la drôle d’entreprise à mission qu’est, dans les faits et dans ses statuts désormais, l’application digitale qui aide à recruter plus vite que son ombre.
Teleperformance, Uber, Sodexo, Webhelp et bien d'autres acteurs spécialistes de l'expérience client, du Retail ou de l'hôtellerie ont testé et sont heureux de collaborer avec le Brice de Nice de l'intérim version efficace: Bruce de Ménilmontant. Pourquoi, comment, c'est ce dont on a parlé avec Adrien Moreira, co-fondateur. Sans éluder les sujets compliqués : la rentabilité d'une entreprise qui se développe vite, comment demeurer accessible, les dangers à pratiquer le MMA ( Mixed martial arts)..
L’une des idées de départ dans la création et l’offre de Bruce. work est qu’un candidat qui s’engage dans une mission d’intérim ne peut pas consacrer une demi-journée à un entretien avec un éventuel employeur, pour une mission de dix jours en moyenne. Qu’il faut donc prendre en compte l’expérience candidat, la simplifier. L’application et les vidéos d’entretien, d’évaluation sont donc au cœur du parcours candidat.
Comment réalisez-vous désormais ces vidéos, qu’avez-vous appris en les faisant ?
Adrien Moreira : Nous réalisons ces vidéos grâce à notre technologie d’entretien vidéo intégrée à nos applications. Pour que ces entretiens soient pertinents, il faut adopter la méthodologie d’entretien structuré avec une Scorecard précise pour chaque poste et un guide d’entretien adapté.
Hôtellerie, restauration, centres d’appels, retail, autant de secteurs dans lesquels vous performez et avez mené des missions significatives. Comment évaluer les soft-skills requis dans ces fonctions, sont-elles aussi décisives que l’envie de travailler, de se lever tôt, d’y aller ?
AM : C’est un exercice délicat. Nous nous spécialisons sur certains métiers que nous connaissons parfaitement et pour lesquels nous disposons d’une énorme quantité d’informations. Elles entrent alors dans un référentiel permettant d’évaluer les candidats de la manière la plus fine possible en alliant technologie et humain.
« Un emploi ne se trouve pas de l’autre côté de la rue, c’est faux »
Notre président de la République, Emmanuel Macron, évoquait récemment à ce propos qu’il suffit de traverser la rue pour trouver du travail, qu’est-ce que t’inspire cette remarque ?
AM : C’est une phrase politique qui sert à faire la une des journaux mais est assez éloignée de la réalité. Il y a effectivement des centaines de milliers d’offres non pourvues en France et, en face, des millions de chômeurs mais il ne suffit pas pour autant de traverser la rue pour trouver l’emploi qui nous correspond et auquel nous pouvons correspondre. Il est loin le temps où l’on cherchait “deux bras deux jambes”. Les entreprises ont besoin aujourd’hui de personnes formées sur des compétences bien précises. Pour les trouver, il leur faut les bons outils de recrutement qui permettent de les mettre en relation avec la personne qui “matche” parfaitement. C’est ce que fait Bruce.work au quotidien.
On a testé le service de Bruce.work en blind test, on a joint un numéro qui apparait sur GMB (Google My Business) et n’a pas trop répondu (06 44 46 43 43). La sollicitation par mail a mieux fonctionné. As-tu élucidé la question, comment soigner le premier contact avec une entreprise, un candidat ?
AM et HP : Nous sommes parfois victimes de notre croissance et n’arrivons pas à répondre à toutes les demandes. Nous privilégions toujours nos clients fidèles quitte à devoir passer à côté de nouveaux clients. Mais il va falloir qu'on résolve ce problème. Toi qui connais bien ces sujets, Ringover, c'est efficace ?
( Ringover est l'un des 60 fournisseurs installés en France de plateforme omni-canale de gestion des contacts clients. En dénicher une adaptée à ses besoins et dont les connecteurs API avec son CRM sont disponibles n'est pas chose aisée).
Qui sers-tu, avec quelles entreprises du secteur du BPO, des centres de contacts travailles-tu ? As-tu le sentiment que Bruce.work ressemble beaucoup, de par son fonctionnement, à un CRC (centre de relation client) ?
