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Vous êtes journaliste d’investigation ? Alors faites votre boulot. L’affaire Sally Clark

Publié le 27 avril 2023 à 13:35 par Magazine En-Contact
Vous êtes journaliste d’investigation ? Alors faites votre boulot. L’affaire Sally Clark

Quand on a perdu un nourrisson par mort subite, il y a une chance sur 60 que cela se reproduise, voilà les nombres véridiques qu’il aurait fallu entendre lors du procès pour meurtre. Et non une chance sur 73 millions, comme l’a doctement indiqué Roy Meadow, professeur et auteur de l’ABC de la maltraitance infantile.

Pourquoi il faut savoir manier un peu les statistiques et parfois contester les sachants, les experts. Sally Clark en est morte. Survivre à l’inimaginable, une série lancée par le magazine En-Contact, avec une première salve d’articles et d’histoires vraies de parcours patients.

Survivre à l'Inimaginable de Pascale Vermont

Je me suis battu pour Sally Clark et d’autres mères de nourrissons victimes de mort subite. Leur sort continue de me hanter. 

John Sweeney a relaté dans plusieurs reportages l’injuste emprisonnement de ces femmes. 22 ans plus tard, il craint que cette chasse aux sorcières ne soit encore d’actualité.

Les maltraitances infantiles sont criminelles mais c’est encore pire quand l’état est responsable. Il y a vingt-deux ans ce mois-ci, Sally Clark était accusée d’avoir tué ses deux bébés, Christopher et Harry, et d’en avoir fait porter la responsabilité au syndrome de mort subite du nourrisson. Elle fut condamnée à la prison à perpétuité. Il y eut une sentence cachée, plus cruelle encore. L’inculpation pour meurtre lui fit perdre ses droits de mère vis-à-vis de son fils survivant devant le juge des familles, et ce surcroît de cruauté l’a anéantie. L’état britannique s’est rendu coupable de maltraitance infantile en lui retirant son enfant sans raison valable.

La question centrale dans la tragédie de Sally - et celles d’Angela Cannings et de Donna Anthony - n’était pas, « qui a tué cet enfant ? » mais, « un crime a-t-il été commis ? ». Et il s’avérait qu’aucun crime n’avait eu lieu. Pas une de ces affaires ne reposait sur des preuves solides de maltraitance infantile, encore moins de meurtre. Il y eut un quatrième cas, celui de Kathleen Folbigg, mère de famille australienne qui a perdu quatre enfants. Elle est toujours en prison. La nouvelle série de Discovery+, qui sort cette semaine, et dans laquelle je suis interviewé, relate ces tragédies,

En 1999, le professeur sir Roy Meadow, auteur de L’ABC de la maltraitance infantile, faisait figure d’autorité ultime en la matière et de témoin star pour la couronne. Il a fait valoir la « loi de Meadow », selon laquelle « faute de preuves contraires, une mort subite est tragique, deux sont suspectes, et trois criminelles » et avancé devant les jurés lors du procès de Sally Clark que les chances que quelqu’un comme Sally, mère de famille de classe moyenne, non-fumeuse, perde deux nourrissons par mort subite étaient d’une sur 73 millions. Ce trait une fois décoché, qui ne semblait pas à l’époque admettre de réponse, a fait voler en éclat la défense de Sally.

C’est à cause de Martin Bell que je me suis penché sur le dossier de Sally. Si mon vieil ami et collègue journaliste de Bosnie ne s’était pas présenté aux élections à Tatton en 1997, il ne se serait jamais lié d’amitié avec l’aumônier de la prison où Sally a échoué. Le révérend Pauline Pullen me plaqua contre le mur et me piqua du doigt : « Vous êtes journaliste d’investigation. Tout le monde dans cette prison, les détenus, les gardiens, même le directeur savent qu’elle est innocente. Allez, Sweeney, faites votre boulot. »

Je venais de quitter The Observer pour le service documentaire de la BBC Radio 5 et par chance, mon producteur, Bill Law, était déjà sur le coup. Plus nous creusions, plus les preuves contre Sally étaient réduites à néant. 

Traduction d'une article par John Sweeney, paru dans The Observer le 20 novembre 2021.

La suite à découvrir dans les Cahiers de l’expérience client, numéro 7.

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