Teleperformance éjecté du CAC 40, cinq ans après y être entré.

Daniel Julien, le fondateur de Teleperformance, a réalisé son rêve, l'un de ses rêves: Teleperformance est entrée au CAC 40, le 20 juin 2020. L'entreprise en sortira, le 22 septembre et sera remplacée par Euronext. TP doit s'imaginer un nouvel avenir. Accor est sorti et réentré au CAC 40, et a vu son cours de bourse s'apprécier. Atos ou Worldline ont poursuivi leur descente aux enfers.

L'opérateur boursier paneuropéen Euronext va intégrer l'indice vedette de la Bourse de Paris et le géant mondial des centres d'appels Teleperformance se voit éjecté, à l'issue de la révision trimestrielle de la composition de l'indice, réalisée par un comité d'experts indépendants. Depuis le 1er janvier, le titre Euronext a bondi de 27,05% et sa capitalisation boursière atteint actuellement 13,87 milliards d'euros. Sur la même période, Teleperformance a chuté de 23,46% et sa valorisation boursière est désormais de 3,78 milliards d'euros.

Au plus haut, l'action de  TP a coté 392 euros, elle valait hier 63,60

Pour intégrer le CAC 40, plusieurs critères sont pris en compte. Parmi eux, l’entreprise doit avoir une capitalisation boursière importante, mais c’est seulement la capitalisation flottante, c’est-à-dire la part des actions réellement disponibles sur le marché pour les investisseurs, qui est retenue. Le titre doit également être suffisamment liquide, ce qui signifie qu’il doit y avoir un volume d’échanges régulier et important lors des séances boursières. Enfin, un conseil scientifique indépendant, dont les membres demeurent anonymes, décide de procéder ou non à la modification ou non de la composition de l’indice tous les trois mois (mars, juin, septembre et décembre).

C'est une défiance globale des analystes vis-à-vis du secteur que reflète le cours de l'action. Ses ratios financiers et ses fondamentaux ne sont pas si détériorés que cela, comme s'échinent à le dire et partager ses dirigeants, depuis deux ans ou presque, mais sans succès. Le cours du numéro 2 mondial du secteur, Concentrix, a connu la même descente : coté au Nasdaq, Concentrix ( qui a digéré Webhelp) a subi une décote de 74% depuis son plus haut ( 203,16 en mars 2022), quand TP a  baissé de 84%. 

Que se passe t-il en général après qu'une action sort de l'indice CAC 40 ? 

Elle subit souvent mécaniquement une dépréciation puisque les fonds indiciels ( qui répliquent l'indice) doivent la vendre pour la remplacer. Ce qui arrive ensuite dépend de la performance de l'entreprise. Certaines réintègrent l'indice, d'autres poursuivent leur descente.. aux enfers. 

TP, un nouvel Atos ou Accor ?

Peu connue du grand public, en raison de la nature même de son activité et de ses pratiques de communication, Teleperformance a été créée en 1978. Lors de son entrée dans l'indice, le journal La Croix décrivait ainsi l'entreprise et son parcours.

Créée en 1978, Teleperformance est devenue le numéro un mondial de la « relation client ». L’entreprise a remplacé Sodexo au CAC 40 depuis le 22 juin.

Depuis le 22 juin, le CAC 40 accueille un nouveau venu : Teleperformance, le numéro un mondial de la « relation client », autrement dit des centres d’appel. Il remplace Sodexo, le leader de la restauration collective, dont la capitalisation boursière a fondu d’un tiers depuis le début de l’année, pour cause de coronavirus.

Au service des multinationales

Cette entrée dans l’indice vedette de la Bourse de Paris est indéniablement une consécration pour le groupe créé en 1978 par Daniel Julien, qui en est toujours le PDG. Teleperformance emploie aujourd’hui 330 000 personnes présentes dans 80 pays et utilisant 265 langues. En dix ans, le chiffre d’affaires (5,3 milliards d’euros) a été multiplié par trois et le cours de l’action par dix. Ce succès est lié en grande partie au développement de la mondialisation et au souci des grandes multinationales d’externaliser leurs activités de relations clients, souvent pour réduire les coûts et toujours dans la plus grande discrétion, ce qui explique d’ailleurs que Teleperformance soit peu connu du grand public. Le siège social est en France, mais la moitié du chiffre d’affaires est réalisée aux États-Unis, où réside son PDG.

Le métier s’est transformé

On est bien loin des activités de télémarketing de la PME à ses débuts, avec des étudiants qui démarchaient les gens au téléphone le soir pour leur vendre des abonnements à des journaux ou des produits d’assurance. Les téléconseillers sont toujours là, mais Teleperformance propose aussi désormais des solutions automatisées et de l’intelligence artificielle. L’entreprise s’est également diversifiée, en gérant, par exemple, les demandes de visas dans les ambassades ou en effectuant du recouvrement de créances.

En 2024, TP a réalisé 10,28 milliards d'euros de CA et environ 530 millions de résultat. 

J'ai tant appris rue Firmin Gillot. 

Comme des centaines de salariés, qu'ils aient été simples téléconseillers ou patrons de BU, de filiales, Corinne Schamber a été marquée par son parcours dans l'entreprise, dont le siège et quelques centres de contacts ont longtemps été situés rue Firmin-Gillot, dans le 15ème arrondissement de Paris.

Elle et d'autres de ses collègues ont raconté dans un livre leur parcours et les enseignements de celui-ci. Bien résumé dans le titre: j'ai tant appris rue Firmin Gillot. Désormais DG de Vipp-Interstis, un prestataire bien connu situé en Afrique sub-saharienne, Corinne, un jour, a mis le PDG de Teleperformance à la porte de chez lui. Dans des circonstances qu'elle raconte, ici.

Hier, ce n'est pas elle qui a indiqué la porte du CAC 40 au fondateur et à ses équipes mais la réalité des chiffres et des ratios. Quel que soit le parcours boursier futur du géant français de la relation client, l'entreprise a marqué son métier, ses clients et fait grandir nombre de ses collaborateurs. Récemment, comme lors de la consultation menée par SFR, l'entreprise est sortie gagnante de l'appel d'offre*. Elle est le premier employeur privé dans de nombreux pays, comme en Tunisie, ou en Colombie (photo de une). 

It's lonely at the top ? 

A Miami, a quoi songe Daniel Julien, le fondateur, qui a rappelé récemment en Europe un argentin de grand talent, Agustin Grisanti ? Peut-être à la chanson de Randy Newman :

I've been around the world, Had my pick of any girl, You'd think I'd be happy But I'm not, Ev'rybody knows my name, But it's just a crazy game, Oh, it's lonely at the top.

*l'opérateur télécom a désiré challenger son prestataire de référence, Intelcia, auquel elle souhaitait adjoindre un autre spécialiste pour assurer sa relation client et ses dispositifs d'acquisition. Konecta et TP sont arrivés en finale, victoire au pénalties de TP.

Manuel Jacquinet.