AM : Nous travaillons avec la majorité des entreprises clés du secteur et effectivement, il y a beaucoup de parallèles entre notre métier et celui du CRC. On sollicite par téléphone, on mène de vraies ventes par téléphone, on consigne dans un CRM l’histoire de la relation avec un prospect, un client. Et l’on mesure l’impact des conversations, des visio.
L’entreprise innove, a innové dans de nombreux secteurs mais tu dis aussi que les directions des achats continuent souvent d’acheter de l’intérim « en gros », en négociant. Peut-on, parviens-tu à démontrer que plus de services ou la réponse rapide à un besoin RH méritent probablement un coefficient de marge plus élevé, pas forcément le moins cher ?
AM : C’est exactement notre enjeu du moment. Face à la pénurie de talents, il faut que les entreprises acceptent de payer plus pour sortir leur épingle du jeu et pas simplement de voir l’intérim comme un centre de coûts. C’est en réalité un vecteur de performance.
Quand on visite les bureaux parisiens de Bruce.work, on découvre une entreprise animée, avec des gens de toutes les couleurs, qui viennent de tous les quartiers. Avec ton associé, avez-vous le sentiment que la question des RH, de l’emploi, de la formation est une mission, pas seulement un business ?
AM : Oui, tout à fait, c’est d’ailleurs pour cela que nous sommes devenus entreprise à mission avec pour but de rendre le marché de l’emploi plus juste et plus efficace ! Il ne faut pas cacher également que de plus en plus de nos clients nous demandent ces agréments, normes, classifications nouvelles. Or elles ont des coûts cachés, il faut se faire auditer etc, les dépenses induites se répercutent dans nos coûts de revient.
Cap donc sur la rentabilité pour les années à venir, ou sur la croissance, avec quels chantiers prioritaires ?
AM : Cap est mis sur la croissance rentable en continuant d’améliorer notre technologie et notre IA pour réussir à délivrer le meilleur service à nos clients et talents.
Extra-ball : Alan, la mutuelle, est une entreprise impressionnante**, de par sa croissance et son service et dont je crois vous avez équipé vos cinquante salariés. Mais tu as, je crois, des suggestions à faire sur l’offre ou les nouveaux tarifs, lesquelles ?
AM : Alan est une super entreprise mais le contact humain au téléphone reste nécessaire selon moi, dans certains cas ;-).
Paris2024, Retail, hôtellerie, la bombe à retardement des collaborateurs de la 1ère ligne.
La question du recrutement, de la digitalisation des process d'évaluation, de ce que peut apporter l'IA dans ce domaine, seront au coeur de la rentrée. Et de l'efficacité des entreprises. Adecco ( désormais muni de Qapa), J4S Intérim, Welcome to the Jungle, Brigad.. on a à peu près tout testé de Mai à Juillet 2023. Découvrez dans le numéro 129 d'En-Contact les sparring partners qui nous semblent tenir la promesse. Volet 2 dans le numéro 130: ceux qui vont aider à résoudre le même sujet, pour Paris2024: ça va être très chaud !
Les rendez-vous de la rentrée.
Si les sujets de l'automatisation de la conquête de clients, du recrutement et de l'engagement de collaborateurs vous intéressent et interpellent ( nous pensons que ce sont les deux sujets clés de 2024), rendez-vous :
Le 13 septembre à Paris. Business Breakfast.
Du 27 au 29 Septembre, à la Baule: 11ème édition du Forum de l'Expérience Client.
Du 14 au 16 Novembre, à Cotonou, Bénin: Africa BPO Forum.
** Dans l'un de nos articles, nous avons relaté les déceptions de certains clients d'Alan, irrités que le service client de la mutuelle soit quasi complètement digitalisé, sans possibilité simple de parler à un collaborateur de l'entreprise, lorsqu'un cas complexe survient.
*l’entreprise emploie une bonne soixantaine de salariés, entre ses deux sites localisés l’un à proximité de Ménilmontant, le second à Barcelone.