Stéphane Le Viet, co-fondateur évincé de l’histoire officielle de Legalstart. Pourquoi ?
Qu'est-ce qui est vrai chez Yolaw connu sous la marque Legalstart ?
Une histoire de palimpseste, avec les scribes Timothée Rambaud et Pierre Aïdan, Isai ?
Douze ans après sa création, dix ans après son lancement opérationnel, Timothée Rambaud et Pierre Aïdan, deux des trois co-fondateurs de Legalstart, demandent à des médias de faire disparaitre les photos où ils apparaissent avec Stéphane Le Viet, l’un des trois co-fondateurs, dont l’apport a pourtant été essentiel lors de la création de l’entreprise.
Lorsqu’ils se rencontrent en 2012, des 3 fondateurs, Stéphane Le Viet est le seul a avoir déjà créé, avec succès, des start-up. Le polytechnicien a en effet à son actif différentes sociétés, (dont Multiposting) qu’il a parfois revendues. Il apportera à l’entreprise cette expérience et son expertise technique. Ses deux associés ont des profils et des formations d'avocat et d'ingénieur ( les Mines) se connaissent déjà et se sont rencontrés à New-York où les deux travaillent, raconte l'histoire officielle.
Pourtant, depuis plus d’un an, au service marketing de l’entreprise, qui a bien grossi, qui semble bien se porter financièrement et a même initié un LBO avec Isai, une salariée contacte méthodiquement les médias qui ont publié des photos datant des premières années de l’entreprise. Elle exerce un poste de content manager. Notre magazine en fait partie, qui a consacré des article à Legalstart, dans ses premières années et ensuite.
Vers En-Contact, la première démarche date de 2023, via un mail. Une relance interviendra en 2024. Quand on demande à la personne en question pour quelles raisons il faudrait supprimer les photos des trois co-fondateurs pour les remplacer par une autre mais avec deux d'entre eux seulement, la réponse est confuse: “C’est juste une question d’image et de nombreux autres partenaires et médias ont dit: d’accord”.
Joint par nos soins, Timothée Rambaud fait mine de ne pas trop savoir pourquoi cette demande a été initiée par son équipe : “Je ne suis pas au courant, ce doit être au service marketing”. Pierre Aïdan, également sollicité, ne nous répondra pas.
Joint par nos soins, Stéphane Le Viet confirme qu’il a bien participé activement à la création de Legalstart, qu’il en est toujours associé, même s’il n’y exerce plus de fonction opérationnelle. Il est désormais bien occupé chez M Education, son nouveau projet d'entrepreneur, un réseau d'écoles maternelles bilingues.
Du coté d'Isai, sollicité difficilement par nos soins ( l'entreprise ne mentionne aucun numéro de téléphone sur son site), on veut savoir “quel journal on représente, qui on est, etc”. Finalement, Christophe Poupinel, managing director, nous confirme que Stéphane Le Viet est bien toujours associé dans Legalstart, mais qu'il n'y exerce plus de fonctions opérationnelles. En allant plus loin, on découvre que sur le site officiel d'Isai, on a également évincé Stéphane Le Viet de l'histoire officielle. Le communiqué de presse qui indique l'entrée d'ISAI au capital de Legalstart ne mentionne .. que deux associés. Diantre, qu'a commis ce Stéphane ?
Maddyness, Eduardo Saverin, Thierry Roland.
Les start-up nous avaient habitués à ré-écrire un peu l’histoire. Depuis des années, certaines alimentent en contenus séduisants de nombreux médias, peu enclins à vérifier, questionner, privés de contenus et d'informations sinon pour leurs newsletters ou podcasts. Maddyness, parmi d'autres, a évoqué par exemple la paire Pierre Aïdan et Timothée Rambaud dans de nombreux articles consacrés à Yolaw, en omettant systématiquement Stéphane Le Viet dans le texte et les images.
Mais il arrive aussi à des journaux sérieux, tel Le Monde, de raconter de grosses sornettes, sans les corriger. Dans le domaine du CRM, des call-centers, de l'IA, c'est même un festival. J'ai eu l'occasion de le constater à maintes reprises, depuis la création de notre magazine. Il existe donc des typologies d'entreprises, de secteurs d'activité à propos desquels on peut tout raconter, réécrire, sans que personne ne s'offusque vraiment. Et des hommes politiques habiles en la matière. Pour qualifier ces pratiques, on parle désormais de vérités alternatives.
Mais on s’étonne un peu, chez un juriste en ligne, devenu une jolie PME, qui devrait être attachée à la rigueur, de ce vif désir de réécrire un chapitre imagé de son histoire. On sourit en découvrant que Yolaw, la société qui porte Legalstart, propose désormais Zen, une application développée par l'entreprise, qui vise à “éviter les erreurs coûteuses et chronophages tout en protégeant les entrepreneurs des arnaques courantes”.
François Mitterrand avait caché sa fille Mazarine, dont Paris Match révèlera finalement l'existence, en novembre 1994, avec un accord implicite du Président de la République. Eduardo Saverin, co-fondateur de Facebook, a certes été dilué par son associé, Mark Zuckerberg, mais pas effacé de l'histoire. Sur les photos de mannequins qu'ils publient, les magazines doivent désormais mentionner si la photo est retouchée. Dans la tech, pourquoi deux amis ont-ils envie de faire disparaitre, sur la photo de classe, sur le post Linkedin ( où l'un d'eux célèbrait les dix ans de l'entreprise) leur ex-partenaire? Pour briller un peu plus dans la lumière ? Cette longue enquête m'a rappelé le Cluedo de mon enfance et Thierry Roland, qui était journaliste, certes coutumier de quelques embardées langagières, mais également très cash : ces deux là ne partiront pas en vacances ensemble était l'une de ses expressions favorites.
C'est donc la seule chose dont je sois à peu près certain désormais, concernant Legalstart et ses co-fondateurs. Comme du talent et de la rigueur de Chloé Antonucci, ex-collaboratrice avec laquelle nous avons eu l'occasion de collaborer, chez Yolaw. En vrai.
Manuel Jacquinet.
PS: La suite de l'enquête, dans notre numéro de fin d'année, le Bottin. *Palimpseste : parchemin dont on a effacé la première écriture pour pouvoir écrire un nouveau texte. **Elle a rejoint désormais Pennylane.
Crédit photos: Edouard Jacquinet.